Écrire Des personnes réfugiées ou migrantes incriminées

Le 10 avril 2023, la Commission de la sécurité publique de la Chambre des députés du Chili a entamé l’examen d’un projet de loi qui incrimine les réfugié·e·s et migrant·e·s au Chili dont le statut migratoire n’a pas été régularisé.

S’il est adopté, ce texte prévoira des peines d’emprisonnement pour les personnes déclarées coupables d’entrée et séjour irréguliers dans le pays.

Ce projet de loi s’appuie sur des politiques et pratiques au Chili qui violent le droit de solliciter l’asile, et entraîne pour les réfugié·e·s et migrant·e·s un risque accru de violations de leurs droits humains, notamment avec des arrestations arbitraires.

Nous demandons au Congrès chilien de rejeter ce projet de loi.

Le projet de loi figurant dans le Bulletin n° 15261-25, qui prévoit de sanctionner pénalement, notamment avec des peines d’emprisonnement, les personnes qui entrent ou séjournent dans le pays de façon irrégulière est contraire à la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951, en particulier aux dispositions de son article 31 sur la non-incrimination de l’entrée irrégulière de demandeurs·euses d’asile et de réfugié·e·s.

De plus, les expert·e·s et organes de défense des droits humains aux niveaux interaméricain et des Nations unies ont rappelé que l’entrée et le séjour irréguliers ne doivent jamais être considérés comme des infractions pénales. L’incrimination de l’immigration irrégulière est, au regard du droit international, inutile et disproportionnée et peut conduire à une détention arbitraire.

Ce projet de loi ne représente pas la première tentative d’incrimination de l’immigration irrégulière au Chili. Les débats sur ce texte et le vote qui suivra interviennent dans le contexte d’une stigmatisation croissante des personnes étrangères dans le pays, en particulier à l’égard des Vénézuélien·ne·s en quête de protection.

En réaction à l’augmentation du nombre de personnes arrivant dans le pays, en février 2023, le gouvernement a ordonné la militarisation de la frontière nord du pays. De plus, depuis le deuxième trimestre de 2022, les pouvoirs législatif et exécutif ont promu plusieurs réformes de la législation qui violeraient les droits des personnes demandeuses d’asile ou migrantes.

En mars 2023, on estimait que 7,24 millions de personnes avaient fui le Venezuela en raison de la situation de grave urgence humanitaire et des violations massives des droits humains dans ce pays. Il s’agit de la plus grave crise des réfugié·e·s jamais enregistrée dans les Amériques, et de l’une des plus graves au niveau mondial. Le Chili figure au quatrième rang des pays accueillant des Vénézuélien·ne·s en Amérique latine et dans les Caraïbes, après la Colombie, le Pérou et l’Équateur, avec la présence sur son territoire de 444 400 Vénézuélien·ne·s, selon les estimations (ce chiffre constitue une estimation prudente, car il date de 2021). Amnesty International considère ces personnes comme des réfugié·e·s conformément à la définition du statut de réfugié·e qui figure dans la Déclaration de Carthagène et qui a été intégrée dans la loi chilienne.

Dans son rapport intitulé No one wants to live in hiding : Lack of protection for Venezuelan refugees in Chile, Amnesty International expose une série de mesures adoptées ou appliquées par les autorités qui, dans leur ensemble, empêchent dans la pratique les personnes qui ont besoin d’une protection, comme les Vénézuélien·ne·s, de demander l’asile ou d’accéder à un statut migratoire régulier au Chili. Comme il leur est impossible d’obtenir un visa, les personnes ayant besoin d’une protection internationale, comme les Vénézuélien·ne·s, n’ont d’autre possibilité que d’entrer de façon irrégulière dans le pays. D’autres personnes risquent d’être refoulées à la frontière, ce qui est interdit par le droit international et qui les expose à un risque accru de graves violations des droits humains. Pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale qui ont réussi à entrer au Chili, il est extrêmement difficile d’accéder au statut de réfugié·e ou d’obtenir la régularisation de leur statut migratoire en raison de la pratique illégale leur imposant de signaler elles-mêmes leur entrée irrégulière et d’autres pratiques arbitraires qui violent le droit international et le droit international relatif aux réfugiés.

En 2021, le Service national des migrations a enregistré 3 867 demandes d’asile, et 79 % de ces demandes étaient soumises par des personnes de nationalité vénézuélienne. Cette année, 19 seulement de l’ensemble des demandes ont été acceptées et 3 082 ont été rejetées. En mars 2023, Amnesty International a mis en garde contre le fait qu’en les privant de l’accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié·e, les autorités exposent ces personnes au grave risque d’être renvoyées dans des lieux où leur vie et leurs droits sont en danger.

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