Écrire La qualité de la défense au centre de l’attention à l’approche d’une exécution

Ledell Lee, 51 ans, doit être exécuté dans l’Arkansas le 20 avril pour un meurtre commis en 1993. La qualité de son assistance juridique suscite de sérieux doutes.

Le 9 février 1993, Debra Reese, 26 ans, a été retrouvée sans vie à son domicile à Jacksonville, dans l’Arkansas. Elle avait été battue à mort. Ledell Lee, alors âgé de 27 ans, a été inculpé de son meurtre. Son premier procès, en 1994, s’est terminé par un jury divisé. Lors de son nouveau procès, en octobre 1995, il a été déclaré coupable et condamné à mort. Trois billets de 100 dollars manquaient dans le portefeuille de la victime, si bien que l’accusation a estimé que le crime avait une motivation pécuniaire.

Après avoir été inculpé de ce meurtre, Ledell Lee a été suspecté d’un autre homicide et de trois viols. On lui a attribué les deux mêmes avocats commis d’office pour toutes les affaires. Le juge chargé des affaires de viol a retiré celles-ci aux avocats au motif qu’il existait un conflit d’intérêts entre eux et l’accusé. Les avocats ont demandé à être également démis des affaires de meurtre, en citant un conflit intolérable et une rupture de la communication avec leur client. Le ministère public a reconnu que « Ledell Lee ne [pouvait] plus obtenir un procès équitable dans les deux affaires où il encour[ait] la peine capitale » si les avocats n’étaient pas remplacés. Le juge en charge du procès du meurtre de Debra Reese a rejeté leur requête.

La cour suprême de l’Arkansas a confirmé ce rejet, malgré l’opinion divergente de deux juges qui ont exprimé leur « consternation » face à cette décision qu’ils considéraient comme « une très grave erreur » qui serait « préjudiciable à la confiance des avocats dans le système de jurisprudence de cet État ».

Après le procès, un autre avocat a été désigné pour la procédure en appel de Ledell Lee devant les juridictions d’État. Il a présenté un recours faisant valoir l’insuffisance de l’assistance juridique apportée par les avocats lors du procès. Ce recours a été rejeté. L’affaire a ensuite été portée devant la justice fédérale où, en 2003, un juge a statué que la transcription de l’audience devant la cour d’appel d’État montrait que l’avocat de Ledell Lee avait été « sous l’emprise de l’alcool au point de ne pas être disponible » pendant l’audience. Il a ordonné que l’affaire soit renvoyée devant le tribunal de première instance. Le ministère public a fait appel, mais en 2006, la cour suprême de l’Arkansas a renvoyé l’affaire pour une nouvelle audience au motif que l’avocat était ivre lors de la première audience en appel. Elle a noté que, contrairement à ce qu’affirmait l’accusation, « un avocat qui est sous l’emprise de l’alcool ne peut pas être déclaré comme qualifié ».

Entre autres choses, l’avocat avait été à plusieurs reprises incapable de comprendre les questions du juge, ne connaissait pas bien ses propres témoins, avait oublié des règles de procédure essentielles, n’avait pas dit à des témoins de venir et avait « discouru de façon incohérente, en plaçant sans cesse des “blah, blah, blah” dans ses déclarations ». Assisté de nouveaux avocats commis d’office, Ledell Lee a bénéficié d’une nouvelle audience en appel en août 2007. Ses avocats avaient organisé une enquête d’experts sur les circonstances atténuantes pour faire valoir que l’assistance juridique lors du procès avait été défaillante, mais ils n’ont présenté aucun de ces éléments lors de l’audience.

Le juge a rejeté le recours en novembre 2007. La procédure en appel devant la cour suprême de l’Arkansas a ensuite été retardée de cinq mois car ses avocats avaient fourni à deux reprises des dossiers non conformes au règlement de cette juridiction. La cour a envoyé les avocats devant la commission de déontologie en vue d’éventuelles mesures disciplinaires. Elle a toutefois confirmé la condamnation à mort en mai 2009. En 2016, l’un des deux avocats défendant Ledell Lee en appel a été démis de l’affaire car il souffrait de troubles bipolaires. Un autre a été désigné en août 2016. Ledell Lee fait partie de huit hommes dont l’exécution est programmée dans l’Arkansas entre le 17 et le 27 avril.

Avant le procès de Ledell Lee, son avocat avait tenté de faire interdire l’utilisation des listes électorales pour désigner les jurés potentiels parmi lesquels son jury serait sélectionné, au motif que ce mode de sélection aboutissait systématiquement à une sous-représentation des Afro-Américains (il s’agissait d’une affaire où l’accusé était noir et la victime blanche). Sa demande a été refusée. Sur les 85 citoyens alors convoqués comme jurés potentiels, seuls 10 étaient noirs, soit 11 %, alors que les Afro-Américains représentaient plus de 25 % de la population du comté où s’est déroulé le procès. Le dossier du procès n’indique pas clairement la composition ethnique du jury final, mais il semblerait que les jurés aient été choisis parmi les 75 premiers citoyens convoqués, dont un seul était noir.

