Le 3 mai 2021, le président Félix Tshisekedi a proclamé l’état de siège, un régime exceptionnel, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Prise par ordonnance, cette décision visait à ramener la paix et la stabilité dans les deux provinces, après plusieurs décennies de conflits armés, en éliminant les groupes armés dans la région.
Sous l’état de siège, tous les pouvoirs civils ont été transférés à l’armée et à la police, qui se sont substitués au gouvernement provincial civil, aux chefs des villes, aux conseils municipaux et aux maires. Dans le même contexte, toutes les affaires ont été transférées de la compétence des tribunaux civils à celle des tribunaux militaires. Ultérieurement, en septembre 2021, la ministre de la Justice a précisé que seules les affaires pénales devaient être traitées par la justice militaire.
Le 6 mai 2021, tout en saluant l’intention déclarée du gouvernement de protéger la population civile dans l’est de la RDC, Amnesty International a exprimé son opposition au transfert de la compétence pénale aux juridictions militaires, cela étant contraire à l’obligation incombant à la la RDC de garantir l’indépendance et l’impartialité des tribunaux en vertu du droit international relatif aux droits humains.
Permettre que des personnes civiles soient poursuivies par des tribunaux militaires est une violation du droit à un procès équitable et des garanties d’une procédure régulière. La Résolution sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique [Commission africaine des droits de l’homme et des peuples] souligne que « les tribunaux militaires ont pour objectif de connaître des infractions de nature purement militaire commises par le personnel militaire ».
Amnesty International a également constaté un environnement de plus en plus restrictif pour le droit à la liberté d’expression sous l’état de siège. Des journalistes, des député·e·s aux niveaux local et national et des militant·e·s des droits humains ont été attaqués pour avoir critiqué l’état de siège en soulignant qu’il n’était pas une solution à l’insécurité persistante.
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a statué que les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains devaient être immédiatement libérées. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a appelé tous les États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dans sa résolution 466 sur les prisons et les conditions de détention en Afrique, à libérer différentes catégories de personnes détenues dans le contexte de la pandémie de COVID-19, y compris les défenseur·e·s des droits humains, « afin de réduire la surpopulation carcérale et d’endiguer la propagation du coronavirus ».