Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah sont détenus depuis le 29 septembre 2019 dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019 instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale. Ils font l’objet d’investigations pour « appartenance à un groupe terroriste », « financement d’un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » et « utilisation des réseaux sociaux en vue de commettre une infraction liée à la publication ». Le 29 septembre 2019, Alaa Abdel Fattah n’est pas revenu du poste de police de Dokki (Grand Caire) où il était retenu 12 heures chaque nuit, en application des mesures de suivi policier qui lui étaient imposées depuis le 29 mars 2019, date à laquelle il avait été libéré après avoir purgé une peine inique de cinq ans d’emprisonnement pour avoir participé pacifiquement à une manifestation. La police a indiqué à sa mère qu’il avait été conduit par des fonctionnaires de l’Agence de sécurité nationale au service du procureur général de la sûreté de l’État. Plus tard ce jour-là, Mohamed Baker est entré dans les locaux de ce service pour assurer sa défense. Selon leurs proches et leurs amis, le lieu de détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed Baker est resté inconnu jusqu’au 1er octobre 2019, date à laquelle ils ont comparu devant un juge à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora.
Les deux hommes sont incarcérés dans des conditions inhumaines à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora, au Caire. Du 1er octobre 2019 au 9 mai 2021, Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah ont partagé avec deux autres détenus une petite cellule mal ventilée de 3,5 mètres sur 5 mètres. Les autorités carcérales refusent de leur fournir des lits et des matelas ; ils dorment à même le sol sur des couvertures grossières. À la différence des autres détenus, il leur est interdit de faire de l’exercice dans la cour de la prison et ils ne sont pas autorisés à profiter de la bibliothèque, ni à recevoir des livres ou des journaux de l’extérieur de la prison, à leurs frais. En outre, ils ne sont pas autorisés à avoir des vêtements adaptés, une radio, une montre, accès à l’eau chaude ni à garder des effets personnels, comme des photos de famille.
Le 11 mai 2021, lors d’une visite, Mohamed Baker a informé son épouse qu’il avait été transféré dans une autre cellule, dans des conditions similaires. Il a ajouté que du fait de ses déplacements limités et de ses conditions de détention déplorables, il souffrait de douleurs au niveau des articulations et des muscles. Les familles de Mohamed Baker et d’Alaa Abdel Fattah ont déposé plainte au sujet de la façon dont ils sont traités en prison, notamment au sujet de leur exclusion de la campagne de vaccination contre le COVID-19, alors que les inquiétudes sont vives, les détenus étant transférés des prisons aux tribunaux sans équipements de protection individuelle et entassés dans des conditions d’hygiène déplorables. Aucune information n’a été communiquée sur les suites données à leurs plaintes.
Le 30 août 2020, le service du procureur général de la sûreté de l’État a interrogé Mohamed Baker dans le cadre d’une autre affaire (n° 855/2020). D’après les informations recueillies par Amnesty International, le parquet a principalement fondé ses accusations dans cette affaire sur les dossiers d’enquête de l’Agence de sécurité nationale, que les prévenu·e·s et leurs avocat·e·s n’ont pas été autorisés à examiner. Depuis quelques mois, il est de plus en plus fréquent que le service du procureur général de la sûreté de l’État contourne les décisions des tribunaux ou du parquet ordonnant la libération de personnes qui se trouvent en détention provisoire prolongée. Pour ce faire, il émet de nouveaux ordres de placement en détention qui s’appuient sur des charges similaires, pratique connue sous le nom de « rotation ». Le 14 septembre 2021, Alaa Abdel Fattah a été transféré de la prison au tribunal, mais n’a pas été présenté au juge, qui a prolongé de 45 jours sa détention provisoire en son absence.
Le 23 novembre 2020, le Journal officiel a publié la décision du tribunal pénal du Caire d’inscrire Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah sur la « liste des terroristes » pour une période de cinq ans, en dehors de toute procédure régulière, dans le cadre de l’affaire n° 1781/2019, instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État. Mohamed Baker et ses avocats n’étaient pas au courant qu’il faisait également l’objet d’une enquête dans le cadre de l’affaire n° 1781/2019 avant la publication de cette décision. Il n’a jamais été interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État en lien avec cette affaire et n’a jamais reçu d’informations quant aux faits exacts qui lui étaient reprochés. Du fait de cette décision, il lui est interdit de voyager et d’avoir des activités politiques ou civiques pendant cinq ans. Son pourvoi en cassation doit être examiné le 23 novembre 2021.
Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises ces dernières années, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Mohamed Baker est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il dirige le Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014. Ces deux hommes comptent parmi les milliers de personnes placées en détention de manière arbitraire en Égypte uniquement pour avoir exercé leurs droits humains ou sur la base de procès d’une iniquité flagrante, y compris de procès collectifs et de procès militaires.