Écrire Des militants jugés sur la base d’accusations sans fondement

Maintenus injustement en détention provisoire depuis plus de deux ans, Alaa Abdel Fattah, militant et blogueur, et Mohamed Baker, avocat spécialiste des droits humains, ont comparu en octobre 2021 devant le tribunal correctionnel de la cour de sûreté de l’État du Caire pour répondre de « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale », en raison de publications sur les réseaux sociaux.

Ils sont poursuivis pour leurs activités militantes et pour avoir dénoncé les violations des droits humains commises par les autorités égyptiennes. S’ils sont déclarés coupables, ils risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Amnesty International demande leur libération immédiate et inconditionnelle.

Mohamed Baker, fondateur et directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, et Alaa Abdel Fattah, célèbre militant et blogueur, sont détenus depuis le 29 septembre 2019 dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019, instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale. Ils font l’objet d’investigations pour « appartenance à un groupe terroriste », « financement d’un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » et « utilisation des réseaux sociaux en vue de commettre une infraction liée à la publication ». Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des investigations à leur encontre pour des charges similaires dans le cadre d’une nouvelle affaire (n° 1228/2021), recourant à une stratégie de plus en plus utilisée par les autorités, connue sous le nom de « rotation », pour contourner la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne, fixée à deux ans, et prolonger indéfiniment la détention des militants.

Le 29 septembre 2019, Alaa Abdel Fattah n’est pas revenu du poste de police de Dokki (Grand Caire) où il devait passer 12 heures chaque nuit, en application des mesures de suivi policier qui lui étaient imposées depuis le 29 mars 2019, date à laquelle il avait été libéré après avoir purgé une peine inique de cinq ans d’emprisonnement pour avoir participé pacifiquement à une manifestation. La police a indiqué à sa mère que des fonctionnaires de l’Agence de sécurité nationale l’avaient emmené dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État. Plus tard ce jour-là, Mohamed Baker, avocat, est entré dans les locaux de ce service pour assurer sa défense. Selon leurs proches et leurs amis, le lieu de détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed Baker est resté inconnu jusqu’au 1er octobre 2019, date à laquelle ils ont comparu devant un juge à la prison de haute sécurité n° 2 de Tora.

Les deux hommes sont incarcérés dans des conditions inhumaines dans la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora, au Caire. Du 1er octobre 2019 au 9 mai 2021, Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah ont partagé avec deux codétenus une cellule exiguë et mal ventilée de 3,5 mètres sur 5 mètres. Les autorités carcérales n’ont mis ni lit ni matelas à leur disposition ; ils dorment à même le sol, sur des couvertures grossières. À la différence des autres détenus, il leur est interdit de faire de l’exercice dans la cour de la prison, d’utiliser la bibliothèque de l’établissement et de faire parvenir à leurs frais des livres ou des journaux de l’extérieur de la prison. En outre, ils sont privés de vêtements adaptés, de radio, de montre, d’accès à l’eau chaude et d’effets personnels, comme des photos de famille. Le 11 mai 2021, lors d’une visite, Mohamed Baker a informé son épouse qu’il avait été transféré dans une autre cellule, où les conditions de vie étaient similaires. Il a ajouté que du fait de ses déplacements limités et de ses conditions de détention déplorables, il souffrait maintenant de douleurs articulaires et musculaires. Les familles de Mohamed Baker et d’Alaa Abdel Fattah ont porté plainte au sujet du traitement qui leur était infligé en prison, notamment de leur exclusion de la campagne de vaccination contre le COVID-19 alors que les inquiétudes sont vives, les détenus étant transférés des prisons aux tribunaux sans équipements de protection individuelle et entassés dans des conditions d’hygiène déplorables. La prochaine audience consacrée à leurs plaintes doit avoir lieu le 25 décembre 2021.

Bien que le président égyptien ait annoncé, le 25 octobre, la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis avril 2017, des dizaines de défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s, responsables politiques et manifestant·e·s détenus arbitrairement continuent à être jugés par des cours de sûreté de l’État. L’article 19 de la Loi de 1958 relative à l’état d’urgence dispose que les affaires renvoyées devant les cours de sûreté de l’État pendant l’état d’urgence suivront leur cours après la levée de celui-ci. Parmi les personnes en cours de jugement devant les cours de sûreté de l’État figurent Patrick Zaki George, étudiant et chercheur sur les droits humains, Zyad el Elaimy, ancien parlementaire, Hisham Fouad et Hossam Moanis, journalistes et hommes politiques, Ezzat Ghoniem, défenseur des droits humains, Hoda Abdelmoniem, avocate spécialiste des droits humains, Abdelmoniem Aboulfotoh, ancien candidat à la présidence et Mohamed al Kassas, responsable politique de l’opposition, tous accusés de « diffusion de fausses informations ». Nombre de ces personnes sont en détention provisoire depuis plus de deux ans, soit davantage que la durée maximale autorisée par la législation égyptienne.

Le 23 novembre 2020, le Journal officiel a publié la décision du tribunal pénal du Caire d’inscrire Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah sur la « liste des terroristes » pour une période de cinq ans, en dehors de toute procédure régulière, dans le cadre de l’affaire n° 1781/2019, instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État. Mohamed Baker et ses avocats n’étaient pas au courant qu’il faisait également l’objet d’une enquête dans le cadre de l’affaire n° 1781/2019 avant la publication de cette décision. Il n’a jamais été interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État en lien avec cette affaire et n’a jamais reçu d’informations quant aux faits exacts qui lui étaient reprochés. Du fait de cette décision, il lui est notamment interdit de voyager et d’exercer des activités politiques ou civiques pendant cinq ans. Son pourvoi en cassation doit être examiné le 23 novembre 2021. Si la Cour de cassation confirme le jugement à son encontre, Mohamed Baker ne pourra plus exercer sa profession d’avocat spécialiste des droits humains.

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