Mohamad Alkayali a quitté l’Arabie saoudite début 2013 après avoir été harcelé en ligne pour avoir publiquement critiqué la politique des autorités saoudiennes à l’égard des réfugié·e·s syriens. Il s’est installé en Turquie, où il réside en toute légalité en tant que réfugié sous protection temporaire depuis plus de 10 ans. En 2015, alors qu’il vivait déjà en Turquie, sa famille et lui ont continué à faire face à ce que son épouse a décrit comme une « campagne de harcèlement en ligne » en raison de ses propos critiquant des pratiques de l’Arabie saoudite en matière de droits humains.
En 2018, alors qu’il avait demandé la nationalité turque, Mohamad Alkayali a été informé par les autorités turques, qu’une notice rouge INTERPOL avait été émise à son encontre. INTERPOL a confirmé la diffusion de la notice en 2023. Cette notice rouge, demandée par l’Arabie saoudite le 18 mars 2016, s’appuie sur un mandat d’arrêt délivré le 3 janvier 2016 par le Bureau d’enquête et de poursuites publiques d’Arabie saoudite, qui l’accuse de « falsification de sceaux », accusation qu’il nie et dont il ne connaît pas l’origine. Les autorités saoudiennes n’ont fourni aucun acte d’inculpation officiel ni aucun document judiciaire pour étayer ces accusations. Il a contesté cette notice rouge sur le plan juridique auprès d’INTERPOL, et si sa demande a été jugée recevable en mai 2024, aucune décision définitive n’a encore été prise.
Bien que la notice ait été émise en 2016, les autorités turques n’y ont pas donné suite pendant près de neuf ans. Le 27 décembre 2024, elles ont arrêté Mohamad Alkayali sur la base de cette requête. Certains gouvernements ont fait un usage abusif des notices rouges afin de prendre pour cible des personnes vivant à l’étranger. Compte tenu du recours avéré de l’Arabie saoudite à la répression transnationale, les autorités turques et INTERPOL doivent exercer une vigilance accrue concernant cette notice rouge et toutes celles qui sont requises par des États ayant l’habitude de se livrer à la répression transnationale.
L’épouse de Mohamad Alkayali n’a pas pu lui rendre visite en raison des restrictions imposées aux réfugié·e·s en matière de déplacements en Turquie. En tant que résidente d’Istanbul, elle a besoin d’un permis spécial pour quitter la ville, et ses demandes en ce sens ont été refusées à trois reprises.
Amnesty International a recueilli des informations sur la répression croissante de la liberté d’expression par les autorités saoudiennes, notamment sur les poursuites engagées contre des personnes ayant critiqué le gouvernement. De nombreuses personnes ont été condamnées à de lourdes peines de prison pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les procédures judiciaires dans ces affaires sont bien loin d’être conformes aux normes internationales d’équité des procès. Les accusé·e·s sont souvent détenus au secret sans inculpation, à l’isolement, et privés de la possibilité de consulter un avocat ou de contester la légalité de leur détention devant un tribunal.
Depuis janvier 2013, Amnesty International avait rassemblé des informations sur les cas d’au moins 86 personnes poursuivies pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, parmi lesquelles des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques pacifiques, des journalistes, des poètes et des dignitaires religieux, dont 40 ont été poursuivis pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions sur les réseaux sociaux. Le nombre réel des procédures engagées à ce titre est probablement beaucoup plus élevé.