Écrire Un syndicaliste iranien observe une grève de la faim

Le syndicaliste iranien Esmail Abdi a entamé une grève de la faim le 24 avril pour protester contre le traitement réservé aux enseignants et aux travailleurs en Iran, ainsi que contre le rejet de ses demandes de permission de sortie. C’est un prisonnier d’opinion, qui purge une peine de six ans à la prison d’Evin, à Téhéran, en raison de ses activités syndicales pacifiques.

Enseignant en mathématiques, Esmail Abdi, membre du comité de direction de la section de Téhéran du Syndicat des enseignants iraniens (ITTA-Téhéran), a annoncé son intention d’entamer une grève de la faim le 17 avril, dans une lettre ouverte du 11 avril. Il a retardé le début de sa grève de la faim d’une semaine après que des représentants du bureau du procureur ont promis de répondre à ses préoccupations. Selon son épouse, cet engagement n’ayant pas été tenu, Esmail Abdi a commencé sa grève de la faim le 24 avril.

Dans sa lettre, Esmail Abdi critiquait l’inégalité dans la répartition des richesses et dans l’accès à l’éducation en Iran, les bas salaires en-dessous du seuil de pauvreté pour les employés du secteur éducatif et les nombreuses coupes du budget alloué à l’éducation. Il s’est également dit préoccupé par le fait que certains syndicalistes sont inculpés d’accusations liées à la sécurité nationale et que certaines instances du pouvoir en place exercent une « pression sur le système judiciaire pour émettre les actes d’inculpation et rendre les jugements, rejeter les demandes de révision judiciaire devant la Cour suprême et les demandes de libération conditionnelle, et interviennent même pour décider des permissions de sortie accordées aux prisonniers ». Finalement, il a demandé que ses demandes de permission lui soient accordées.

Esmail Abdi a tout d’abord été arrêté par des pasdaran (gardiens de la révolution) le 27 juin 2015 et détenu à l’isolement pendant 40 jours. En février 2016, il a été condamné à six ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, qui l’a déclaré coupable de « propagande contre le régime » et de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale », en raison de ses activités syndicales pacifiques. Il a été remis en liberté sous caution le 14 mai 2016 à l’issue d’une grève de la faim de deux semaines. En octobre 2016, la condamnation d’Esmail Abdi a été confirmée en appel et il a été interpellé le 9 novembre 2016 pour commencer à purger sa peine. Il a déposé deux requêtes pour que son affaire fasse l’objet d’une révision judiciaire, mais la Cour suprême a rejeté les deux, en février et en octobre 2017.

Dans une lettre ouverte publiée le 11 avril 2018, Esmail Abdi a écrit : « Je déclare par la présente ma solidarité avec tous les enseignants et travailleurs du monde, et en tant qu’enseignant et membre du comité de direction de la section de Téhéran du Syndicat des enseignants iraniens, je mets en garde contre les terribles conséquences des pratiques illégales et arbitraires du système judiciaire. » Pour lire la lettre d’Esmail Abdi dans son intégralité, veuillez consulter : https://www.workers-iran.org/imprisoned-iranian-teacher-email-abdi-to-begin-hunger-strike-as-of-april-17-2018/

Esmail Abdi a été arrêté le 27 juin 2015 après une visite au bureau du procureur à la prison d’Evin, où il s’était rendu pour obtenir des informations sur l’interdiction de voyager prononcée contre lui. Il s’était vu refuser le droit de se rendre en Arménie pour faire une demande de visa afin de pouvoir assister au 7e Congrès mondial de l’Internationale de l’éducation, organisé au Canada en juillet 2015. Avant son arrestation, les services de renseignement l’avaient convoqué plusieurs fois pour l’interroger.

Pendant les interrogatoires, les agents l’avaient mis en garde contre son association avec des organisations internationales, comme l’Internationale de l’éducation, fédération mondiale de syndicats enseignants, et avaient déclaré que sa participation à des rassemblements internationaux représentait une « ligne rouge ». Sa condamnation à six ans de prison pour « propagande contre le régime » et « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale » a été prononcée en raison de ses activités syndicales pacifiques, notamment ses liens avec l’Internationale de l’éducation et l’organisation de manifestations pacifiques d’enseignants devant le Parlement iranien en avril 2015 pour protester contre les bas salaires, le budget insuffisant alloué à l’éducation et l’incarcération d’enseignants syndicalistes.

En raison de leurs activités syndicales légitimes, les défenseurs des droits des travailleurs ont été renvoyés sans justification ou contraints de prendre leur retraite anticipée, soumis à des représailles pour avoir manifesté sans violence pour réclamer leurs salaires non payés, arrêtés et détenus de manière arbitraire, et condamnés à de lourdes peines de prison pour des accusations fallacieuses liées à la sécurité nationale. Lui aussi enseignant, Mahmoud Beheshti Langroodi, porte-parole du Syndicat des enseignants iraniens (ITTA), purge une peine de prison en Iran en raison de ses activités syndicales.

Les syndicalistes sont protégés par la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, qui souligne l’obligation pour les États de respecter le droit de défendre les droits humains, y compris les droits syndicaux, et de protéger les défenseurs des droits humains contre le harcèlement, les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que la torture et les autres formes de mauvais traitements.

Il ressort des recherches menées par Amnesty International que le système judiciaire pénal en Iran manque d’indépendance et demeure très exposé aux pressions des services de sécurité et de renseignement dans le but de déclarer coupables des défenseurs des droits humains et d’autres dissidents et de prononcer de lourdes peines. Cette absence d’indépendance permet aussi aux agents de renseignement et des forces de sécurité d’exercer une influence et un pouvoir illégal sur les processus de décision concernant l’accès des prisonniers à des soins médicaux adaptés, à des permissions de sortie et à la libération conditionnelle. En outre, les services de renseignement et de sécurité ciblent régulièrement les prisonniers à titre de représailles lorsqu’ils dénoncent les atteintes aux droits humains commises derrière les barreaux.

Aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Iran a ratifiés, les autorités sont tenues de respecter et de protéger la liberté d’expression, le droit à la liberté de réunion et d’association pacifique, ainsi que le droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats.

Bien que la section de Téhéran du Syndicat des enseignants iraniens soit légalement enregistré, l’Iran interdit de manière générale la formation de syndicats indépendants (pour en savoir plus, voir Pris dans les filets de la répression : les défenseurs des droits humains pris pour cible en Iran.) L’article 22(1) du PIDCP dispose : « Toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts ». L’article 8 du PIDESC garantit « le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix. »

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