Écrire Peine de prison et de flagellation confirmée pour un réalisateur

Le réalisateur iranien Keywan Karimi a vu sa condamnation à six ans de prison ramenée à un an ferme et cinq ans avec sursis par la cour d’appel, qui a confirmé sa condamnation à 223 coups de fouet. S’il est incarcéré pour purger sa peine d’emprisonnement d’un an, prononcée en raison de ses activités pacifiques, Amnesty International le considèrera comme un prisonnier d’opinion.

Keywan (Keyvan) Karimi a été informé le 20 février que la cour d’appel avait suspendu, pour une période de cinq ans, cinq des six années qu’il devait passer derrière les barreaux. Il doit désormais purger une peine d’un an et recevoir 223 coups de fouet, sanction que la cour a confirmée. Keywan Karimi avait été condamné en octobre 2015 à six ans de prison et 223 coups de fouet, notamment pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam » et « relations illicites ». Il semble qu’il n’a été informé qu’à sa dernière audience du chef d’inculpation d’ « outrage aux valeurs sacrées de l’islam » en rapport avec un clip vidéo musical que les autorités avaient trouvé sur son disque dur, infraction pour laquelle il a été condamné à six ans de prison. Il avait été inculpé de « diffusion de propagande contre le régime », ce qui n’apparaît absolument pas dans le jugement final.

Arrêté le 14 décembre 2013, Keywan Karimi avait été inculpé de « diffusion de propagande contre le régime », après avoir réalisé en 2012 son film intitulé Neveshtan Rooye Shahr (Writing on the City), sur les graffitis qui ornent les murs des rues de Téhéran. Seule une bande-annonce a été diffusée sur YouTube ; le film n’a pas été projeté en public. L’accusation de « relations illicites ne constituant pas un adultère » a été portée à son encontre parce qu’il avait « serré la main » et s’était « trouvé sous le même toit » qu’une femme « dont la tête et le cou n’étaient pas couverts ». Après son arrestation, il a été détenu à l’isolement à la prison d’Evin, à Téhéran, sans pouvoir contacter un avocat. Il n’a été autorisé à appeler sa famille qu’une semaine après son arrestation. Il a passé 12 jours en détention avant d’être libéré sous caution.

Keywan Karimi a réalisé 12 films, dont des documentaires et des œuvres de fiction. Son documentaire The Broken Border a reçu le prix du meilleur court-métrage documentaire en 2013 au Festival international du film de Beyrouth. Ce film traite de la question du trafic depuis l’Iran vers l’Irak de carburant subventionné par l’État, auquel se livre une partie pauvre de la communauté kurde dans la province du Kurdistan, dans l’ouest du pays. Un autre de ses films, The Adventure of a Married Couple, a été projeté aux festivals de films de Fribourg, San Sebastián et Zurich.

Keywan Karimi a été arrêté chez lui à Téhéran le 14 décembre 2013, vraisemblablement par des agents des services de renseignements des pasdaran (gardiens de la révolution). Ils l’ont emmené à la prison d’Evin, à Téhéran, où il a été détenu pendant 12 jours à l’isolement dans la section 2A. Il a pu passer un bref appel téléphonique à sa famille une semaine après son arrestation, mais n’a pas été autorisé à leur dire qu’il avait été interpellé ni où il était retenu. Il n’a pu consulter un avocat qu’après avoir été libéré sous caution.

Le procès de Keywan Karimi a débuté le 11 mai 2014 et s’est achevé le 13 octobre 2015. Au total, sept audiences ont eu lieu, de 15 à 20 minutes chacune. Son avocat était présent, mais le tribunal ne lui a semble-t-il pas laissé le temps nécessaire pour présenter sa plaidoirie. En outre, la condamnation et le prononcé du jugement concernant Keywan Karimi présentaient certaines irrégularités. Dans le jugement rendu par la 28e chambre du tribunal révolutionnaire, l’accusé n’a pas été acquitté ni condamné pour le chef de « diffusion de propagande contre le régime ». En revanche, il a été condamné à six ans de prison pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam », accusation dont il n’a été informé qu’à la dernière audience de son procès. Le jugement rendu le 13 octobre 2015 a fait suite à la dernière audience qui s’est tenue le 22 septembre. Keywan Karimi était également inculpé d’autres charges mineures, pour des faits sans rapport avec ces accusations.

L’audience en appel de Keywan Karimi, à laquelle ont assisté des représentants des services de sécurité et de renseignement, s’est déroulée le 23 décembre. Il a obtenu une lettre de médecins certifiant que sa mère suit un traitement pour le cancer, notamment une chimiothérapie, dans l’espoir que les autorités ne le convoquent pas pour purger sa peine de prison avant la fin du traitement. Il a également exprimé le souhait de rester libre afin d’achever la réalisation de son dernier film. Amnesty International considèrera Keywan Karimi comme un prisonnier d’opinion s’il est conduit en prison pour purger sa peine.

Le Code pénal islamique iranien, adopté en mai 2013, conserve les définitions vagues de certaines « infractions » comme la « propagande contre le régime », le fait de « susciter le trouble dans l’esprit du public », l’« outrage aux valeurs saintes de l’islam » et la « diffamation envers des représentants de l’État ». Ces dispositions peu précises sont fréquemment utilisées pour restreindre l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression. Les lois et pratiques de ce type vont à l’encontre des obligations qui incombent à l’Iran au titre des articles 18, 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui garantissent la liberté de pensée, d’expression, de réunion et d’association.

Au titre du Code pénal islamique, dans le cas de certaines infractions, les tribunaux peuvent suspendre l’application de tout ou partie de la peine pendant une période allant de un à cinq ans (article 46). À la fin de la période de sursis, la condamnation n’est plus applicable. Cependant, si la personne inculpée commet certaines infractions durant cette période, l’ordre de suspension est révoqué, et elle doit purger sa peine.

Les châtiments corporels, notamment la flagellation, vont à l’encontre du droit international, qui interdit la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

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