L’État du Nebraska s’apprête à procéder à sa première exécution depuis 21 ans le 14 août. Le prisonnier concerné, qui est dans le couloir de la mort depuis 38 ans, a abandonné toutes ses voies de recours et n’a pas déposé de demande de grâce. Amnesty International appelle cet État à ne pas reprendre les exécutions.
Le 3 avril 2018, le procureur général du Nebraska a demandé à la cour suprême d’État d’émettre un mandat d’exécution pour un prisonnier ayant abandonné ses voies de recours. Le 25 mai, il a prié cette instance d’accélérer le traitement du dossier et de fixer la date d’exécution en juillet, en expliquant que l’une des quatre substances utilisées dans le protocole d’injection létale du Nebraska allait expirer à la fin du mois d’août. Le directeur de l’administration pénitentiaire du Nebraska a déclaré à la cour que ses services étaient « prêts et équipés » pour procéder à l’exécution et qu’ils avaient les substances nécessaires en stock (suivies de leur date d’expiration) : diazépam (1er septembre 2019), citrate de fentanyl (31 août 2019), bésilate de cisatracurium (31 octobre 2018) et chlorure de potassium (31 août 2018). Le 5 juillet, la cour suprême du Nebraska a fixé la date d’exécution au 14 août. Si elle avait lieu, cette exécution serait la première par injection létale au Nebraska et la première utilisant du fentanyl dans le cadre d’un protocole d’injection létale aux États-Unis.
En mai 2015, le sénat du Nebraska a adopté un projet de loi visant à abolir la peine de mort, outrepassant un veto du gouverneur, Pete Ricketts. Cependant, l’abolition a été reportée après qu’il a été décidé qu’elle ferait l’objet d’une consultation lors des élections du 8 novembre 2016. Les électeurs devaient opter pour l’application ou l’abrogation de la loi abolissant la peine de mort. La majorité s’est prononcée en faveur de l’abrogation, avec 61 % des voix, si bien que la peine de mort a été maintenue.
La dernière exécution dans le Nebraska a eu lieu le 2 décembre 1997. L’application de la peine de mort aux États-Unis a considérablement évolué entretemps. En 1997, 74 exécutions ont eu lieu et 266 nouvelles condamnations à mort ont été prononcées dans le pays. En 2007, on dénombrait 42 exécutions et 126 condamnations à mort ; et en 2017, 23 exécutions et 39 condamnations à mort. Depuis 1997, sept États américains ont aboli la peine de mort (l’État de New York, le New Jersey, le Nouveau-Mexique, l’Illinois, le Connecticut, le Maryland et le Delaware). En outre, les gouverneurs de l’Oregon, de la Pennsylvanie et de l’État de Washington ont imposé un moratoire sur les exécutions.
Depuis que le Nebraska a procédé à sa dernière exécution, plus de 40 pays ont aboli la peine de mort ; aujourd’hui, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. L’Assemblée générale des Nations unies a adopté six résolutions demandant un moratoire sur les exécutions en vue de l’abolition de la peine capitale.
