Diplômé de l’Université centrale des minorités (Minzu), à Pékin, Yang Zhengjung s’emploie sans relâche à défendre les droits des travailleurs et travailleuses atteints de pneumoconiose, une affection pulmonaire causée par l’inhalation de poussières. Avec Wei Zhili et Ke Chengbing, il a dirigé iLabour.net, un site Internet qui promeut les droits des travailleurs, diffuse des informations sur le droit du travail et publie des reportages sur les travailleurs. Après l’arrestation de Yang Zhengjung, Wei Zhili et Ke Chengbing ont également été appréhendés en mars, puis placés en « résidence surveillée dans un lieu désigné » après avoir été inculpés de la même infraction que lui en avril 2019.
La « résidence surveillée dans un lieu désigné » est une mesure qui, dans certaines circonstances, permet aux enquêteurs de maintenir des personnes hors du système de détention officiel pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois, et s’apparente à une forme de détention au secret.
L’arrestation de ces trois rédacteurs s’inscrit dans le cadre des mesures de répression prises à l’échelle nationale contre les travailleurs et travailleuses, les étudiant.es et les militant.es qui défendent les droits des travailleurs et la liberté d’expression sur les campus universitaires. Tout a commencé en juillet 2018, lorsque 30 travailleurs et travailleuses de Jasic Technology Co Ltd, un fabricant privé de matériel de soudage basé à Shenzhen, ont tenté de créer leur propre syndicat. Les manifestations ont reçu le soutien d’étudiant.es un peu partout dans le pays.
La police a arrêté les manifestant.es pacifiques et leurs sympathisant.es le 27 juillet 2018. À la suite de la première vague d’arrestations en juillet 2018, plus d’une dizaine de militant.es syndicaux et d’étudiant.es soutenant les employé.es de Jasic ont été arrêtés le 9 novembre 2018. Certaines des personnes appréhendées étaient diplômées de l’Université de Pékin, l’une des universités les plus prestigieuses de Chine. Selon les médias, l’un des étudiants aurait été roué de coups et emmené par un groupe d’individus vêtus de couleurs sombres à l’intérieur du campus universitaire. Le service de sécurité du campus ne serait pas intervenu pour empêcher ces individus de le frapper et de l’emmener avec eux. On ignore où se trouvent certain.es étudiant.es.
La répression s’est également étendue aux sociétés marxistes des universités, qui soutenaient activement les manifestations de travailleurs et travailleuses dans différentes régions du pays. Le 29 avril 2019, cinq membres de la Société marxiste de l’Université de Pékin ont été portés disparus. Un des étudiants disparus, Qiu Zhanxuan, a diffusé début mai une vidéo dans laquelle il relatait les actes de torture et autres mauvais traitements subis pendant sa détention fin avril. Selon sa vidéo, la police l’a giflé jusqu’à le faire saigner du nez. La police l’a également contraint à signer une lettre déclarant qu’il renonçait à son droit de recevoir une éducation. Ces dernières années, la Chine a promulgué une loi et des réglementations visant à protéger les droits des travailleurs, mais elles ne sont guère appliquées. Selon le Bureau national des statistiques de Chine (BNS), en 2016, 35 % seulement des 281 millions de « travailleurs migrants employés comme domestiques » en Chine avaient un contrat de travail. Dans le même temps, les syndicats indépendants sont interdits et la Fédération nationale des syndicats chinois (FNSC), gérée par l’État, est la seule organisation autorisée à représenter les travailleurs en Chine. Les syndicats affiliés à la FNSC au niveau de l’entreprise sont souvent contrôlés par la direction des usines, ce qui leur laisse peu de marge de manœuvre pour protéger les intérêts des travailleurs.