Sepideh Gholian, une militante des droits des travailleurs et travailleuses actuellement incarcérée, ainsi que ses proches, sont régulièrement soumis à des mauvais traitements et à des actes de harcèlement par des agents du ministère du Renseignement et par l’administration pénitentiaire. Sepideh Gholian et Esmail Bakhshi, un autre militant, sont incarcérés depuis janvier 2019 pour avoir participé à des manifestations pacifiques. L’état de santé de Sepideh Gholian suscite des inquiétudes, car elle a observé une grève de la faim de cinq jours du 20 au 25 octobre, pour dénoncer les mauvais traitements dont elle et sa famille font l’objet ainsi que les conditions de détention très difficiles dans la prison de Shahr-e Rey. Sepideh Gholian et Esmail Bakhshi sont des prisonniers d’opinion ; ils doivent, à ce titre, être libérés immédiatement et sans condition.
Écrire Les mauvais traitements visant une militante incarcérée doivent cesser
Sepideh Gholian et Esmail Bakhshi ont été arrêtés de façon violente par des agents du ministère du Renseignement à Ahvaz, dans la province du Khuzestan, le 20 janvier 2019. Il s’agit manifestement de représailles liées au fait qu’ils ont dénoncé des actes de torture qui leur ont été infligés, selon eux, au cours de leur première période de détention, en novembre et décembre 2018. Sepideh Gholian a été détenue dans la prison de Sepidar et Esmail Bakhshi dans celle de Sheyban, deux établissements situés à Ahvaz, jusqu’au 28 avril 2019, date à laquelle ils ont été transférés dans la prison d’Evin. Le 3 juin 2019, Sepideh Gholian a été transférée dans la prison de Shahr-e Rey, dans la ville de Varamin, près de Téhéran. En septembre 2019, Sepideh Gholian a été condamnée, à l’issue d’un procès inique devant la 28e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, à 18 ans de prison, dont sept ans pour « rassemblement et collusion dans l’intention de commettre des infractions portant atteinte à la sécurité nationale », un an et six mois pour « diffusion de propagande contre le régime », deux ans et six mois pour « publication d’informations mensongères » et sept ans pour « appartenance à un groupe illégal » en lien avec son travail pour un magazine en ligne, Gam, qui traite des droits des travailleurs et travailleuses. Esmail Bakhshi a quant à lui été condamné à 13 ans et six mois de prison, dont sept ans pour « rassemblement et collusion dans l’intention de commettre des infractions portant atteinte à la sécurité nationale », deux ans pour « outrage au Guide suprême », deux ans pour « publication d’informations mensongères », un an et six mois pour « diffusion de propagande contre le régime », ainsi qu’un an et six mois d’emprisonnement et 74 coups de fouet pour « trouble à l’ordre public ». Si leurs peines sont confirmées en appel, Sepideh Gholian et Esmail Bakhshi devront purger sept ans d’emprisonnement, au titre de l’article 134 du Code pénal, qui dispose qu’en cas de condamnation sur la base de charges multiples et passibles de peines d’emprisonnement distinctes, seule la plus longue des peines prononcées est applicable.
La sécurité et le bien-être de Sepideh Gholian sont fortement menacés dans la prison de Shahr-e Rey, où les femmes déclarées coupables de crimes violents sont détenues dans des cellules surpeuplées et dans des conditions insalubres. De nombreux signalements émanant de l’intérieur de l’établissement font état de la fréquence des agressions commises contre les détenues, tant par des codétenues que par le personnel pénitentiaire, et du caractère répandu des problèmes de santé mentale, des automutilations et de la consommation de stupéfiants. L’eau de la prison serait salée et impropre à la consommation, la nourriture immangeable. Les détenues dénoncent aussi les coupures d’électricité fréquentes, l’absence de système d’aération ou de climatisation adéquat, la saleté des installations sanitaires, qui sont en outre insuffisantes, les infestations d’insectes, la très faible pression de l’eau dans les douches et la grave pénurie de lits, qui oblige de nombreuses détenues à dormir par terre. En outre, les détenues n’ayant pas accès à des soins médicaux adaptés, les maladies contagieuses sont fréquentes. En vertu du droit international, notamment de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), l’administration carcérale doit mettre à la disposition des personnes détenues de l’eau potable et une alimentation ayant une valeur nutritive suffisante, et veiller à la propreté et à l’hygiène.
Sepideh Gholian et Esmail Bakhshand ont été arrêtés une première fois le 18 novembre 2018 pour avoir participé à un rassemblement pacifique devant le bureau du gouverneur à Suse, dans le Khuzestan, organisé pour dénoncer le non-versement des salaires des ouvriers de l’usine de canne à sucre d’Haft Tappeh. Après avoir été libérés sous caution à la mi-décembre, Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian ont évoqué publiquement les actes de torture que leur avaient infligés des policiers et des agents du Renseignement, à Suse et à Ahvaz. Ils ont dit avoir été frappés sans relâche, projetés contre un mur et jetés à terre, humiliés par des insultes à caractère sexuel et menacés de coups de fouet, de violences sexuelles et de meurtre. Les autorités ont tout d’abord réagi en s’engageant à enquêter sur ces allégations de torture. Cependant, quelques jours plus tard, de hauts représentants de l’État, dont le chef du pouvoir judiciaire, le procureur général du pays et le chef de cabinet du président, ont déclaré que ces allégations de torture étaient fausses et menacé de porter plainte contre Esmail Bakhshi pour avoir jeté le discrédit sur la République islamique (voir l’Action urgente intitulée Iran. Deux militants des droits du travail risquent d’être de nouveau torturés, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde13/9745/2019/fr/).
Le 19 janvier 2019, la veille de l’arrestation d’Esmail Bakhshi et de Sepideh Gholian, une chaîne de télévision publique a diffusé les « aveux » qui, selon les deux militants, leur avaient été extorqués sous la torture. Esmail Bakhshi a dit à Amnesty International qu’avant de filmer ces « aveux », les agents chargés de l’interroger l’avaient peigné, l’avaient rasé et lui avaient donné un texte à lire. Selon lui, les agents interrompaient l’enregistrement et lui criaient dessus à chaque fois qu’ils estimaient que son visage n’exprimait « pas assez de regrets ». D’après Sepideh Gholian, les agents l’ont soumise à de telles pressions pour la forcer à « avouer » que pendant les interrogatoires, elle hurlait, tremblait de manière incontrôlable et se griffait le visage. En arrachant des « aveux » par la contrainte et en les diffusant, les autorités iraniennes bafouent de manière flagrante les droits garantissant un procès équitable, notamment le droit de garder le silence pendant les interrogatoires et le droit à la présomption d’innocence.
LIEN VERS L’AU PRÉCÉDENTE : https://www.amnesty.org/fr/documents/MDE13/0814/2019/fr/
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