La proposition de loi de 2023 portant répression de l’homosexualité n’est pas la première tentative du Parlement ougandais pour criminaliser l’homosexualité.
Depuis l’annulation de la loi ougandaise de 2014 interdisant l’homosexualité, de nombreux efforts ont été faits dans ce sens. En 2021, le Parlement a approuvé la Loi relative aux infractions à caractère sexuel, qui criminalisait tout « acte sexuel entre personnes de même genre » ainsi que les rapports anaux entre personnes de tout genre, passibles de peines pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. En août 2021, le président Yoweri Museveni a opposé son veto et refusé de promulguer cette loi. Dans une lettre écrite le 3 août 2021 et adressée au président du parlement, Jacob Oulanyah, le président de la République a affirmé que le texte devait être révisé pour modifier des dispositions redondantes, déjà présentes dans d’autres lois ougandaises.
Bien que le texte officiel en attente d’une décision présidentielle n’ait pas été rendu public, des détails des dispositions adoptées ont été révélés lors du débat parlementaire du 21 mars 2023. Cette proposition de loi est l’un des textes anti-LGBTI les plus extrêmes au monde. L’Ouganda fait déjà partie des 30 pays africains criminalisant les relations homosexuelles, et cette proposition de loi élargit le champ d’application des peines et semble être le premier texte à rendre illégal le fait de se considérer LGBTI, au-delà de toute relation sexuelle.
Les nombreux commentaires homophobes proférés par le président et d’autres hauts représentants de l’État, avant, pendant et après l’adoption de la proposition de loi, créent un climat de discrimination contre les personnes LGBTI. Par exemple, en août 2022, le Bureau des organisations non gouvernementales a ordonné la fermeture de Sexual Minorities Uganda (SMUG), un groupement d’associations œuvrant pour les droits des personnes LGBTI qui jouait un rôle essentiel en Ouganda, accusé de ne pas s’être enregistré auprès du Bureau des ONG, comme l’y obligeait la Loi sur les ONG de 2016. Le 17 avril 2023, un tribunal à Jinja, dans l’est de l’Ouganda, a refusé d’accorder la liberté sous caution à six jeunes éducateurs travaillant pour des organismes de soins de santé qui avaient été arrêtés arbitrairement le 8 avril 2023 et inculpés d’« appartenance à un réseau sexuel criminel ». Les forces de police ougandaises ont confirmé avoir soumis ces six personnes à des examens anaux forcés et à un test de dépistage du VIH.
La proposition de loi portant répression de l’homosexualité constitue une violation des obligations de l’Ouganda au titre du droit national et international, notamment le Chapitre 4 de la Constitution ougandaise, qui affirme le droit à l’égalité et à la non-discrimination, à la protection de la liberté personnelle, à la protection contre les traitements cruels ou dégradants et à la vie privée. Elle est également contraire aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui interdit la discrimination, les traitements cruels ou dégradants et les arrestations arbitraires.
Ce texte constitue aussi une violation de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La DUDH protège le droit de s’exprimer librement et le droit à l’égalité et à la non-discrimination. Comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la DUDH interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et protège contre les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que les ingérences arbitraires dans la vie privée d’une personne, sa famille, son domicile ou sa correspondance. Le PIDCP contient des dispositions similaires dans ses articles 2, 7, 9 et 17.