Lors d’une série d’incendies de grande ampleur survenus à Rostov-sur-le-Don en juillet et août 2017, plus de 160 maisons ont été détruites, une personne est morte et des dizaines d’autres ont été blessées. Près de 700 personnes ont été reconnues officiellement en tant que victimes. Si des indemnisations ont été versées pour perte de biens, les personnes touchées n’ont pas été autorisées à reconstruire leur maison au même endroit et n’ont pas reçu d’indemnités pour la perte de leur terrain, ce qui a suscité des rumeurs selon lesquelles les incendies auraient été allumés délibérément afin de chasser les habitant·e·s et de faire place nette pour de nouveaux projets de développement.
Le 5 novembre 2017, Ian Sidorov, étudiant âgé de 18 ans, et Vladislav Mordassov, 21 ans, se sont rendus sur la place située devant le siège administratif de la région de Rostov-sur-le-Don pour y tenir un « piquet » (manifestation d’un petit groupe de personnes) pacifique en soutien aux victimes des incendies de Rostov. Ils avaient plusieurs tracts imprimés, un mégaphone et deux affiches rédigées à la main, roulées, qu’ils avaient réalisées la veille. Il était écrit sur les affiches :« Rendez leurs terres aux victimes des incendies de Rostov »et « Le gouvernement doit démissionner ».
Avant même de pouvoir commencer, ils ont été arrêtés par la police pour tenue d’un « rassemblement illégal ». Le même jour, la police a arrêté Viatcheslav Chachmine, 18 ans, devant un immeuble situé non loin de là. Viatcheslav Chachmine soutient qu’il ne connaissait ni Ian Sidorov, ni Vladislav Mordassov à l’époque et qu’il n’a pas participé à leur piquet.
Le 6 novembre 2017, Ian Sidorov et Vladislav Mordassov ont été condamnés, dans le cadre de procédures distinctes, à sept jours de « détention administrative » chacun, en vertu de l’article 20.2.2 du Code des infractions administratives (« Organisation ou tenue d’un événement public sans notification en bonne et due forme des autorités »). Tous deux ont alors été placés en détention provisoire en tant que suspects de droit commun.
Viatcheslav Chachmine a été condamné à cinq jours de « détention administrative » sur la base de charges fallacieuses de « houliganisme simple », en vertu de l’article 20.1 du Code des infractions administratives. Il a par la suite été assigné à résidence, puis a fait l’objet de restrictions de déplacement. Durant leur garde à vue, Ian Sidorov et Vladislav Mordassov auraient été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements destinés à leur faire « avouer » qu’ils avaient l’intention d’organiser une manifestation violente.
Le 17 novembre 2017, Ian Sidorov et Vladislav Mordassov ont été inculpés sans fondement des infractions suivantes : « tentative d’organisation de troubles de grande ampleur » (articles 30.3 et 212.1 du Code pénal russe) et « tentative de participation à des troubles de grande ampleur » (articles 30.3 et 212.2 du Code pénal). Viatcheslav Chachmine a été inculpé de « tentative de participation à des troubles de grande ampleur ».
Le procès des trois jeunes hommes s’est ouvert devant le tribunal régional de Rostov-sur-le-Don le 29 mai 2019. Pendant le procès, au moins un tiers des témoins de l’accusation ont refusé de confirmer les déclarations qu’ils avaient faites au cours de l’instruction, affirmant que les enquêteurs les avaient soumis à des pressions. Les chefs d’accusation étaient manifestement dénués de fondement, et le procès des trois hommes a été inique.
Le 4 octobre 2019, le tribunal régional de Rostov-sur-le-Don a déclaré Ian Sidorov et Vladislav Mordassov coupables d’avoir « organisé des troubles de grande ampleur » et Viatcheslav Chachmine d’avoir « participé à des troubles de grande ampleur » le 5 novembre 2017.
Le tribunal a condamné Ian Sidorov à six ans et six mois et Vladislav Mordassov à six ans et sept mois d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire à régime strict (colonie pénitentiaire réservée aux personnes déclarées coupables des crimes les plus graves). Viatcheslav Chachmine a été condamné à trois ans de mise à l’épreuve (peine non privative de liberté). Le 10 décembre 2019, la troisième cour d’appel siégeant à Rostov-sur-le-Don a confirmé les condamnations de Ian Sidorov et Vladislav Mordassov.
Le 23 juillet 2020, la Cour suprême de la Fédération de Russie a ramené la peine des deux jeunes militants à quatre ans d’emprisonnement, leur ouvrant ainsi la possibilité de déposer une demande de libération conditionnelle. Celle déposée par Ian Sidorov a été rejetée par le tribunal municipal de Dimitrovgrad le 22 octobre 2020. Le recours formé par Vladislav Mordassov n’a pas encore été examiné, les audiences de la cour d’appel ayant été reportées à plusieurs reprises.