En juillet et en août, à la suite de l’invalidation de l’enregistrement de candidats à l’élection au Parlement de la ville de Moscou, des dizaines de milliers de personnes ont participé à des manifestations largement pacifiques. Les participants ont scandé des slogans, brandi des pancartes et brièvement interrompu la circulation dans plusieurs rues. Les manifestations ont été pacifiques jusqu’à ce que la police attaque ces rassemblements, frappant et arrêtant de façon arbitraire des personnes. Les autorités ont retenu des accusations infondées contre une dizaine de personnes, des jeunes pour la plupart, qui risquent ainsi d’être condamnées à de longues peines d’emprisonnement. Les manifestants pacifiques doivent tous être remis en liberté de toute urgence, et les charges retenues contre eux doivent être abandonnées.
Écrire Les poursuites engagées contre des protestataires pacifiques doivent cesser
Les manifestations à Moscou ont débuté en juillet 2019, à la suite de la décision prise par la commission électorale d’invalider l’enregistrement d’un certain nombre de candidats, en particulier des candidats critiquant les autorités locales et fédérales, afin de les empêcher de participer à l’élection du Parlement de Moscou le 8 septembre 2019. La commission électorale locale a indiqué que les candidats disqualifiés n’ont pas fourni le nombre requis de signatures valides permettant de présenter leur candidature, comme le prévoit le code électoral russe. Les candidats concernés ont contesté cette mesure, affirmant que leur candidature a été invalidée uniquement pour des motifs politiques.
Depuis le 14 juillet, des personnes se rassemblent tous les week-ends dans le centre de Moscou pour manifester. Les autorités de la ville ont autorisé certains de ces rassemblements (le 20 juillet et le 10 août) seulement. La plus grande manifestation « non autorisée » a eu lieu le 27 juillet, quand des milliers de manifestants ont tenté de se rassembler devant le bureau du maire de Moscou. Plusieurs milliers de policiers en armure et de membres des forces spéciales antiémeute sont intervenus ; ils ont bouclé le centre-ville et tenté de disperser la foule. Ils ont souvent utilisé la force physique et des matraques contre des manifestants pacifiques. Des cas de manifestants utilisant la violence ont été signalés, des manifestants ayant ainsi jeté des bouteilles d’eau en plastique, et dans un cas, une poubelle, contre des policiers. Cependant, la manifestation est globalement restée pacifique. De nombreux manifestants ont été grièvement blessés, et plus de 1 300 personnes ont été arrêtées. La police n’a fait état d’aucun blessé grave ce jour-là.
Les autorités russes ont refusé d’enquêter sur les cas de violences policières qui ont été signalés, y compris sur le cas d’un homme qui a été arbitrairement arrêté par la police alors qu’il faisait du jogging non loin du bureau du maire plusieurs heures pourtant avant le début du rassemblement. Cet homme a été jeté à terre, et il a subi une grave fracture à une jambe. Les autorités ont engagé des poursuites au pénal contre au moins 13 personnes qui ont été arrêtées. Elles ont été inculpées de « participation à une émeute de grande ampleur » au titre de l’article 212 du Code pénal russe. Trois d’entre elles ont également été inculpées de « violence à fonctionnaire » au titre de l’article 318, parce que l’une d’elles a touché la visière d’un policier antiémeute, une autre a jeté une bouteille en plastique en direction de policiers, et la troisième a jeté une poubelle en direction de policiers. Deux participants aux rassemblements des 3 et 10 août font également l’objet de poursuites judiciaires. L’un d’entre eux a été inculpé au titre de l’article 318 parce qu’un policier, qui avait avec d’autres agents utilisé la violence gratuitement pour arrêter un manifestant, a trébuché sur les protestataires, est tombé et s’est luxé l’épaule. Le second est inculpé de violation répétée de la réglementation encadrant les rassemblements publics, au titre de l’article 212.1 (qui a été adopté en 2013 pour incriminer la participation répétée à des rassemblements « non autorisés », même quand ils sont pacifiques).
S’ils sont déclarés coupables, les manifestants inculpés de « participation à une émeute de grande ampleur » risquent d’être condamnés à une peine allant jusqu’à huit ans d’emprisonnement. Cette peine pourra être alourdie s’ils sont déclarés coupables d’autres infractions. Le système pénal russe est tristement connu pour son taux d’acquittement extrêmement bas (environ 0,2 %). Ainsi, en cas de procès, les inculpés ont la quasi-certitude d’être condamnés.
Ces cas illustrent la dégradation persistante de la situation des droits humains en Russie, qui est notamment marquée par un mépris presque absolu du droit à la liberté de réunion pacifique. Les autorités russes ont adopté depuis 2012 des lois draconiennes qui ont rendu encore plus difficile l’organisation d’un rassemblement « autorisé », et considérablement alourdi les peines sanctionnant les violations de ces textes. Par exemple, le fait de tenir une manifestation pacifique sans avoir obtenu l’autorisation des autorités (qui est régulièrement refusée) est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 jours d’emprisonnement ou d’une lourde amende, même si la manifestation ne trouble pas l’ordre public et ne bloque pas la circulation. La violation répétée de ces dispositions peut être sanctionnée par une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Le fait d’avoir été simplement présent sur le site d’un rassemblement « non autorisé », même pacifique et minime, peut à lui seul entraîner des poursuites judiciaires. De plus, la police utilise souvent une force excessive pour disperser les manifestations ; les policiers frappent les manifestants pendant et après leur arrestation, les privent régulièrement d’eau et d’accès à des installations sanitaires, confisquent leurs téléphones, les privent d’accès à un avocat, menacent les détenus et inventent des charges contre eux. Les autorités enquêtent rarement, voire jamais, sur ces abus.
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