Fin décembre 2019, quelques semaines à peine après son arrestation, les « aveux » forcés d’Abbas Deris, dans lesquels il affirmait avoir tiré avec un fusil en direction des forces de sécurité lors de manifestations à Mahshahr, ont été diffusés dans une vidéo de propagande sur la chaîne de télévision d’État, la Radio-télévision de la République islamique d’Iran. Durant son procès devant le tribunal révolutionnaire, la première audience devait avoir lieu par vidéoconférence le 26 février 2022 du fait de la pandémie de Covid-19, mais elle avait été annulée en raison de problèmes de connexion.
L’audience suivante, qui devait également se dérouler par vidéoconférence, a été annulée après que ses avocats se sont opposés à ce que le procès se déroule à distance et qu’Abbas Deris a demandé à comparaître devant le tribunal. Deux ans et demi après son arrestation, son procès s’est finalement ouvert devant la première chambre du tribunal révolutionnaire de Mahshahr, et a consisté en deux audiences, qui se sont tenues à la prison de Mahshahr en mai et septembre 2022. Le 19 octobre 2022, le tribunal révolutionnaire l’a condamné à mort pour « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh).
Vers juillet 2023, la 39e branche de la Cour suprême a confirmé cette déclaration de culpabilité et cette peine. Ses avocats ont déposé une demande de révision judiciaire, qui a été rejetée par la première chambre de la Cour suprême en janvier 2024. Ses avocats ont ensuite déposé une demande d’appel spécial en vertu de l’article 477 du Code de procédure pénale, qui peut être invoqué lorsque les autres voies de recours ont été épuisées.
Dans la deuxième affaire d’Abbas Deris, qui découle des mêmes allégations d’implication dans la mort du commandant lors des manifestations de novembre 2019, il a été jugé devant la première cour pénale de la province du Khuzestan pour meurtre présumé et détention d’une arme. Le 19 novembre 2023, le tribunal l’a reconnu coupable de ces deux chefs d’accusation et l’a condamné à 14 ans d’emprisonnement. Selon les déclarations publiques de ses avocats, la famille du commandant décédé a déclaré qu’elle n’avait pas porté plainte contre Abbas Deris auprès des autorités.
Dans une vidéo mise en ligne le 16 novembre 2023, la famille du commandant a également annoncé qu’elle ne demandait ni qesas (rétribution en nature) ni le paiement du « prix du sang » (diyah) à Abbas Deris. C’est pourquoi le tribunal pénal n’a pas condamné Abbas Deris à la peine de mort pour meurtre, car le principe de la rétribution en nature n’était pas applicable après que la famille a déclaré que sa position était inconditionnelle et sans équivoque. Un recours contre cette décision est toujours en instance devant la Cour suprême.
Le frère d’Abbas Deris, Mohsen Deris, a également été arrêté le 8 décembre 2019 et accusé d’être complice du meurtre du commandant à Mahshahr le 18 novembre 2019. Les médias d’État iraniens ont également diffusé ses « aveux » forcés dans la même vidéo de propagande qu’Abbas. Les autorités l’ont jugé aux côtés de son frère mais, dans son cas, le tribunal révolutionnaire l’a acquitté de l’accusation d’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh), tandis que le premier tribunal pénal l’a condamné à deux ans d’emprisonnement. Il a été remis en liberté en octobre 2023. Avant sa libération, ses avocats, qui représentent également Abbas Deris, ont déclaré publiquement que les autorités le maintenaient illégalement en prison alors qu’il avait déjà purgé sa peine de deux ans de prison.
En novembre 2022, les autorités ont brusquement transféré Abbas Deris et Mohsen Deris de la prison de Mahshahr à la prison de Sepidar, dans la province du Khuzestan, sans prévenir leurs proches ni les autoriser à prendre leurs effets personnels, faisant craindre l’exécution imminente d’Abbas Deris. En novembre 2023, Abbas Deris a été transféré de la prison de Sepidar à celle de Mahshahr. L’épouse d’Abbas Deris a succombé à un accident vasculaire cérébral après qu’il a été condamné à mort. Dans une vidéo émouvante diffusée en ligne en juillet 2023, les trois jeunes enfants d’Abbas Deris, qui se sont retrouvés sans parent après la mort de leur mère, ont demandé le soutien de la communauté internationale pour sauver la vie de leur père.
Depuis 2018, les autorités iraniennes utilisent de plus en plus la peine de mort comme outil de répression politique, condamnant à mort et exécutant de nombreux manifestant·e·s afin de répandre la peur au sein de la population et de la terroriser pour qu’il soit mis fin aux manifestations pacifiques ou à d’autres formes d’opposition.
Amnesty International a recensé les exécutions de 14 manifestants depuis 2018, dont deux en relation avec les manifestations nationales de novembre 2019 et neuf en lien avec le soulèvement « Femme. Vie. Liberté. », alors que le nombre d’exécutions de manifestant·e·s et d’opposant·e·s est en forte hausse ces derniers mois. Amnesty International a également recueilli des informations sur la pratique des autorités iraniennes consistant à extorquer des « aveux » sous la torture et d’autres formes de mauvais traitements, notamment dans le cas de manifestant·e·s condamnés à mort et exécutés, et sur le fait que les juges s’appuient sur ces « aveux » pour déclarer des personnes coupables et les condamner à la peine de mort.
Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine capitale, en toutes circonstances. La peine capitale est une violation du droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme, et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où elle est encore en vigueur, dont l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine capitale.