Le 31 juillet 2025, Ibtissame Lachgar a publié sur X une photo d’elle portant un T-shirt avec l’inscription « Allah est lesbienne ». La légende accompagnant cette photo comportait des propos critiques à l’égard de l’islam et d’autres religions, les décrivant comme des systèmes qui renforcent les structures patriarcales et misogynes. Peu après, cette publication est devenue virale et Ibtissame Lachgar a déclaré recevoir des menaces de mort et de viol, et être victime de harcèlement. La campagne en ligne la ciblant a amplifié les demandes en faveur de son arrestation.
Le 10 août 2025, la police l’a interpellée à Rabat et un procureur a annoncé qu’elle était placée en garde à vue aux fins de l’enquête. Elle a alors été inculpée par le tribunal de première instance de Rabat d’« atteinte à l’islam » et placée en détention provisoire. Ses avocats ont demandé sa libération provisoire dans l’attente du procès, requête qui a été rejetée. Ibtissame Lachgar a donc été maintenue en détention.
Le 3 septembre, le tribunal de première instance de Rabat l’a déclarée coupable au titre de l’article 267-5 du Code pénal, qui érige en infraction d’atteinte à la religion islamique ou à des symboles sacrés au moyen de publications, y compris par voie électronique. Elle a été condamnée à une peine de deux ans et demi de prison, assortie d’une amende de 50 00 dirhams (environ 4 600 euros). Le 8 octobre, la Cour d’appel de Rabat a confirmé sa déclaration de culpabilité et sa sentence.
Sa condamnation s’inscrit dans « le » cadre d’une politique plus générale, qui consiste à invoquer l’article 267-5 pour criminaliser toute critique pacifique de la religion. Ces dispositions vagues qui criminalisent l’expression pacifique et les poursuites qui en découlent ne sont pas compatibles avec les obligations incombant au Maroc en vertu du droit international relatif aux droits humains, notamment de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a déclaré que, sauf dans des circonstances très limitées, « les interdictions des manifestations de manque de respect à l’égard d’une religion ou d’un autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le Pacte ».
Ibtissame Lachgar souffre d’un cancer des os et fait face à de graves complications de santé : elle risque notamment de perdre l’usage de son bras gauche. Elle a besoin d’urgence d’une intervention chirurgicale qui n’est pas pratiquée au Maroc. Ibtissame Lachgar vivait en France et y suivait son traitement avant d’être arrêtée au Maroc où elle séjournait au mois d’août. Les autorités ont rejeté ses multiples demandes de libération provisoire pour raisons médicales, bien que les médecins aient attesté de la gravité de son état.
Elle est actuellement incarcérée à la prison d’El Arjat, près de Rabat. Son avocat a confirmé à Amnesty International qu’elle est détenue à l’isolement depuis son arrestation, dans le cadre de ce que l’administration pénitentiaire nomme une « détention à des fins de protection ».
Les autorités carcérales assurent qu’Ibtissame Lachgar pourrait être prise pour cible par d’autres prisonnières susceptibles de considérer le motif de son incarcération comme offensant. Par ailleurs, son avocat a également confirmé qu’Ibtissame Lachgar et son équipe de défense n’avaient pas demandé de mesures de protection.
Ibtissame Lachgar est enfermée dans une cellule toute seule, n’a pas le droit d’interagir avec les autres prisonnières et ne peut pas sortir dans la cour en même temps que les autres. Son avocat a ajouté qu’elle souffre de cet isolement, tant sur le plan physique que psychologique, car elle a besoin d’aide pour les tâches ménagères en raison de son état de santé.