La défenseure des droits humains et ancienne sénatrice Leila de Lima était détenue au siège de la police nationale des Philippines depuis son arrestation le 24 février 2017. Elle a été libérée temporairement le 13 novembre 2023 après avoir obtenu sa libération sous caution. Elle est l’une des personnes qui ont dénoncé le plus vigoureusement les violations des droits humains commises sous le gouvernement de l’ancien président Rodrigo Duterte. Tout au long de sa détention arbitraire, qui a duré près de sept ans, Amnesty International a souligné à maintes reprises que les accusations retenues contre elle étaient dénuées de fondement et que les dépositions des témoins à charge étaient forgées de toutes pièces.
Leila De Lima a été inculpée de trois chefs d’accusation ayant trait au trafic de stupéfiants, dont deux ont été abandonnés par deux juridictions différentes en 2021 et 2023. Dans la troisième et dernière affaire, encore traitée par une autre juridiction et pour laquelle elle a été autorisée à demander sa libération sous caution en novembre 2023, elle est accusée d’avoir toléré un « trafic de drogues généralisé » dans l’enceinte de la prison de haute sécurité de New Bilibid, en violation de l’article 5 de la Loi de 2002 relative aux drogues dangereuses portant sur la vente, la livraison, la distribution et le transport de drogues illégales, qui prévoit une peine maximale de réclusion à perpétuité. La procédure judiciaire concernant ce dernier chef d’inculpation doit reprendre en mars 2024.
En octobre et novembre 2023, huit personnes sont revenues sur leur témoignage contre Leila de Lima, portant à 13 le nombre total de témoins qui se sont rétractés au cours des deux dernières années. Le dernier en date était un policier à la retraite, qui a déclaré en décembre 2023 que ses allégations étaient « fondées entièrement sur des ouï-dire et pleines de mensonges ». Auparavant, en avril 2022, le trafiquant de drogue autoproclamé Kerwin Espinosa était revenu sur son témoignage antérieur, dans lequel il avait affirmé avoir versé au total huit millions de pesos (environ 152 000 dollars des États-Unis) issus d’un trafic de stupéfiants à Leila de Lima lorsqu’elle était ministre de la Justice.
Rafael Ragos, ancien chef par intérim du Bureau d’application des peines, est également revenu en avril 2022 sur ses déclarations incriminant Leila de Lima. Il a indiqué avoir été contraint d’« inventer des histoires » par Vitaliano Aguirre, ancien ministre de la Justice, et d’autres hauts fonctionnaires. Rafael Ragos avait précédemment affirmé qu’en 2012, il avait déposé à deux reprises de l’argent provenant de détenus de la prison de New Bilibid au domicile de Leila de Lima, à l’époque où elle était ministre de la Justice, pour financer sa campagne sénatoriale. Il a fait partie des coprévenus de Leila de Lima dans l’une des affaires, mais les charges retenues contre lui avaient été abandonnées quand il avait accepté de témoigner contre elle. Vitaliano Aguirre a depuis démenti les accusations de Rafael Ragos à son encontre.
Le 13 mai 2022, Ronnie Dayan, ancien garde du corps de Leila de Lima, est revenu sur sa déposition de 2016, selon laquelle il avait collecté de l’argent lié au trafic de stupéfiants auprès de Kerwin Espinosa pour le compte de Leila de Lima, son employeuse de l’époque, alors qu’elle était encore ministre de la Justice. Coprévenu dans l’une des deux affaires encore en instance contre elle, Ronnie Dayan a déclaré que Rey Umali, ancien député du Mindoro oriental décédé en janvier 2021, l’avait contraint à témoigner contre Leila de Lima lors des enquêtes du Congrès de 2016 sur le trafic de stupéfiants dans la prison de New Bilibid.
L’arrestation de Leila de Lima, en 2017, est survenue alors qu’elle tentait d’enquêter sur les violations commises dans le contexte de la « guerre contre la drogue », qui s’est traduite par des milliers d’exécutions extrajudiciaires visant des personnes soupçonnées d’usage ou de vente de stupéfiants, assimilables à des crimes contre l’humanité, et par d’autres violations des droits humains. Comme Leila de Lima, l’immense majorité des victimes et de leurs proches n’ont pas obtenu justice, et les responsabilités n’ont généralement pas été établies pour les violations commises dans ce cadre.