Écrire Trois hommes turcs placés en détention risquent d’être torturés

D’après la police malaisienne, trois ressortissants turcs ont été arrêtés et placés en détention en Malaisie au titre de la législation antiterroriste. S’ils sont extradés en Turquie, il est à craindre qu’ils ne soient en danger.
Aujourd’hui, l’inspecteur général de la police malaisienne a confirmé que trois ressortissants turcs – Turgay Karaman, principal d’un établissement scolaire, Ismet Ozcelik, universitaire, et Ihsan Aslan, homme d’affaires – avaient été arrêtés et placés en détention au titre de la Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales). Ils font l’objet d’une enquête en vertu de l’article 130J du Code pénal (lu conjointement avec la loi susmentionnée), prétendument pour avoir sollicité des groupes terroristes, soutenu de tels groupes ou commis des actes terroristes.

Le 2 mai, des inquiétudes ont été exprimées pour la sécurité de Turgay Karaman, celui-ci ne s’étant pas présenté à un rendez-vous auquel il devait assister. Selon son avocat, des images de vidéosurveillance ont circulé sur Internet ; on y voit des inconnus en civil encercler Turgay Karaman dans un parking à Kuala Lumpur, puis l’emmener à bord d’un véhicule sans plaques d’immatriculation. La même nuit, un autre de ses amis, Ihsan Aslan, a été porté disparu par sa femme. Le 4 mai, d’après leur avocat, Ismet Ozcelik roulait en voiture avec des amis quand il a dû s’arrêter, cinq véhicules leur barrant la route ; 20 individus en ont jailli, les ont encerclés, se sont emparés de leurs téléphones et ont enlevé Ismet Ozcelik. Le ministre de l’Intérieur a déclaré ultérieurement que les trois hommes faisaient l’objet d’une enquête pour liens présumés avec le groupe armé État islamique. Ils n’ont été autorisés ni à consulter un avocat, ni à avoir des contacts avec leur famille ; ils sont donc détenus au secret, en violation du droit international relatif aux droits humains. On craint également, s’ils sont renvoyés en Turquie, qu’ils ne fassent l’objet d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements, d’un procès inique ou d’autres violations graves des droits humains, compte tenu des circonstances obscures de leur arrestation. Ils sont actuellement détenus au siège de la police de Bukit Aman, à Kuala Lumpur.

En 2016, le gouvernement turc aurait fait pression sur ses alliés pour les inciter à engager des poursuites contre les partisans présumés de Fethullah Gülen, que les authorités turques accusent d’avoir monté une tentative de coup d’État contre elles. Fethullah Gülen dément ces accusations. Des éléments crédibles, recueillis par Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains, prouvent que des détenus soupçonnés d’appartenir au mouvement Gülen ont été placés en détention arbitrairement et torturés. Si ces trois hommes sont soupçonnés de liens avec le mouvement Gülen, Amnesty International craint qu’ils ne soient extradés en Turquie, où ils risqueraient des mauvais traitements similaires.

En Turquie, à la suite d’une tentative de coup d’État en 2016, le gouvernement s’est engagé dans une campagne de répression massive visant les fonctionnaires et la société civile du pays. Les personnes accusées de liens avec le mouvement Gülen en ont été la principale cible. En effet, les autorités reprochent à l’imam exilé Fethullah Gülen d’être responsable de cette tentative.
À la suite de la tentative de putsch, le gouvernement turc a annoncé l’instauration de l’état d’urgence pour une période de trois mois (prolongée de trois mois à deux reprises depuis lors), dérogeant ainsi à toute une liste d’articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a adopté une série de décrets qui ne garantissaient pas le respect de droits et de libertés déjà réduits. Plus de 100 000 fonctionnaires, parmi lesquels des enseignants, des policiers, des militaires, des médecins, des juges et des procureurs, ont été limogés au motif qu’ils avaient des liens avec une organisation terroriste ou représentaient une menace pour la sécurité nationale. Au moins 47 000 personnes ont été placées en détention provisoire parce qu’elles étaient accusées d’être liées à la tentative de coup d’État ou au mouvement Gülen, qualifié par les autorités d’« organisation terroriste de Fethullah Gülen » (FETÖ). Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains ont recueilli des informations dignes de foi faisant état d’actes de torture à l’encontre de ces détenus.
Le 13 octobre 2016, deux hommes turcs vivant en Malaisie, Alettin Duman et Tamer Tibik, ont été portés disparus par leurs proches. Par la suite, le gouvernement turc a annoncé qu’ils avaient été remis aux autorités turques par les autorités malaisiennes parce qu’ils étaient soupçonnés d’être des partisans de l’ecclésiastique musulman Fethullah Gulen. Les deux hommes sont détenus sans jugement en Turquie depuis lors. Dans une lettre à son épouse, Tamer Tibik a indiqué qu’il avait été enlevé par des fonctionnaires non identifiés le 13 octobre 2016. Il a expliqué qu’on l’avait emmené en voiture, menotté et les yeux bandés, dans un endroit inconnu. Le lendemain, on le faisait monter dans un avion pour la Turquie.
Amnesty International reste préoccupée par l’utilisation faite en Malaisie des lois relatives à la sécurité nationale et à la détention provisoire, notamment de la Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales).
La Loi de 2012 sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales) n’est pas conforme aux normes internationales relatives aux droits humains telles qu’énoncées dans l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), instrument qui garantit le droit d’avoir accès librement à un conseil juridique et le droit d’avoir un accès entier et effectif à la vie carcérale de façon équitable. En effet, cette loi permet de placer des détenus à l’isolement, de les maintenir en détention au secret durant 48 heures, et de les empêcher de saisir la justice et/ou de consulter un avocat pendant une période d’une durée pouvant aller jusqu’à 28 jours.
À l’occasion d’une question parlementaire, le ministre adjoint de l’Intérieur a donné les indications suivantes : au total, 989 personnes ont été détenues au titre de cette loi entre le 31 juillet 2012 et le 22 février 2017 ; 363 d’entre elles ont été libérées, 139 font l’objet d’un procès et 502 ont été déclarées coupables.

Noms : Turgay Karaman, Ihsan Aslan, Ismet Ozcelik
Hommes

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