Écrire Un nigérian va être exécuté pour trafic de stupéfiants

La date d’exécution du ressortissant nigérian Chijioke Stephen Obioha a été fixée au 18 novembre. Déclaré coupable de trafic de stupéfiants à Singapour, cet homme a été condamné automatiquement à la peine de mort. Le président de la République ne s’est pas encore prononcé sur son recours en grâce.

La famille de Chijioke Stephen Obioha, un ressortissant nigérian déclaré coupable de possession de stupéfiants aux fins d’un trafic et condamné automatiquement à la peine de mort le 30 décembre 2008, a été informée que la nouvelle date d’exécution avait été fixée au 18 novembre. Le 9 avril 2007, cet homme a été arrêté en possession de plus de 2,6 kilogrammes de cannabis. Or, dans le droit singapourien, la présomption de trafic s’applique à partir de 500 grammes. En outre, Chijioke Stephen Obioha avait sur lui les clés d’un local contenant d’autres substances interdites, ce qui a conduit les autorités à supposer qu’il en avait connaissance et qu’elles lui appartenaient.

Il a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité et de sa peine mais il a été débouté en août 2010. Clamant son innocence, il a d’abord refusé d’exercer son droit d’être rejugé, comme le permettait les modifications apportées en 2013 à la législation relative à l’imposition automatique de la peine de mort. À Singapour, en cas de présomption de possession et trafic de drogue, la charge de la preuve incombe au prévenu. Cela constitue une violation du droit à un procès équitable, en particulier de la présomption d’innocence.
Le recours en grâce de Chijioke Stephen Obioha ayant été rejeté en avril 2015, sa date d’exécution a été fixée au 15 mai 2015. Un sursis lui a finalement été accordé la veille afin de lui permettre de demander à être rejugé. Sa famille n’a été informée que le 25 octobre 2016 qu’il avait décidé de retirer sa demande plus tôt dans l’année, sur les conseils d’un avocat qui lui avait indiqué qu’il ne pourrait être considéré comme un simple passeur aux termes de la législation modifiée.

Par conséquent, la cour d’appel a levé le sursis à compter du 24 octobre et la nouvelle date d’exécution a donc été fixée au 18 novembre. Chijioke Stephen Obioha a formé un autre recours en grâce auprès du président de la République, qui a le pouvoir de commuer sa peine.

Chijioke Stephen Obioha est diplômé de l’université de Benin City (Nigeria) en chimie industrielle. Il s’est installé à Singapour en 2005 dans le but d’intégrer un club de football. Sa famille, qui vit au Nigeria et au Royaume-Uni, n’a pas pu lui rendre visite ni véritablement l’aider. Pendant toute la durée de la procédure, elle a reçu des informations sporadiques et souvent tardives, notamment lorsqu’un avocat s’est vu retirer l’affaire.

Le 18 juillet 2014, Singapour a procédé à ses deux premières exécutions depuis 2012. Deux hommes ont alors été pendus après avoir été reconnus coupables de trafic de stupéfiants et condamnés automatiquement à la peine de mort. En les mettant à mort, Singapour a mis fin à un moratoire sur la peine de mort décrété en juillet 2012 pour permettre au Parlement de réexaminer les lois imposant la peine capitale comme châtiment obligatoire. Depuis, les autorités singapouriennes ont exécuté au moins cinq autres personnes, dont trois pour trafic de stupéfiants. Au moins cinq nouvelles condamnations à mort ont été prononcées de manière automatique en 2015, dont quatre pour trafic de stupéfiants et une pour meurtre. À la fin de 2015, Singapour comptait au moins 23 condamnés à mort.

L’imposition obligatoire de la peine de mort est contraire au droit international. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a indiqué que « la condamnation automatique et obligatoire à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte [international relatif aux droits civils et politiques], dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question ».

Depuis l’adoption des modifications de 2012 à la Loi relative à l’usage illicite de stupéfiants et au Code pénal, le 14 novembre 2014, les tribunaux de Singapour ont la possibilité de ne pas imposer la peine de mort dans certains cas. Dans les affaires de stupéfiants, cela est possible si le prévenu n’est impliqué que dans le transport, l’expédition ou la livraison d’une substance illicite, ou s’il a simplement proposé ses services (en tant que passeur) pour de tels actes. En outre, le parquet doit pouvoir établir que le prévenu a apporté une aide substantielle à l’Office central des stupéfiants dans ses opérations de lutte contre le trafic de drogue.

La peine de mort peut en outre ne pas être prononcée contre les passeurs apportant la preuve qu’ils souffrent d’une « anomalie de l’esprit [...] telle qu’elle entraîne le défaut de responsabilité mentale pour leurs actes et omissions ». Selon son avocat actuel, l’état de santé mentale de Chijioke Stephen Obioha n’a pas été évalué et son client a retiré sa demande d’être rejugé en vertu de la législation modifiée.

Aux termes du droit international, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves ». À de nombreuses reprises, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a établi que les infractions à la législation sur les stupéfiants ne relevaient pas des « crimes les plus graves », un constat réitéré par le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Amnesty International estime que la peine de mort constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Amnesty International soutient les appels, figurant notamment dans cinq résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies depuis 2007, en faveur de la mise en place d’un moratoire sur les exécutions en vue de l’abolition de la peine capitale. À ce jour, 140 pays ont aboli la peine capitale en droit ou en pratique. Dans la région Asie-Pacifique, 19 États ont aboli la peine capitale pour tous les crimes et huit autres sont abolitionnistes dans la pratique.

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