Écrire un défenseur bidun des droits humains emprisonné

Le 20 septembre, la Cour de cassation pour les délits mineurs a confirmé la condamnation à un an d’emprisonnement assorti d’une peine d’expulsion prononcée contre Abdulhakim al Fadhli, défenseur des droits des apatrides de la communauté bidun au Koweït, pour des charges liées à une manifestation pacifique en 2012. Le 24 septembre, Abdulhakim al Fadhli s’est rendu aux autorités. Cet homme est un prisonnier d’opinion.

Dans une lettre adressée à Amnesty International le 10 mars 2016, le gouvernement du Koweït a déclaré qu’Abdulhakim al Fadhli avait « incité fortement [autrui] via son compte Twitter à participer à un rassemblement sur une place publique à Taima en 2012 », rassemblement dont l’objectif était de revendiquer des droits civiques pour la communauté apatride des bidun au Koweït. D’après cette lettre, un tribunal pénal de première instance l’avait condamné par contumace le 29 janvier 2015 à un an de prison, assorti d’une peine d’expulsion, et une cour d’appel avait rejeté son appel le 3 février 2015.

Le Conseil judiciaire suprême a par la suite converti l’affaire en délit mineur. Le 20 septembre 2016, la Cour de cassation pour les délits mineurs a confirmé la condamnation à un an de prison, assortie d’une peine d’expulsion. Plutôt que d’être arrêté, Abdulhakim al Fadhli s’est rendu aux autorités et a été conduit à la prison centrale.

En août 2016, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a observé que la loi relative aux rassemblements, sur laquelle se fonde partiellement l’arrestation d’Abdulhakim al Fadhli, était partiale car elle n’autorise pas les non-Koweïtiens, comme les bidun, à se réunir pacifiquement. Amnesty International considère Abdulhakim al Fadhli comme un prisonnier d’opinion. Les poursuites engagées en raison de ses tweets postés au sujet d’un rassemblement pacifique le 10 décembre 2012 dans un lieu ouvert et défini – la place principale de Taima, à l’ouest de Koweït-City – bafouent ses droits au titre des articles 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Koweït est partie.

Le Comité des droits de l’homme a observé que le gouvernement du Koweït restreint les droits de la communauté bidun à la liberté d’expression, d’opinion et de réunion pacifique, et offre à de nombreux bidun la « citoyenneté économique » en échange de titres de séjour. Il ne propose pas de processus indépendant permettant aux bidun d’obtenir la nationalité koweïtienne. Le gouvernement n’a pas annoncé vers quel pays il comptait expulser Abdulhakim al Fadhli.

Le défenseur bidun des droits humains Abdulhakim al Fadhli fait l’objet de nombreux chefs d’inculpation et condamnations en lien avec son militantisme, à la fois au nom de la communauté apatride des bidun au Koweït et par rapport à l’action du gouvernement et au processus politique au Koweït. Il a purgé plusieurs peines de prison et les autorités koweïtiennes lui ont infligé des mauvais traitements par le passé.

La liberté d’expression au Koweït est entravée par les restrictions légales au droit de réunion pacifique, qui limitent la capacité des citoyens à exprimer des idées dissidentes dans le cadre d’une manifestation ou d’un rassemblement. Plusieurs dispositions de la loi de 1979 sur les réunions et les rassemblements publics invoquées lors de la condamnation d’Abdulhakim al Fadhli restreignent indûment le droit de réunion pacifique. Les autorités ont recouru à cette loi pour interdire, déclarer illégaux et disperser des rassemblements et des manifestations, notamment ceux organisés par les bidun apatrides en 2011 et 2012.

En août 2016, le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé par la loi de 1979, car elle interdit aux non-Koweïtiens de participer à des rassemblements publics, et par l’interdiction générale des rassemblements publics sans autorisation préalable du ministère de l’Intérieur. Il a déclaré que le Koweït doit garantir que l’exercice du droit de réunion pacifique n’est pas soumis à des restrictions autres que celles prévues au titre du PIDCP.

La Loi n° 31 de 1970, également invoquée dans l’affaire intentée à l’encontre d’Abdulhakim al Fadhli, englobe des textes de loi portant sur la sécurité nationale, la diffamation et l’outrage. Elle restreint la liberté d’expression, d’association et de réunion. Une évaluation de ces textes est présentée dans le rapport The ‘Iron First Policy’ : Criminalization of peaceful dissent in Kuwait (https://www.amnesty.org/en/documents/mde17/2987/2015/en/).

Plus de 100 000 personnes apatrides de la communauté bidun vivent au Koweït. Beaucoup sont nées dans le pays et font partie de familles qui vivent au Koweït depuis plusieurs générations. Bien que le gouvernement a annoncé des réformes en 2015, les apatrides de la communauté bidun sont confrontés à d’importantes restrictions en termes d’accès à l’emploi, aux soins de santé, à l’éducation et à divers autres services publics dont bénéficient les citoyens koweïtiens. Lorsque des bidun manifestent pour revendiquer leurs droits, ils se heurtent souvent à la violence et la répression.

En août 2016, le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé par la lenteur « du processus visant à accorder la nationalité koweïtienne aux bidun », « la situation des bidun apatrides qui ne sont toujours pas enregistrés et ne peuvent pas obtenir de papiers civils ni avoir accès à des services sociaux adaptés », les restrictions imposées aux bidun concernant « leurs droits à la liberté de circulation, de réunion pacifique, d’opinion et d’expression », et par le fait que le Koweït envisageait de leur offrir la « citoyenneté économique » d’un autre État en échange d’un permis de séjour permanent.

Le Comité a demandé au Koweït, entre autres, de « garantir que les bidun jouissent de leur droit de circuler librement et de leurs droits à la liberté de réunion pacifique, d’opinion et d’expression » et de « renoncer au projet visant à leur offrir la " citoyenneté économique" d’un autre État ».

Le processus de naturalisation, géré par un organe gouvernemental (le Système central pour la régularisation des résidents illégaux), est opaque et se fonde sur des critères variables. Ce Système central évalue les dossiers et émet des recommandations au Haut Comité de la nationalité, autre organe gouvernemental, qui décide d’accorder ou non la nationalité. En septembre 2013, Amnesty International a demandé au Koweït de permettre aux bidun résidant au Koweït d’avoir accès aux tribunaux ou à une autre instance judiciaire indépendante habilitée à faire appliquer le droit pour contester les décisions prises par les autorités et pour demander à être reconnus comme ressortissants koweïtiens. Cela n’a pas encore été fait. Voir le rapport de septembre 2013 : The ‘Withouts’ of Kuwait : Nationality for stateless Bidun now (https://www.amnesty.org/en/documents/mde17/001/2013/en/).

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