Depuis octobre 2023, les autorités jordaniennes intensifient leur répression contre les militant·e·s pro-palestiniens en invoquant des dispositions pénales vagues et générales, notamment la Loi relative à la prévention de la criminalité, le Code pénal de 1960 et la Loi relative à la cybercriminalité, récemment modifiée. Au moins 1 000 personnes – manifestant·e·s et passant·e·s – ont été interpellées lors de manifestations en soutien à Gaza à Amman, au cours d’une période d’un mois entre octobre et novembre 2023. En février 2024, les forces de l’ordre ont procédé à plus de 2 000 arrestations en marge des manifestations pro-palestiniennes.
La répression en cours s’inscrit dans une tendance démontrable de la Jordanie à étouffer les droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression en s’appuyant sur des lois répressives. Lors d’une visite en Jordanie en septembre 2023, Amnesty International a noté que neuf militant·e·s, journalistes et autres ont été poursuivis parce qu’ils avaient critiqué la conduite et la politique des autorités, organisé des débats sur des sujets dits « sensibles » par le pouvoir et appelé à manifester contre le gouvernement. En 2023, les autorités, y compris les forces de sécurité et les tribunaux civils et militaires, ont mené des enquêtes ou poursuivi au moins 43 personnes en raison de publications en ligne, au titre de lois vagues et abusives, telles que la Loi sur la cybercriminalité de 2015, la Loi antiterroriste et le Code pénal.
En Jordanie, les autorités se servent de la Cour de sûreté de l’État, un tribunal militaire spécial, pour réprimer la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. La loi antiterroriste de 2006 a été modifiée en 2014 pour élargir la définition du terrorisme, afin d’englober des actes tels que la « perturbation des relations avec un État étranger », un chef d’accusation qui était déjà inscrit dans le Code pénal, et les « troubles à l’ordre public ». Ces amendements permettent au système judiciaire de criminaliser les activités militantes pacifiques en faveur des droits humains en tant qu’actes terroristes jugés par la Cour de sûreté de l’État, et non plus en tant que délits mineurs jugés par d’autres cours pénales, ce qui a donné lieu à de lourdes peines d’emprisonnement.
En outre, le Code pénal érige en infraction tout acte qui « sape le régime politique ou incite à s’y opposer ».
La Cour de sûreté de l’État et les services de sécurité s’appuient fréquemment sur ces dispositions pour arrêter et inculper des militant·e·s, en lien avec des infractions liées à des propos.