Depuis l’âge de 15 ans, Mohammad Ghobadlou se trouvait sous la surveillance d’un hôpital psychiatrique pour des troubles bipolaires. Selon des informations obtenues par Amnesty International, au cours des deux mois qui ont précédé les événements et son arrestation le 22 septembre 2022, il avait arrêté de prendre son traitement, ce qui l’a plongé dans une grande angoisse et lui a occasionné des sautes d’humeur extrêmes. Après son arrestation, il a été détenu pendant plusieurs jours dans un centre de la Police de la sécurité publique de la Force de l’ordre de la République islamique d’Iran (police-e amniat), où il aurait été roué de coups.
D’après ce qu’a appris Amnesty International, il a été passé plusieurs fois à tabac et les personnes qui l’interrogeaient lui ont promis de le relâcher et de faciliter son départ d’Iran ; il a ensuite été contraint d’« avouer » et de lire une déclaration pré-imprimée devant une caméra vidéo. Pendant le restant de la phase d’enquête, jusque fin octobre 2022, il était incarcéré au pénitentiaire central du Grand Téhéran. Au cours de cette période, il a été conduit à plusieurs reprises pour interrogatoire devant l’enquêteur principal de la première chambre du bureau du procureur à Robat Karim. Selon son témoignage, durant chaque transfert, les agents lui attachaient les mains et les pieds ensemble, le poussaient sous le siège arrière du véhicule et le frappaient.
Mohammad Ghobadlou n’a pas reçu de traitement pour ses troubles bipolaires depuis le jour de son arrestation jusqu’après sa première audience, le 29 octobre 2022. Cette pratique abusive, qui viole l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements, a entraîné une détérioration de sa santé mentale. Le 1er novembre, sa mère a diffusé un message vidéo, affirmant que les autorités avaient empêché son fils de recevoir des visites, le maintenaient à l’isolement et le privaient de ses médicaments. Il a alors été transféré du pénitentiaire central du Grand Téhéran à la prison de Rajai Shahr. Là, il a reçu ses médicaments, mais a été maintenu à l’isolement jusqu’à quelques jours avant sa deuxième audience, le 15 novembre.
Amnesty International a examiné deux lettres officielles, en date du 11 et du 15 octobre 2022, adressées par de hauts responsables du pénitentiaire central du Grand Téhéran aux autorités chargées des poursuites, qui alertaient sur sa santé mentale et demandaient sa libération pour raisons médicales. Ces documents portent les cachets officiels de l’enquêteur principal de la première chambre du bureau du procureur de Robat Karim, ce qui indique qu’ils ont reçu les mises en garde. Pourtant, l’enquêteur n’a pas veillé à ce que Mohammad Ghobadlou reçoive ses médicaments et n’a pas ordonné d’évaluation approfondie de sa santé mentale. Il a été présenté une seule fois, environ deux semaines après son arrestation, à un psychiatre travaillant pour l’Organisation de médecine légale d’Iran, un institut médicolégal dépendant du système judiciaire de l’État. Ce psychiatre n’a reçu aucune information sur ses antécédents psychiatriques ni aucun dossier médical. Sans mener d’évaluation détaillée et en se contentant de poser quelques questions d’ordre général sur les événements du 22 septembre 2022, il a affirmé que Mohammad Ghobadlou avait agi de manière délibérée et était en mesure d’apprécier pleinement la nature de sa conduite. Le psychiatre a témoigné en ce sens devant le premier tribunal pénal de la province de Téhéran le 10 décembre. Cependant, le 29 décembre, il est revenu sur sa position et s’est joint à des dizaines de psychiatres qui ont publié une lettre ouverte adressée au responsable du pouvoir judiciaire, demandant qu’un comité composé de psychiatres éminents examinent de près la santé mentale de Mohammad Ghobadlou et évaluent son impact sur sa capacité à faire preuve de discernement.
Aux termes des normes internationales, les accusés qui encourent la peine de mort doivent bénéficier d’évaluations indépendantes et rigoureuses de leur santé mentale, à intervalles, tout au long de la procédure pénale. En outre, dès que des troubles mentaux sont diagnostiqués, les prisonniers doivent recevoir rapidement des traitements et un soutien adaptés, et doivent être protégés contre la peine de mort. Selon le Comité de l’ONU des droits des personnes handicapées, refuser l’accès à un soutien individuel et à un logement raisonnable constitue une discrimination.
L’avocat de Mohammad Ghobadlou a déclaré publiquement qu’il n’avait pas pu consulter les preuves matérielles, notamment les images des caméras de vidéosurveillance et les photographies des événements du 22 septembre, des blessures sur le corps de la personne percutée ou de son corps après sa mort. Il a déclaré publiquement que ce manque de transparence, ainsi que les divergences flagrantes entre les rapports de police rédigés peu après l’événement et les allégations subséquentes des autorités chargées des poursuites au sujet de la nature des blessures du défunt, soulevaient de graves doutes s’agissant de déterminer si la conduite de son client était une cause substantielle du décès.
En s’opposant à la peine de mort, Amnesty International ne tente pas de réduire l’importance d’un crime violent ni de le cautionner. Les familles qui perdent un être cher dans de telles circonstances ont le droit de voir la personne responsable jugée dans le cadre d’un procès équitable, sans recourir à la peine de mort. La peine de mort est un homicide prémédité, vengeur et cautionné par l’État – ce n’est pas la justice. Elle déshumanise la société et dévalorise au fil du temps la valeur que la société accorde à la vie humaine.
Amnesty International s’oppose en toutes circonstances à ce châtiment, quelles que soient la nature du crime commis ou les caractéristiques de son auteur.
Depuis la fin du mois d’avril 2023, les autorités iraniennes ont exécuté à un rythme effréné des dizaines de personnes, intensifiant le recours à la peine capitale comme outil de répression pour tenter d’instiller la peur au sein de la population et d’écraser les actes de résistance contre le pouvoir et la classe dirigeante. À ce jour, elles ont exécuté de manière arbitraire sept personnes en lien avec le soulèvement populaire, dont cinq en 2023.