Écrire Menaces contre un journaliste qui a couvert des disparitions

Le 19 janvier 2018, un journaliste de télévision a diffusé des vidéos de caméras de surveillance laissant à penser que la police de Chilpancingo, dans l’État de Guerrero, était impliquée dans six des sept cas de disparition recensés fin décembre 2017 et début janvier 2018. Quelques jours après, il a reçu des menaces sur Twitter.

Entre le 25 décembre 2017 et le 3 janvier 2018, au moins sept jeunes hommes ont disparu à Chilpancingo, capitale de l’État de Guerrero. Amnesty International a trouvé des preuves de l’implication de la police dans cinq de ces sept disparitions. Le 19 janvier, Marco Antonio Coronel, journaliste de Televisa, une importante chaîne de télévision nationale, a diffusé des vidéos, prises dans la rue par des caméras de surveillance, faisant apparaître l’implication de la police dans l’affaire Efraín Patrón Ramos, disparu tôt dans la matinée le 29 décembre 2017. Cette information indique que six des sept cas de disparition pourraient être des disparitions forcées. Trois des disparus, retrouvés en vie, portaient des traces de torture ; deux autres ont été retrouvés morts. On ignore toujours le sort d’Efraín Ramos et d’Abel Aguilar García .

Efraín Patrón Ramos a été vu en vie pour la dernière fois alors qu’il conduisait sa voiture dans une avenue centrale de Chilpancingo. Sa famille a indiqué à Amnesty International qu’avant de disparaître, il avait dit à un ami, par téléphone, que la police municipale le suivait. Les vidéos que Marco Antonio Coronel a diffusées le 19 janvier montrent clairement que des véhicules de police suivaient la voiture d’Efraín Ramos à l’endroit et à l’heure où cet appel aurait été passé, sur l’une des avenues principales de Chilpancingo. Des images vidéo filmées 25 minutes plus tard montrent la voiture d’Efraín Ramos quelques rues plus loin. Cette fois, sa voiture suit la patrouille de police et une voiture beige, ce qui pourrait signifier qu’Efraín Ramos ne conduisait plus son véhicule.

Le 30 janvier, un compte Twitter a publié des menaces de mort contre Marco Antonio Coronel. Le message était signé par un cartel de la drogue accusé d’avoir des liens avec les autorités locales de Chilpancingo. Le message disait : « Si vous ne voulez pas être découpés en morceaux, mettez-la en veilleuse », et mentionnait Televisa et Marco Antonio Coronel. Le 31 janvier, le journaliste a de nouveau reçu des messages de menaces similaires.

Craignant pour sa sécurité, il a maintenant cessé de faire des reportages sur cette affaire. Le gouvernement fédéral a pris des mesures pour assurer sa protection.

Le 27 décembre 2017, la police de Chilpancingo et la police judiciaire de l’État de Guerrero ont fait disparaître Alán Alexis pendant sept jours, et l’ont torturé en même temps que deux adolescents (leur anonymat est préservé pour des raisons de sécurité). Le 3 janvier 2018, ces trois jeunes hommes ont été retrouvés. Ils portaient des traces évidentes de torture et étaient entièrement enveloppés dans du ruban adhésif. Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles la police a torturé ces hommes pour leur extorquer des informations. La police municipale, qui agirait en collusion avec le crime organisé, a privé Jorge Vázquez Campos et Marco Catalán Cabrera de leur liberté et les a fait disparaître le 30 décembre 2017. Leurs cadavres ont été retrouvés le 3 janvier 2018 dans un parking abandonné, dans la banlieue de Chilpancingo.

Deux jeunes hommes demeurent introuvables. Abel Aguilar García a disparu le 25 décembre 2017. Sa famille a dit à Amnesty International qu’il avait quitté sa pension pour étudiants ce matin-là et qu’il n’était jamais rentré. Efraín Patrón Ramos a disparu le 29 décembre, tôt dans la matinée. Les proches d’Abel Aguilar Garcia et d’Efraín Patrón Ramos affirment que les services du procureur de l’État de Guerrero, au lieu de mener une enquête en bonne et due forme sur ces disparitions, ont essayé de minimiser l’urgence de la situation.

Amnesty International a demandé au procureur de l’État de Guerrero de fournir de plus amples informations sur tous ces cas, mais elle n’a pas encore reçu de réponse écrite. Dans le cas d’Efraín Ramos, le gouverneur de Guerrero a déclaré publiquement, le 20 janvier, qu’il enquêtait sur les vidéos diffusées par Marco Antonio Coronel, mais des membres de la famille d’Efraín Ramos ont dénoncé le fait qu’aucune avancée n’avait été réalisée dans l’enquête. Les vidéos font apparaître l’implication d’au moins cinq policiers municipaux dans la disparition d’Efraín Ramos.

Selon le reportage de Marco Antonio Coronel, la zone située entre l’avenue principale où Efraín Ramos a été filmé une première fois et l’endroit où sa voiture a été filmée par la suite comprend un certain nombre de rues dépourvues de caméras de surveillance, où la disparition aurait pu se produire. Marco Antonio Coronel a souligné dans ses reportages télévisés que la disparition d’Abel Aguilar Garcia semblait avoir eu lieu dans la même rue que celle d’Efraín Ramos, deux jours plus tôt. Ces derniers mois, le journaliste a également fait état de liens entre le bureau du procureur de l’État de Guerrero et des organisations criminelles. C’est la première fois en 15 ans qu’il a dû arrêter de travailler en raison d’un danger imminent lié à son activité de journaliste.

Ces disparitions se sont produites à environ une heure de trajet de l’endroit où a eu lieu la tristement célèbre disparition de 43 étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa, en septembre 2014. Les disparitions forcées (avec l’implication de l’État) et les disparitions imputables à des acteurs non étatiques demeurent très répandues au Mexique, et les responsables de ces agissements jouissent d’une impunité quasi totale. Selon le Registre national des personnes disparues, un organisme officiel, à la fin de l’année 2017, on ne savait pas où se trouvaient 33 482 personnes (24 805 hommes et 8 677 femmes), ni ce qu’il était advenu d’elles. Les chiffres réels sont probablement plus élevés, car les statistiques officielles ne comprennent pas les affaires fédérales antérieures à 2014, ni les affaires classées comme d’autres infractions, comme la prise d’otages ou la traite des êtres humains. Les enquêtes sur les cas de personnes disparues restent entachées d’irrégularités et les autorités, en général, ne lancent pas les recherches dès qu’une disparition leur est signalée.

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