Ces derniers mois, les autorités palestiniennes basées à Ramallah ont été accusées de corruptions dans plusieurs affaires, notamment en ce qui concerne la nomination de proches de hauts responsables palestiniens à des postes haut placés. À la suite de ces allégations, des militants palestiniens ont organisé le « Comité de coordination pour les mouvements populaires », qui regroupe plusieurs mouvements associatifs de plusieurs villes de Cisjordanie occupée. Cette organisation a défini plusieurs objectifs, dont l’amélioration de la transparence, la séparation des pouvoirs au sein du gouvernement, la contestation du népotisme au sein des autorités palestiniennes, et la dénonciation des cas de corruption et d’abus de pouvoir dans les secteurs public et privé.
Début juin 2020, le tribunal de première instance de Ramallah a inculpé quatre militants anticorruption appartenant à cette organisation de « diffamation » à l’égard de la Société palestinienne des télécommunications. Ces quatre militants sont : Jasser Jaser, Jihad Abdou, Izz al-Din Za’aloul et Musa al Qasiya. Selon Lawyers for Justice, une organisations d’avocats qui représente les quatre hommes, ces militants sont des membres de la Coalition pour un secteur palestinien des télécommunications équitable, qui a lancé en 2017 la campagne Bekafi ya shirikat alitisalat. Les quatre militants ont par la suite été libérés sous caution.
Le 7 juillet, les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté un des dirigeants du « Comité de coordination pour les mouvements populaires », Fayez Swaity, peu après qu’il eut dénoncé sur les réseaux sociaux la distribution non équitable de l’aide financière aux Palestiniens. Selon Lawyers for Justice, Fayez Swaity a été placé en détention par des agents des forces de sécurité palestiniennes qui ont effectué une descente à son domicile à Dura, une ville proche d’Hébron. Il a été libéré sous caution le 13 juillet.
Le 15 juillet, le « Comité de coordination pour les mouvements populaires » a appelé à manifester pacifiquement dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie, le 19 juillet. Plusieurs militants anticorruption ont organisé un rassemblement sur le thème « Trop c’est trop » dans le cadre de la campagne contre la corruption endémique des autorités palestiniennes. Peu avant l’heure fixée pour le début de la manifestation , vers 17 h 30, les forces palestiniennes basées à Ramallah ont été déployées sur la place al Manara, dans le centre de Ramallah. Les forces palestiniennes ont arrêté 19 des militants qui participaient à la manifestation peu après le début de ce mouvement de protestation.
D’éminents militants anticorruption ont ainsi été arrêtés, dont Fayez Swaity, arrêté pour la deuxième fois. Selon Lawyers for Justice, les 19 militants ont été emmenés dans un centre de détention de la direction de la police de Ramallah. Trois de ces personnes ont été relâchées, mais les 16 autres ont été présentées devant le parquet le 20 juillet, et inculpées de « rassemblement illégal » et de « violation des dispositions de l’état d’urgence ». Six d’entre elles ont été remises en liberté et les dix autres ont été maintenues en détention. Le 22 juillet, le tribunal de première instance de Ramallah a prolongé de 15 jours la détention des 10 militants. Le 23 juillet, le tribunal a rejeté une demande de libération sous caution des détenus. La prochaine audience aura lieu le 5 août 2020.
Amnesty International a recueilli des informations indiquant que les forces palestiniennes en Cisjordanie et à Gaza continuent d’arrêter arbitrairement des personnes qui manifestent pacifiquement ou expriment des critiques envers les deux autorités. Parmi les personnes appréhendées et détenues se trouvent des journalistes, des étudiant.e.s, des personnes critiques à l’égard des autorités et des défenseur.e.s des droits humains. Amnesty International constate avec inquiétude que nombre de ces arrestations sont arbitraires et que les procédures judiciaires ne sont pas conformes aux normes relatives aux procès équitables.
De plus, Amnesty International s’inquiète vivement de l’utilisation systématique de la torture et des mauvais traitements contre les détenus par les forces de sécurité palestiniennes, en toute impunité, alors que l’État de Palestine a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 29 décembre 2017.
Ces arrestations vont à l’encontre des mesures louables qui ont été prises par les autorités palestiniennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pour libérer des personnes emprisonnées ou détenues, dans le cadre de leur riposte face à la crise sanitaire. Elles s’inscrivent en outre dans un contexte de violations préexistantes et systématiques du droit à la liberté d’expression commises par les autorités palestiniennes.