Écrire Première exécution programmée dans le Nebraska depuis 1997
Le 22 mai 2015, le corps législatif du Nebraska a voté en faveur de l’abolition de la peine de mort dans cet État, mais le gouverneur Ricketts a opposé son veto au projet de loi quatre jours après. « L’abolition de la peine de mort envoie le mauvais message aux citoyens du Nebraska qui sont en grande majorité favorables à la peine capitale et attendent du gouvernement qu’il renforce la sécurité publique, et non qu’il l’affaiblisse », a-t-il déclaré. Le procureur général Peterson a ajouté : « Les odieux meurtriers tels que les dix qui se trouvent dans le couloir de la mort du Nebraska ont renoncé à leur vie par leur propre mépris total pour la vie humaine. » Le lendemain, le 27 mai, le corps législatif a recueilli suffisamment de voix pour outrepasser le veto, en votant par 30 voix à 19, tous partis confondus, en faveur de l’abolition de la peine de mort. Le gouverneur Ricketts a alors publié la déclaration suivante : « Je n’ai pas assez de mots pour exprimer combien je suis consterné que nous ayons perdu un outil essentiel pour protéger les forces de l’ordre et les familles du Nebraska. Le corps législatif a perdu le contact avec les citoyens du Nebraska, mais je continuerai à être du côté des Nébraskains et des forces de l’ordre sur cette question importante. »
Finalement, l’abolition a été reportée après qu’il a été décidé qu’elle ferait l’objet d’une consultation lors des élections de 2016. Selon l’Union américaine pour les libertés publiques (ACLU), « le gouverneur Ricketts et ses parents ont fourni 80 % du financement initial pour une campagne visant à rétablir la peine de mort à l’issue de la consultation. En novembre 2016, ils avait fourni 30 % du financement total de la campagne ». Ils ont notamment créé l’association Nebraskans for the Death Penalty (Nébraskains pour la peine de mort) dans le cadre de cette campagne de référendum. Cette initiative a été couronnée de succès : en novembre 2016, les citoyens du Nebraska se sont prononcés en faveur du maintien de la peine capitale.
Le 27 janvier 2017, le gouverneur Ricketts a validé le nouveau protocole d’injection létale de l’État. Le 9 novembre 2017, le directeur de l’administration pénitentiaire a annoncé à un prisonnier condamné à mort nommé Jose Sandoval (qui n’est pas celui qui a abandonné ses voies de recours) que son exécution serait réalisée par injection de quatre substances selon l’ordre qui suit : 1) diazépam ; 2) citrate de fentanyl ; 3) bésilate de cisatracurium ; et 4) chlorure de potassium. L’administration pénitentiaire a indiqué qu’elle avait réussi à se procurer tous ces produits. Cependant, à ce moment-là, il n’existait pas de mandat d’exécution concernant Jose Sandoval, et il n’y en a toujours pas. Le 19 janvier 2018, l’administration pénitentiaire a remis la même notification au prisonnier qui a abandonné ses voies de recours et qui doit maintenant être exécuté le 14 août. Âgé de 21 ans au moment du crime pour lequel il a été condamné, cet homme en a aujourd’hui 60.
Environ un dixième des prisonniers exécutés aux États-Unis depuis 1976 avaient abandonné leurs voies de recours. Les recherches menées sur ce phénomène montrent qu’un grand nombre de facteurs, parfois combinés, peuvent pousser une personne condamnée à mort à choisir de ne pas faire appel : des troubles mentaux, une maladie physique, des remords, la volonté de braver les autorités, les convictions religieuses, la quête de notoriété, la dureté des conditions de détention, notamment l’isolement prolongé et l’absence de contacts physiques lors des visites, la triste alternative de la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, un certain pessimisme quant aux chances de gagner en appel, ou la lassitude du cycle d’espoir et de désespoir qui fait partie intégrante de la vie dans le couloir de la mort.
Le 6 juillet 2018, les évêques catholiques du Nebraska ont publié une déclaration appelant les autorités à empêcher l’exécution à venir : « En tant qu’évêques catholiques du Nebraska, nous avons conscience que notre société est envahie par une culture de violence et de mort qui ne peut être transformée que par une contre-culture de justice et de clémence. Chaque fois que nous envisageons d’appliquer la peine capitale, le Nebraska a l’occasion de répondre à un acte de violence par un acte de clémence qui ne met pas en danger la sécurité publique et ne compromet pas les demandes de justice. »
Amnesty International est catégoriquement opposée à la peine de mort, quelles que soient la nature du crime commis et la méthode d’exécution utilisée. Depuis que la Cour suprême fédérale a approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale en 1976, 1 479 personnes ont été exécutées aux États-Unis. Pour les trois exécutions réalisées au Nebraska depuis 1976, le prisonnier a été mis à mort sur la chaise électrique, une méthode que la cour suprême de cet État a jugée contraire à sa constitution en 2008. Quatorze exécutions ont eu lieu aux États-Unis depuis le début de l’année 2018.
Nom : néant
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