Écrire Des mineurs délinquants risquent d’être exécutés

Deux militants chiites saoudiens, arrêtés alors qu’ils avaient moins de 18 ans, risquent d’être exécutés dès que le roi aura ratifié leurs condamnations à mort. Ils ont été placés à l’isolement le 5 octobre et sont détenus au secret depuis lors.
Le 5 octobre, Abdullah Hasan al Zaher et Dawood Hussein al Marhoon, des militants chiites, ont été placés à l’isolement à la prison d’al Hair, où ils sont en détention au secret depuis lors. Ils ont été condamnés à mort le 22 octobre 2014 par le Tribunal pénal spécial de Riyadh, la capitale, qui les avait reconnus notamment coupables d’avoir « participé à des défilés et rassemblements lors des émeutes d’Awamiyya », « scandé des slogans hostiles à l’État dans l’intention de compromettre la sécurité du pays et de renverser le gouvernement », « pris part à l’homicide de policiers en fabriquant et utilisant des cocktails Molotov pour les attaquer » et « commis un vol à main armée ».
Tout au long de leur détention provisoire, les deux militants ont été privés du droit de s’entretenir avec leur avocat, qui n’a été autorisé à les rencontrer qu’à leur deuxième audience devant le tribunal. Leurs peines ont été confirmées par la cour d’appel et la Cour suprême cette année sans qu’ils n’en soient informés.
Abdullah al Zaher et Dawood al Marhoon ont été arrêtés le 3 mars et le 22 mai 2012, alors qu’ils avaient respectivement 16 et 17 ans. Ils ont tous deux été conduits au centre de réinsertion pour mineurs de Dar al Mulahaza, à Dammam, dans la province de l’Est, où ils sont restés jusqu’à leur 18e anniversaire. Ils ont alors été emmenés à la prison de la Direction générale des enquêtes à Damman. Ils ont subi des interrogatoires sans pouvoir s’entretenir avec un avocat, et affirment que des fonctionnaires de la Direction générale des enquêtes les ont torturés pour les forcer à « avouer ».

L’Arabie saoudite compte parmi les pays du globe qui exécutent le plus grand nombre de prisonniers ; plus de 2 200 personnes ont ainsi été mises à mort de 1985 à 2015. Depuis le début de l’année, elle a procédé à au moins 136 exécutions, dont près de la moitié pour des infractions ne faisant pas partie des « crimes les plus graves » pour lesquels la peine capitale peut être imposée aux termes du droit international.
En outre, l’Arabie saoudite condamne à mort et exécute des personnes pour des crimes commis alors qu’elles avaient moins de 18 ans, en violation des obligations qui lui incombent au titre du droit international coutumier et de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Les autorités se dispensent régulièrement de respecter les normes internationales d’équité des procès et les Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. Les affaires où l’accusé est passible de la peine capitale sont souvent jugées en secret dans le cadre de procédures sommaires et iniques, sans que le prévenu ne puisse bénéficier d’une assistance ni d’une représentation juridiques au cours des différentes phases de sa détention et de son procès. Les accusés peuvent être déclarés coupables sur la seule base d’« aveux » obtenus sous la torture ou d’autres mauvais traitements.
Les tensions entre les membres de la communauté chiite et les autorités saoudiennes se sont accrues depuis 2011, lorsque, en partie inspirés par les mouvements de protestation qui ont balayé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, des Saoudiens vivant dans la province de l’Est, majoritairement chiite, ont multiplié les appels publics en faveur de réformes.
Les autorités saoudiennes répliquent par des mesures répressives contre les personnes soupçonnées de soutenir ces événements ou d’y participer, ou encore de critiquer les autorités. Des manifestants sont parfois détenus au secret sans inculpation pendant des jours, voire des semaines, et certains auraient été victimes de torture ou d’autres mauvais traitements. Près de 20 personnes ayant un lien avec les manifestations dans la province de l’Est ont été tuées par les forces de sécurité depuis 2011 et des centaines d’autres ont été emprisonnées. Nombre des personnes poursuivies ont été inculpées uniquement pour avoir pris part aux manifestations.
Parmi celles qui ont été condamnées à mort en relation avec ces manifestations figurent Nimr Baqir al Nimr, un dignitaire religieux chiite, et son neveu Ali al Nimr, qui avait 17 ans au moment de son arrestation.
Ali an Nimr a été condamné à mort le 27 mai 2014 par le Tribunal pénal spécial de Djedda, pour des faits similaires à ceux reprochés à Dawood al Marhoon et Abdullah al Zaher. (Voir l’AU 143/14, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/014/2014/fr/). Le tribunal semble avoir uniquement basé sa décision sur des « aveux » qui, selon Ali al Nimr, lui ont été extorqués sous la torture. Le tribunal a refusé d’examiner cette allégation. Ali al Nimr a été arrêté le 14 février 2012, à l’âge de 17 ans, et conduit à la prison de la Direction générale des enquêtes à Dammam, dans la province de l’Est.
Nimr Baqir al Nimr a été condamné à mort le 15 octobre 2014 par le Tribunal pénal spécial pour plusieurs infractions, notamment : « désobéissance et déloyauté à l’égard du chef de l’État », « appel au renversement du régime », « appel à manifester », « incitation au conflit sectaire », « remise en question de l’intégrité du pouvoir judiciaire » et « ingérence dans les affaires d’un État voisin » (à savoir Bahreïn). Son procès, qui s’est ouvert le 25 mars 2013, a été entaché de graves irrégularités (voir AU 271/14, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/028/2014/fr/).
Amnesty International s’oppose à la peine de mort dans tous les cas, sans exception. Ce châtiment viole le droit à la vie, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

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