Écrire Un manifestant condamné à mort à l’issue d’un procès inique

Le manifestant Abbas Deris risque d’être exécuté sous peu en lien avec les manifestations qui ont secoué le pays en novembre 2019.

Son avocat a déclaré publiquement le 4 juillet que la Cour suprême avait confirmé sa déclaration de culpabilité et sa peine capitale pour « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh).

Fin octobre 2022, un tribunal révolutionnaire à Mahshahr l’a condamné à mort à l’issue d’un procès manifestement inique entaché d’« aveux » diffusés à la télévision d’État quelques semaines après son interpellation.

Sa demande de réexamen judiciaire est toujours en instance devant la Cour suprême.

Mohsen Deris, le frère d’Abbas Deris, a lui aussi été arrêté le même jour – le 8 décembre 2019 – et a été accusé d’être complice du meurtre d’un policier à Mahshahr le 18 novembre 2019. Les médias officiels iraniens ont diffusé les « aveux » forcés de Mohsen Deris, selon lesquels il aurait tiré sur les forces de sécurité lors des manifestations, quelques semaines après son arrestation, fin décembre 2019. L’avocat de Mohsen Deris a annoncé que le tribunal révolutionnaire avait acquitté son client des accusations pesant sur lui. Mohsen Deris doit lui aussi être jugé pour les mêmes accusations par la 3e chambre du tribunal pénal n° 2 de la province du Khuzestan.

Dans une vidéo diffusée en ligne mi-juillet 2023, les trois enfants d’Abbas Deris ont lancé un appel au monde pour les aider à faire annuler la condamnation à mort de leur père, faisant valoir qu’ils « n’ont plus personne d’autre que leur père », leur mère étant décédée peu après qu’il ait été arrêté.

Le 15 novembre 2019, après l’annonce soudaine par le gouvernement d’une augmentation du jour au lendemain du prix du carburant, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues du pays pour manifester. L’objectif des manifestations a rapidement basculé vers des revendications plus larges contre l’establishment politique et en faveur d’une transformation du système politique iranien, notamment en faveur de réformes constitutionnelles et de la fin du régime de la République islamique. Les forces de sécurité iraniennes ont eu recours à la force illégale, notamment en tirant des balles réelles, des plombs et des gaz lacrymogènes et en utilisant des canons à eau contre les manifestant·e·s et les passant·e·s.

Amnesty International a recueilli des informations précises sur les centaines d’homicides illégaux de manifestant·e·s et de passant·e·s, dont au moins 23 mineur·e·s, imputables aux forces de sécurité lors de la répression contre ce mouvement de contestation entre le 15 et le 19 novembre 2019, notamment à Mahshahr, dans la province du Khuzestan. Les autorités continuent de dissimuler le nombre réel de personnes tuées illégalement par les forces de sécurité lors des manifestations nationales de novembre 2019, et nient et déforment la vérité quant aux circonstances entourant ces homicides. Pendant les manifestations, elles ont instauré une coupure quasi totale d’Internet, empêchant ainsi la population iranienne de partager avec le reste du monde des images et des vidéos de la répression meurtrière.

Toute personne arrêtée ou détenue parce qu’elle est soupçonnée d’une infraction pénale doit être traitée dans le plein respect des obligations de l’Iran en matière de droits humains, et voir respectés ses droits constitutifs du droit à un procès équitable. Il s’agit notamment du droit de choisir son avocat, de bénéficier des services d’un avocat dès l’arrestation, pendant la phase précédant le procès et pendant le procès, d’être présenté dans les meilleurs délais à un magistrat relevant de la justice civile ordinaire, de contester la légalité de la détention devant un tribunal indépendant et impartial, d’être présumé innocent, de garder le silence et de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s’avouer coupable, d’avoir pleinement accès aux éléments de preuve pertinents, de ne pas être détenu sur la base d’accusations formulées en termes vagues, d’interroger les témoins à charge et d’obtenir l’interrogatoire des témoins à décharge, d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et d’avoir un jugement argumenté prononcé publiquement.

Amnesty International a recueilli des informations faisant état de violations systématiques du droit à un procès équitable en Iran dès l’arrestation et tout au long de l’enquête, du procès et de la procédure d’appel. Les tribunaux, en règle générale, ne font aucun cas des allégations de torture et de mauvais traitements, sur lesquelles ils n’ordonnent pas d’enquête, et s’appuient sur des « aveux » extorqués sous la torture pour prononcer des déclarations de culpabilité et des peines, y compris dans les affaires pouvant aboutir à une sentence capitale. Étant donné le caractère irréversible de la peine de mort, les procès de personnes passibles de ce châtiment doivent respecter scrupuleusement toutes les normes internationales garantissant le droit à un procès équitable. En vertu du droit international, l’imposition de la peine de mort à l’issue d’un procès inique constitue une privation arbitraire du droit à la vie.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où ce châtiment est encore en vigueur, y compris l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine de mort.

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