Dans sa lettre ouverte adressée en février 2020 à Ebrahim Raisi, alors responsable du pouvoir judiciaire, Anwar Khezri a décrit les nombreuses violations graves des droits humains auxquelles l’avaient soumis des agents du ministère du Renseignement, des magistrats et l’administration pénitentiaire. Il a écrit qu’il avait tenté de se suicider après avoir subi des actes de torture pendant 56 jours après son arrestation, notamment de nombreux coups portés au torse, au crâne et sur la plante des pieds, dans un centre de détention du ministère du Renseignement qu’il a qualifié de « salle de torture ».
Il a reçu des transfusions de sang à l’hôpital en raison d’une hémorragie consécutive à sa tentative de suicide, mais les agents l’ont renvoyé en prison le lendemain, contre l’avis du personnel médical. Selon son témoignage, les actes de torture ont ensuite repris et il a signé des « aveux » sous la contrainte. Il a dit avoir été extrait de sa cellule, les yeux bandés et menotté, et soumis à un simulacre d’exécution en août 2017.
D’après une source bien informée, Khosrow Basharat, après son arrestation, a été à maintes reprises roué de coups de câbles électriques alors qu’il était attaché à un lit, suspendu par les mains menottées au plafond pendant de longues périodes, et forcé à écouter la nuit des cris apparemment poussés par des personnes que l’on torturait, ce qui a entraîné une privation de sommeil et une profonde détresse psychologique.
Après avoir subi ces actes de torture pendant trois semaines, il a signé sous la contrainte des « aveux » rédigés à l’avance. Dans une lettre ouverte de février 2020, Farhad Salimi a écrit qu’à cette époque, on l’avait soumis à des pressions répétées pour lui extorquer des « aveux » dans lesquels il s’accusait lui-même et le faire renoncer à l’avocat qu’il avait choisi. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été menée sur les allégations de torture de ces hommes.
Après leur arrestation, les sept hommes ont été détenus séparément dans un centre de détention du ministère du Renseignement à Orumiyeh, avant d’être transférés dans des prisons de la province de l’Azerbaïdjan occidental. Après avoir été maintenus en détention provisoire pendant plus de six ans, ils ont dans un premier temps été condamnés à mort pour « corruption sur terre » fin mai 2016 par la 28e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran.
Le tribunal les a également déclarés coupables d’atteintes à la sécurité nationale pour leur présumée « appartenance à des groupes salafistes », dont, selon des agents du ministère du Renseignement, al Qaïda, les talibans et des groupes d’opposition kurdes. Le procès, manifestement inique, s’est résumé à une audience de cinq minutes, à la mi-mars 2016. En appel devant la 41e chambre de la Cour suprême, leurs déclarations de culpabilité et leur peine ont été annulées vers le mois de mars 2017 et la Cour a renvoyé leurs affaires à la 15e chambre du tribunal révolutionnaire en vue de la tenue d’un nouveau procès. À la mi-2018, la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran a déclaré les sept hommes coupables de « corruption sur terre » et les a condamnés à la peine capitale.
Le 3 février 2020, en appel, la 41e chambre de la Cour suprême a confirmé leur déclaration de culpabilité et leur peine. Le 19 septembre 2017, Anwar Khezri, Kamran Sheikheh et Khosrow Basharat ont été transférés de la prison de Rajai Shahr à la prison d’Orumiyeh afin d’être jugés pour meurtre dans le cadre d’une autre affaire par un tribunal pénal d’Orumiyeh. Début juillet 2018, ce tribunal a déclaré Kamran Sheikheh coupable de meurtre et l’a condamné à mort ainsi qu’à 10 ans de réclusion, Anwar Khezri et Khosrow Basharat étant quant à eux déclarés coupables de complicité de meurtre et condamnés à 10 ans de prison.
L’exécution arbitraire de Ghasem Abesteh, Ayoub Karimi et Davoud Abdollahi s’inscrit dans une frénésie inquiétante d’exécutions à laquelle se livrent les autorités iraniennes depuis quelques mois. Pour le seul mois de novembre 2023, elles ont mis à mort au moins 115 personnes, soit près du double du nombre d’exécutions réalisées en novembre 2022. Cette hausse intervient alors que les autorités iraniennes ont intensifié le recours à la peine de mort en 2023, notamment comme outil de répression contre les membres des minorités opprimées, les manifestant·e·s et les dissident·e·s.
En Iran, les minorités ethniques – Kurdes, Arabes ahwazis, Azéris, Baloutches et Turkmènes notamment – font l’objet d’une discrimination qui limite leurs possibilités d’accès à l’éducation, à l’emploi et aux fonctions politiques. Les minorités ethniques, dont les Kurdes, sont également touchées de manière disproportionnée par les condamnations à mort prononcées sur la base de charges vagues telles que la « corruption sur terre » et par des exécutions réalisées en secret, les autorités refusant ensuite de restituer les corps aux familles pour que celles-ci puissent les inhumer.
De plus, les minorités religieuses, parmi lesquelles les musulmans sunnites, les baha’is, les chrétiens, les derviches gonabadis, les juifs et les yarsans, sont victimes de discrimination en droit et dans la pratique, notamment en matière d’éducation, d’emploi, d’adoption et d’accès aux fonctions politiques et aux lieux de culte. Des membres de minorités religieuses sont également visés par des détentions arbitraires, des poursuites injustes, des actes de torture et des mauvais traitements pour avoir professé ou pratiqué leur foi.
Le 30 juin 2022, le procureur de Téhéran, Ali Salehi, s’est rendu à la prison de Rajai Shahr, où les sept hommes étaient incarcérés à l’époque. Selon une agence de presse kurde, il a déclaré pendant sa visite que « les Sunnites ne méritent pas le droit de vivre en Iran » ; 22 prisonniers sunnites ont alors entamé une grève de la faim pour protester contre ses propos.
Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où elle est encore en vigueur, y compris l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine de mort.