Écrire Des manifestants du Rif font l’objet de représailles en détention

Nasser Zefzafi, chef de file de la contestation, et le journaliste Hamid El Mahdaoui sont maintenus en détention à l’isolement prolongée. Les détenus en grève de la faim font l’objet de représailles alors que leur état de santé continue de se dégrader. Ils vont être jugés à Casablanca.

Les autorités marocaines maintiennent Nasser Zefzafi, 37 ans, chef de file du mouvement de contestation appelé Hirak, ainsi que le journaliste Hamid El Mahdaoui, 38 ans, en détention à l’isolement prolongée. Nasser Zefzafi se trouve depuis plus de 116 jours en détention à l’isolement, et Hamid El Mahdaoui est en détention à l’isolement depuis son arrestation, en juillet.
Nasser Zefzafi est détenu dans une cellule individuelle située dans une aile vide de la prison Ain Sbaa 1, et il a accès pendant une demi-heure, deux fois par jour, à la cour de promenade.

Hamid El Mahdaoui est lui aussi détenu dans une cellule individuelle et il n’a accès qu’une demi-heure par jour à la cour, où il est toujours seul. L’absence de contacts significatifs avec d’autres détenus pendant au moins 22 heures par jour et durant plus de 15 jours constitue une détention à l’isolement prolongée, qui représente une forme de torture ou d’autres mauvais traitements au titre de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela). Ces deux hommes font partie des 54 personnes, parmi lesquelles figurent des journalistes, inculpées par le procureur général du roi près la Cour d’appel de Casablanca d’infractions incluant l’atteinte à la sécurité intérieure, en raison de manifestations largement pacifiques qui ont eu lieu dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, en 2017. Un petit nombre d’entre elles seulement ont été accusées d’actes de violence précis, selon leur avocat, et la plupart d’entre elle ont été accusées d’« incitation » à manifester, à la rébellion et à causer des troubles, y compris sur les réseaux sociaux.

Au moins 35 détenus de la prison Ain Sbaa 1 mènent une grève de la faim depuis deux à trois semaines, et leur état de santé se dégrade progressivement. Ils réclament notamment que cessent les arrestations qui se poursuivent dans la région du Rif, ainsi que la libération de toutes les personnes arrêtées pendant les manifestations. Leurs avocats ont porté plainte au sujet des représailles dont font manifestement l’objet les grévistes de la faim : le 20 septembre, des gardiens de prison les auraient filmés avec leurs smartphones et se seraient moqués d’eux pendant une fouille au corps non annoncée, à la suite des visites familiales hebdomadaires.

Les grévistes de la faim ont également été séparés les uns des autres, enfermés dans leur cellule, et leurs appels téléphoniques hebdomadaires à leurs proches ont été restreints ou supprimés. Leurs effets personnels ont été confisqués ou endommagés pendant la fouille des cellules. Un certain nombre de détenus ont pendant une semaine mené une grève de la faim sans boisson pour protester contre ces représailles manifestes.

Le 24 juillet, le tribunal de première instance d’Al Hoceima a déclaré coupable le journaliste Hamid El Mahdaoui d’incitation à participer à une manifestation non autorisée, et l’a condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement et à une amende de 20 000 dirhams marocains (environ 2 100 USD), peine alourdie en appel le 12 septembre et portée à un an d’emprisonnement. À la suite de cette décision, Hamid El Mahdaoui a mené pendant six jours une grève de la faim, en signe de protestation. Cette affaire était liée aux déclarations qu’il a faites en public à Al Hoceima la veille de la grande manifestation du 20 juillet 2017, et qui ont été filmées et diffusées sur les réseaux sociaux. Sa condamnation constitue une violation flagrante du droit à la liberté d’expression et de réunion.

Outre Nasser Zefzafi et Hamid El Mahdaoui, cinq autres personnes arrêtées dans le cadre des manifestations dans le Rif ont subi une détention à l’isolement prolongée. Mohamed Jelloul, Nabil Ahamjik, Mohamed El Majjaoui, Mohamed El Asrihi et Khaled El Baraka ont été maintenus en détention à l’isolement prolongée pendant près de trois mois jusqu’à la fin de l’enquête menée par le tribunal, et en août ils ont été placés dans des cellules collectives.

Les Règles de Mandela définissent la détention à l’isolement en ces termes « l’isolement d’un détenu pendant 22 heures par jour ou plus, sans contact humain significatif », et considèrent qu’elle est prolongée quand il s’agit d’une période de plus de 15 jours consécutifs. La détention à l’isolement n’a pas besoin d’être infligée à titre de châtiment pour être répréhensible.
Cinquante des 54 personnes inculpées par la Cour d’appel de Casablanca au sujet des manifestations dans le Rif ont été incarcérées dans la prison Ain Sbaa 1, et les quatre autres ont été remises en liberté en attendant le procès. La grande majorité des proches des détenus doivent effectuer un trajet de 550 kilomètres depuis Al Hoceima et d’autres localités de la région du Rif pour se rendre à la prison Ain Sbaa 1, également appelée « Okacha », qui se trouve non loin de Casablanca, la capitale économique du Maroc. Les audiences du procès ont commencé le 12 septembre.

Trente-cinq des détenus du Rif grévistes de la faim sont incarcérés dans la prison Ain Sbaa 1. Leur état de santé ne cesse de se dégrader, en particulier en ce qui concerne ceux qui ont cessé de boire de l’eau pendant une semaine pour protester contre les représailles manifestement exercées contre les grévistes de la faim lors de la fouille des cellules et des fouilles au corps le 20 septembre à la prison Ain Sbaa 1. D’autres détenus du Rif incarcérés dans d’autres prisons à Fès, Taza, Taourirt et Guercif mènent eux aussi une grève de la faim.

La délégation générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion a publiquement nié à plusieurs reprises les grèves de la faim, alors que plusieurs détenus ont déjà rencontré des représentants de l’autorité judiciaire au sujet de leur grève de la faim et été transférés à l’infirmerie de la prison en raison de la dégradation de leur état de santé. Les autorités ont la responsabilité de veiller à ce que les détenus grévistes de la faim aient accès à des professionnels de santé qualifiés et à des soins médicaux adéquats.
Le mouvement populaire du Rif, également appelé Hirak, réclame plus de justice sociale et de meilleurs services publics dans cette région du nord, marginalisée depuis longtemps. Selon les avocats, la plupart des détenus sont inculpés d’accusations forgées de toutes pièces en raison de leur contestation, dissidence ou couverture en ligne pacifique des événements.

Depuis mai 2017, la police a arrêté plusieurs centaines de personnes dans le cadre du mouvement du Rif, nombre d’entre elles de manière arbitraire, dont des militants pacifiques et des journalistes. La très grande majorité d’entre elles ont été placées en détention, et beaucoup ont déjà été condamnées à des peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement pour des accusations liées aux manifestations.

Pour en savoir plus, voir : Maroc. Des dizaines de personnes arrêtées dans le cadre de la contestation qui secoue le Rif dénoncent des actes de torture en détention (Nouvelle) https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2017/08/morocco-dozens-arrested-over-mass-protests-in-rif-report-torture-in-custody/

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