Madi Jobarteh est un défenseur des droits humains gambien. Il est l’ancien directeur exécutif de l’Association des Organisations non gouvernementales de Gambie (TANGO), et est également membre de la Foundation for Legal Aid Research and Empowerment (FLARE).
Il a récemment été la cible de harcèlement, d’intimidation et de menaces de la part des autorités gambiennes. Le 6 octobre 2023, il a reçu un appel du siège de la police nationale et a été « invité » dans leurs locaux. Il était malade et n’a pas pu s’y rendre. Le même jour, quatre agents – supposément des Services de renseignement de l’État (SIU) et du renseignement en matière criminelle (CIU) – sont arrivés chez lui dans une camionnette aux vitres teintées, ont effectué une descente et l’ont interrogé au sujet de certaines de ses publications Facebook. Ils lui ont dit de se présenter au commissariat le plus proche dès qu’il se sentirait mieux, mais il a refusé.
Le 8 octobre 2023, le défenseur des droits humains a révélé sur Facebook que les autorités l’avaient placé sous surveillance illégale. Selon lui, après la descente, des véhicules de police « tournaient dans le quartier, et des agents arpentaient la rue ».
Le lendemain, le 9 octobre 2023, Madi Jobarteh a été arrêté et placé en détention provisoire. La police a également saisi son téléphone et celui de sa fille, sans mandat. Lors de sa détention, Madi Jobarteh n’a pu recevoir qu’un seul visiteur, son frère, et leur échange n’a duré que cinq minutes. Le 15 octobre 2023, il a été libéré sous caution, mais la police a gardé les téléphones et a plus tard refusé de les rendre.
Le 9 novembre 2023, il a été inculpé d’intention séditieuse, d’incitation à la violence et de diffusion de fausses informations. Sa liberté sous caution a été prolongée jusqu’au 23 novembre 2023, lorsqu’il a été informé que l’affaire avait été transmise « pour avis » au Bureau du procureur général, et qu’il n’avait plus à se présenter au commissariat jusqu’à l’avis du procureur général. La police détient toujours son téléphone et celui de sa fille.
L’affaire de Madi Jobarteh a attiré l’attention des rapporteuses spéciales sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, et sur le droit à la vie privée. Dans une lettre datée du 10 novembre 2023 et adressée au gouvernement gambien, les rapporteuses ont demandé des commentaires et informations complémentaires sur cette affaire, en particulier au sujet du fondement juridique et factuel de l’interrogatoire, l’arrestation, la détention et la surveillance du défenseur des droits humains, ainsi que de la confiscation de son téléphone et de celui de sa fille. Dans cette lettre, les rapporteuses expriment également leurs préoccupations au sujet du fondement légal des chefs d’inculpations, « qui peuvent être perçus comme une tentative d’intimidation de M. Madi Jobarteh, pour l’empêcher d’exercer ses activités légitimes de défense des droits humains et d’exercer sa liberté d’expression. De plus, la confiscation de son téléphone et de celui de sa fille constitue une violation de son droit à la vie privée ».
Les autorités gambiennes n’ont pas répondu à cette lettre. Elles ont également ignoré une précédente lettre au sujet de cette même affaire, envoyée par les rapporteuses spéciales sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, datée du 10 juin 2022.
Ce n’est pas la première fois que Madi Jobarteh est la cible de harcèlement, d’actes d’intimidation, de menaces et d’attaques. Le 30 juin 2020, il avait été arrêté et inculpé de diffusion de fausses informations au titre de l’article 181A du Code pénal, après avoir déclaré, lors d’une manifestation Black Lives Matter qu’il avait organisée, que les autorités n’avaient pas enquêté sur la mort de trois citoyens gambiens tués par des policiers. Les charges ont été abandonnées le mois suivant.