Cette question a été évoquée et rejetée en appel, tout comme l’argument selon lequel l’application de la peine de mort est influencée par la couleur de peau. Toutes les études menées sur le sujet ont démontré que l’origine ethnique, en particulier celle des victimes, joue un rôle dans l’application de la peine de mort.

En juin 2015, le juge Stephen Breyer de la Cour suprême des États-Unis a fait remarquer que, selon plusieurs études, les personnes accusées d’avoir tué des victimes blanches étaient plus susceptibles d’être condamnées à mort que celles accusées d’avoir ôté la vie à des victimes noires ou membres d’autres minorités. Aux États-Unis, il y a à peu près autant de Noirs que de Blancs parmi les victimes de meurtre (ce qui signifie que les personnes noires, qui ne représentent qu’environ 13 % de la population, sont touchées de manière disproportionnée). Pourtant, dans l’ensemble du pays, 78 % des personnes exécutées depuis 1977 ont été condamnées pour des crimes dont les victimes étaient blanches. En Arkansas, cette proportion s’élève à 89 %.

Le juge Breyer a par ailleurs souligné qu’un demi-siècle de recherches avait démontré que les critères de sélection des jurés dans les affaires où l’accusé encourt la peine capitale aux États-Unis « orientent les jurys vers un verdict de culpabilité et une condamnation à mort ». Lorsque les procureurs ont recours à des stratégies douteuses pour présenter les circonstances aggravantes ou que les avocats de la défense ne font pas les recherches nécessaires sur les circonstances atténuantes, ce problème est exacerbé. Après avoir été inculpé du meurtre de Debra Reese, Ledell Lee a été suspecté de plusieurs autres crimes commis dans la région de Jacksonville, à savoir le meurtre d’une autre femme en 1989 (pour lequel les poursuites ont été abandonnées en 1997 après sa condamnation à mort dans l’affaire Reese), et trois viols de femmes en 1990, 1991 et 1992.

Lors de l’audience de son procès consacrée à la détermination de la peine, le ministère public a affirmé que Ledell Lee avait commis ces viols et il a fait témoigner les trois victimes. Ledell Lee avait été déclaré coupable dans l’affaire du viol commis en 1990 environ un mois avant son procès pour le meurtre de Debra Reese, mais il n’avait pas encore été jugé dans les deux autres affaires de viol. Après avoir présenté ces circonstances hautement aggravantes, y compris en évoquant les deux affaires non jugées, la procureure a décrit Ledell Lee dans son réquisitoire comme un « prédateur » dont les « proies étaient les habitants de Jacksonville de 1990 à 1993 », qui « ne savaient même pas qu’ils étaient la cible d’une chasse ». Après que l’avocat de la défense a demandé au jury : « Qui sommes-nous alors pour dire que nous allons tuer Ledell Lee ? », elle a répondu : « Mesdames et Messieurs, je vais vous dire qui nous sommes. Nous sommes les cibles de cette chasse. »

En appel, un juge d’une juridiction de l’Arkansas a estimé que le réquisitoire de la procureure avait été « répréhensible », et la cour suprême de cet État a statué qu’il était à la fois « répréhensible » et « déplacé », mais elle a confirmé la condamnation à mort.
Le ministère public a en outre présenté comme témoin la sœur de la victime, qui a décrit l’impact de son meurtre sur leurs parents et indiqué qu’elle et sa sœur essayaient chacune de tomber enceintes au moment où cette dernière a été tuée. Enceinte au moment du procès, elle a déclaré au jury qu’elle donnerait le nom de sa sœur décédée au bébé qu’elle attendait. Elle lui a également parlé de l’expérience traumatisante qu’elle avait vécue en devant aller choisir une perruque pour le cadavre de sa sœur dans un magasin.

En 2001, un juge de la cour suprême de l’Arkansas a dénoncé ce témoignage relatif aux conséquences sur la famille de la victime. Il a souligné : « Lorsqu’il est demandé au jury de prononcer la peine de mort dans une affaire où l’accusé encourt ce châtiment, sa seule mission au cours de l’audience consacrée à la détermination de la peine est d’évaluer les éléments présentés à titres de circonstances aggravantes et atténuantes [...]. Rien de plus, et rien de moins, ne doit entrer en ligne de compte... » Il a exprimé de « sérieux doutes quant à la place de ce témoignage relatif aux conséquences sur la famille de la victime présenté au jury dans les circonstances aggravantes et atténuantes invoquées par les deux parties ».

Six exécutions ont déjà eu lieu cette année aux États-Unis, ce qui porte à 1 448 le nombre de personnes auxquelles les autorités de ce pays ont ôté la vie depuis la reprise de cette pratique en 1977, après l’approbation de la nouvelle législation relative à la peine capitale par la Cour suprême fédérale en 1976. La dernière exécution recensée en Arkansas – la 27e depuis 1977 dans cet État – a eu lieu en 2005. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances et dans tous les pays.

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