Raymond Tibbetts, 60 ans, doit être exécuté dans l’Ohio le 13 février. Ses avocats appellent le gouverneur à prendre en compte à titre de circonstances atténuantes certains éléments que, selon eux, le Comité des grâces et des libérations conditionnelles n’a pas appréciés à leur juste valeur et dont le jury n’a pas été pleinement informé.
Le 6 novembre 1997, la sœur de Fred Hicks, 67 ans, a découvert son corps sans vie à son domicile, à Cincinnati. À l’étage, la police a retrouvé le corps de son assistante de vie, Judith Crawford, 42 ans. Raymond Tibbetts, qui avait épousé Judith Crawford quelques semaines auparavant, a été inculpé et traduit en justice en 1998. Il a été reconnu coupable et condamné à mort pour le meurtre de Fred Hicks et à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour le meurtre de Judith Crawford.
L’enfance meurtrie de Raymond Tibbetts et les séquelles qu’elle lui a laissées restent un sujet de litige. Lorsque la cour fédérale d’appel a confirmé sa condamnation à mort, en 2011, deux des trois juges ont statué que même si l’avocat qui l’avait défendu en première instance « aurait certainement pu mener une enquête plus approfondie » sur son éducation, les faits relatifs au crime auraient « supplanté » toute circonstance atténuante qu’il aurait pu invoquer. Leur confiance dans le verdict de condamnation n’était pas partagée par la troisième juge. Elle a fait valoir que l’enquête de l’avocat était manifestement inadéquate et que s’il avait invoqué certains éléments à titre de circonstances atténuantes, cela n’excusait pas « le fait qu’il n’ait pas procédé à des travaux préparatoires élémentaires », en omettant d’interroger les membres de la famille de l’accusé et de présenter correctement les dossiers des services sociaux. En conséquence, le jury n’a pas pu prendre connaissance du témoignage de sa fratrie, qui avait connu le même environnement violent. Des éléments de preuve produits en appel « ont mis en évidence un environnement beaucoup plus chaotique et violent » au sein du foyer parental et en famille d’accueil que ce dont les jurés avaient entendu parler. Ces informations « choquantes » et « profondément troublantes » leur auraient donné des raisons « impérieuses » d’opter pour la réclusion à perpétuité, a-t-elle écrit. Outre cette enfance traumatisante, les avocats intervenus en première instance ont également omis de présenter de façon adéquate les éléments prouvant la forte addiction de Raymond Tibbetts à l’alcool et à la drogue, qui découlait de décennies de problèmes de santé mentale non traités.
En janvier 2017, le Comité des grâces et des libérations conditionnelles a recommandé au gouverneur Kasich, par 11 voix contre une, de refuser la grâce. La majorité a reconnu que Raymond Tibbetts avait vécu une enfance « traumatisante », mais a estimé que compte tenu des faits relatifs au crime, « la grâce ne servirait pas les intérêts de la justice ». En revanche, la femme membre du comité qui s’était prononcée en faveur de la grâce a conclu que « Tibbetts [avait] été élevé dans des environnements négligents, violents, chaotiques, instables et toxiques », ce qui avait « mené droit au désastre » cet homme et ses frères et sœurs, « qui, à l’âge adulte, ont été aux prises avec la toxicomanie, les incarcérations et les troubles mentaux, l’un des frères de Tibbetts notamment s’étant suicidé ». Elle a ajouté que la réponse des organismes de services sociaux et autres aux demandes d’assistance de Raymond Tibbetts avait été « inadéquate ». Les avocats de Raymond Tibbetts appellent le gouverneur à rejeter la recommandation du comité et à tenir pleinement compte des répercussions de l’éducation de leur client sur sa vie adulte et sur son équilibre psychologique. Ils lui ont transmis des avis d’experts affirmant que la conclusion du jury était fondée sur une évaluation erronée du bien-fondé de la demande de grâce. La date de l’exécution a été fixée au 13 février.