Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement, a été arrêté à plusieurs reprises au cours des 10 dernières années, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Le 29 septembre 2019, des membres de l’Agence Nationale de sécurité l’ont arrêté au poste de police de Dokki, dans le Grand Caire, où il a été contraint de passer 12 heures par nuit après sa libération conditionnelle en mars 2019, après avoir purgé une nouvelle peine inique de cinq ans d’emprisonnement.
Plus tard ce jour-là, l’avocat spécialiste des droits humains Mohamed Baker a été arrêté dans les bureaux du service du procureur, où il s’était rendu pour assister à l’audience d’interrogatoire de son client Alaa Abdel Fattah. Il a été ordonné de placer Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker en détention provisoire dans l’attente d’une enquête pour de fausses accusations liées au terrorisme, dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019 instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale.
Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des investigations à leur encontre pour des charges similaires dans le cadre d’une nouvelle affaire (n° 1228/2021), recourant à une stratégie de plus en plus utilisée par les autorités, connue sous le nom de « rotation », pour contourner la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne, fixée à deux ans, et prolonger indéfiniment la détention des militants. Leur procès dans l’affaire n° 1228/2021 a débuté le 28 octobre 2021, avec un troisième prévenu : le blogueur et militant Mohamed Ibrahim Radwan, alias Mohamed « Oxygen », également accusé de « diffusion de fausses informations » en raison de publications sur les réseaux sociaux, et condamné à quatre ans d’emprisonnement.
Les procédures qui se déroulent devant les tribunaux d’exception sont intrinsèquement iniques, car les décisions de ces tribunaux ne sont pas susceptibles d’appel devant une juridiction supérieure. Les avocats de la défense n’ont pas été autorisés à communiquer en privé avec les accusés ni à photocopier les dossiers et actes d’inculpation. Le 3 janvier 2022, le président a ratifié le jugement rendu contre les trois hommes. Selon un document qu’Amnesty International a pu consulter, l’application de leur peine a débuté à compter de la date de ratification, et non de la date de leur arrestation.
Alaa Abdel Fattah a été détenu dans des conditions inhumaines à la prison de haute sécurité n° 2 de Tora, au Caire, à partir de septembre 2019 et jusqu’en mai 2022. Il a été placé dans une cellule exiguë et mal ventilée, sans lit ni matelas. En outre, il a été privé de tout support de lecture, d’exercice physique dans la cour, de vêtements adaptés, de radio, de montre, d’eau chaude et d’effets personnels, notamment de photos de famille. Le 12 mai 2022, Alaa Abdel Fattah a dit à sa mère que le directeur adjoint de la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora l’avait battu alors qu’il était menotté. Le 18 mai 2022, il a été transféré à la prison de Wadi el Natroun à la suite de fortes pressions exercées par la population.
Le 19 juillet 2023, à la suite d’une mobilisation soutenue de sympathisants, Mohamed Baker a été libéré à la faveur d’une grâce présidentielle accordée après presque quatre années de détention arbitraire découlant uniquement de son travail en faveur des droits humains. Depuis la réactivation par le président en avril 2022 de la Commission des grâces présidentielles, les autorités égyptiennes ont libéré des prisonniers et prisonnières d’opinion de premier plan, ainsi que des centaines de personnes détenues pour des raisons politiques. Cependant, des milliers d’autres personnes sont toujours détenues arbitrairement pour avoir simplement exercé leurs droits humains ou à la suite de procès manifestement iniques ou sans fondement juridique.
Durant la 27e Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27), des voix se sont élevées pour appeler les autorités égyptiennes à libérer Alaa Abdel Fattah, qui menait une grève de la faim depuis sept mois lorsque la conférence a débuté le 6 novembre 2022. Le 8 novembre, le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Volker Türk a notamment exprimé un profond regret face à la détention prolongée d’Alaa Abdel Fattah et a demandé sa libération immédiate, en exhortant les autorités à lui apporter tous les soins nécessaires.
Alaa Abdel Fattah a débuté sa grève de la faim le 2 avril 2022, pour protester contre son incarcération injuste et contre la privation de visites consulaires dont il fait l’objet. Le 1er novembre 2022, il a intensifié sa grève de la faim et cessé de consommer les 100 calories qu’il recevait quotidiennement depuis le mois d’avril. Le 6 novembre, il a cessé de boire de l’eau. Le 11 novembre, il a perdu connaissance sous la douche, et lorsqu’il est revenu à lui, il était tenu par un codétenu, entouré par une large foule, et un tube avait été inséré dans son corps. Après cette expérience de mort imminente, il a décidé de ne pas reprendre sa grève de la faim tout de suite, mais a promis de continuer « si aucune avancée réelle n’était faite sur son dossier ».
Le 24 mars 2023, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a publié ses observations finales sur le respect par l’Égypte de ses obligations au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), mettant en avant plusieurs points soulevés depuis 2013 par Amnesty International et d’autres organisations égyptiennes et internationales de défense des droits humains, notamment la détention arbitraire et les utilisations abusives de la législation antiterroriste en vue de réduire au silence les détracteurs avérés ou supposés des autorités égyptiennes.
Le 14 novembre 2023, la famille d’Alaa Abdel Fattah a soumis un appel urgent au Groupe de travail sur la détention arbitraire au sujet de son maintien en incarcération inique.