Joanna Mamombe, députée de l’Alliance du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) pour Harare ouest, Cecilia Chimbiri, vice-présidente de la branche jeunesse de l’Alliance du MDC, et Netsai Marova, secrétaire adjointe à l’organisation de la branche jeunesse, ont été arrêtées le 13 mai pour avoir mené une action de protestation contre le gouvernement ce même jour, en relation avec la réaction des autorités face à la pandémie de COVID-19 et au problème de la faim dans le pays. Elles ont été appréhendées à hauteur d’un barrage routier érigé par la police et des soldats près de Warren Park, sur Bulawayo Road à Harare. Elles ont été emmenées au poste de police central de Harare, où on leur a demandé de monter dans un autre véhicule au prétexte qu’elles allaient être conduites au poste de police de Warren Park.
Selon les militantes, on leur a mis une cagoule ou un sac sur la tête et elles ont été conduites dans un lieu inconnu où on les a frappées sur la plante des pieds, agressées sexuellement et forcées à manger des excréments humains. Le 14 mai, Paul Nyathi, chef adjoint et porte-parole de la police nationale, a confirmé cette information, ajoutant toutefois qu’il ne savait pas où elles étaient détenues. Or ce même jour sur son compte Twitter officiel, la police a nié que les trois militantes étaient en garde à vue.
Les trois militantes ont été retrouvées très tôt vendredi 15 mai, abandonnées à Bindura, à 87 km de Harare ; leurs habits étaient déchirés et elles avaient été violemment agressées. Elles ont été hospitalisées. Pendant leur séjour à l’hôpital, les autorités les ont inculpées d’infraction à l’article 37 du Code pénal, en vertu duquel les rassemblements ayant pour but d’encourager la violence et de troubler l’ordre public sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et/ou d’une amende, ainsi qu’aux alinéas 3 et 1 de l’article 5 de l’instrument législatif 99/20 interdisant les rassemblements et prévoyant un an d’emprisonnement et/ou une amende. À l’issue d’une audience spéciale organisée à l’hôpital, elles ont été libérées moyennant une caution de 1 000 dollars du Zimbabwe.
Le 10 juin, les trois militantes ont été arrêtées aux cabinets de leurs avocats. Accusées d’avoir menti au sujet des actes de torture qu’elles auraient subis, elles ont été inculpées de communication ou publication d’informations erronées portant préjudice à l’État en vertu de l’article 31(a)(1)(iii) du Code pénal et d’obstruction à la justice, telle que définie à l’article 184(1)(f). Leur demande de libération sous caution a été rejetée le 15 juin et elles ont été placées an détention jusqu’au 26. En détention, elles n’ont pas eu accès à la nourriture apportée par leurs proches. Leurs avocats ont interjeté appel devant la Haute Cour.
Finalement, la Haute Cour leur a accordé une libération sous caution le 26 juin à des conditions contraignantes, dont une caution fixée à 10 000 dollars du Zimbabwe, l’obligation de se présenter à la police trois fois par semaine et l’interdiction de parler de leur affaire dans les médias, publics et privés, y compris sur les réseaux sociaux.
Le jour de l’arrestation des militantes, les neuf rapporteurs et rapporteuses spéciaux des Nations unis ont appelé à ce qu’il soit mis fin aux enlèvements et à la torture et ont demandé que les charges soient abandonnées immédiatement.
Certains hauts représentants du gouvernement, parmi lesquels le ministre de la Justice et le secrétaire permanent du ministère des Médias, de l’Information et de l’Audiovisuel ont considéré leur disparition avec dédain, et affirmé qu’elle avait été « mise en scène » par l’opposition. Le ministre de la Justice a demandé leur arrestation. Le ministre de l’Intérieur et du Patrimoine culturel a émis une déclaration dans laquelle il pointait du doigt des failles dans leur récit et les accusaient de chercher à s’attirer la sympathie de l’Occident, avant de diligenter une enquête. Il a également accusé les médecins qui les ont examinées d’être hostiles au gouvernement.