Écrire Un universitaire en grève de la faim après le renvoi de son avocate

Ahmadreza Djalali, un universitaire iranien, a repris sa grève de la faim et a indiqué qu’il n’absorbait plus de liquides ni d’aliments. Il proteste contre sa détention prolongée et le fait que les autorités refusent de le laisser consulter l’avocate qu’il a choisie. Il a dit qu’il préférait « mourir de sa grève de la faim qu’être déclaré coupable de charges dénuées de tout fondement ».

Né en Iran, résident en Suède, Ahmadreza Djalali, médecin et universitaire actuellement incarcéré dans la prison d’Evin, à Téhéran, a repris sa grève de la faim le 15 février et a cessé d’absorber des liquides le 24 février. Il a cessé de s’alimenter après avoir été présenté à la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, dont le président lui a dit qu’il n’était pas autorisé à entrer en contact avec l’avocate qu’il avait choisie (à qui il a été indiqué fin février qu’elle devait se retirer de l’affaire) ni à être défendu par elle, et qu’il devait trouver un autre conseil, sans quoi un avocat lui serait commis d’office par le tribunal. Les autorités avaient déjà renvoyé son premier avocat.

Ahmadreza Djalali a répondu au juge : « Vous n’autorisez pas mon avocate à me défendre alors que cela fait des mois que je l’ai chargée de le faire. Mon dossier est vide. Je préfère mourir de ma grève de la faim qu’être poursuivi et condamné sur la base d’accusations dénuées de fondement. » Ahmadreza Djalali avait mis un terme à sa grève de la faim précédente vers le 12 février, après qu’un responsable du ministère du Renseignement, qui lui avait rendu visite en prison à cette date, lui eut indiqué qu’il y avait eu une erreur dans son cas, que les charges retenues contre lui étaient erronées et que son dossier allait être renvoyé au ministère public pour complément d’enquête.

La femme d’Ahmadreza Djalali, Vida Mehrannia, qui vit en Suède avec leurs deux enfants en bas âge et n’est pas autorisée à entrer en contact avec son mari, a déclaré à Amnesty International que la santé physique et mentale de son époux s’était considérablement dégradée ces dernières semaines en raison de ses grèves de la faim et des violences auxquelles il a été soumis par les autorités.

Ahmadreza Djalali, qui a donné des cours dans des universités européennes, était en voyage en Iran pour des raisons professionnelles quand il a été arrêté, le 25 avril 2016. Il a été détenu à l’isolement durant trois mois et a indiqué que, pendant cette période, on l’avait contraint à signer des déclarations en l’absence d’un avocat. En décembre 2016, ceux qui menaient les interrogatoires l’ont soumis à d’intenses pressions pour lui faire signer une déclaration dans laquelle il « avouait » être un espion agissant pour le compte d’un « gouvernement hostile ». Comme il s’y refusait, ils ont menacé de l’inculper d’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh), une infraction passible de la peine de mort.

Médecin, universitaire et chercheur, Ahmadreza Djalali travaille dans le domaine de la médecine de catastrophe depuis 1999. Il a quitté l’Iran en 2009 pour suivre un programme de doctorat à l’Institut Karolinska, en Suède. Il a également travaillé en tant que maître de conférences à l’Université du Piémont oriental (CRIMEDIM) à Verceil, en Italie, et à l’Université libre néerlandophone de Bruxelles, en Belgique.

En avril 2016, Ahmadreza Djalali s’est rendu en Iran sur l’invitation des universités de Téhéran et de Chiraz pour participer à des ateliers sur la médecine de catastrophe. Ses précédents voyages en Iran, où il se rendait environ deux fois par an, s’étaient déroulés sans incident. Il était en Iran depuis deux semaines et devait rentrer en Suède le 28 avril 2016 lorsqu’il a été arrêté sans mandat par des agents du ministère du Renseignement, le 25 avril 2016, alors qu’il se rendait en voiture de Téhéran à Karaj, une ville située au nord-ouest de la capitale. Ses proches n’ont eu de ses nouvelles que 10 jours après son arrestation, lorsqu’il a été autorisé à les appeler brièvement.

Il a été détenu dans un lieu inconnu pendant une semaine avant d’être transféré dans la section 209 de la prison d’Evin, sous le contrôle du ministère du Renseignement, où il a été détenu durant sept mois, dont trois passés à l’isolement. Il a déclaré que, au cours de cette période, il avait subi d’intenses interrogatoires, pendant lesquels il avait été contraint de signer des déclarations après avoir été soumis à d’importantes pressions psychologiques et émotionnelles. Amnesty International ne dispose pas d’informations sur ces déclarations. Malgré les interrogatoires répétés, il n’a été autorisé à consulter un avocat que sept mois après son arrestation, lorsqu’il a été transféré dans la section 7 de la prison d’Evin. Il a ensuite été autorisé à recevoir des visites de son avocat par intermittence, mais au début du mois de février 2017, les autorités l’ont empêché de voir ses deux conseils. Ces derniers mois, il a fait plusieurs allers-retours entre la section 7, où sont détenus les prisonniers de droit commun, et les sections 209 et 240, qui sont toutes les deux sous le contrôle du ministère du Renseignement.

Le 31 janvier, Ahmadreza Djalali a été emmené devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, en l’absence de son conseil, et le président de la chambre l’a informé qu’il était accusé d’« espionnage » et risquait la peine de mort. Le premier avocat qu’il avait choisi a informé Amnesty International en février que les autorités n’avaient pas encore prononcé sa mise en accusation (keyfarkhast) ni fixé de date pour son procès. Le ministère public avait affirmé à cet avocat qu’il ne pouvait pas prendre l’affaire en charge et avait refusé de lui transmettre le dossier. Au cours de la dernière semaine de février, l’avocate choisie par Ahmadreza Djalali après le renvoi de son conseil précédent s’est présentée devant le président de la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran et a été informée qu’elle devait se retirer de l’affaire. Depuis que les autorités ont renvoyé ses deux avocats, Ahmadreza Djalali est, de fait, privé d’assistance juridique.

La santé d’Ahmadreza Djalali s’est considérablement détériorée depuis le début de sa détention, et les nombreuses grèves de la faim qu’il a suivies ont aggravé la situation. Il a perdu une vingtaine de kilos, s’est évanoui à deux reprises, et souffre de chutes de tension et de douleurs dans la région rénale.
Ahmadreza Djalali a déclaré que, lors de sa détention à l’isolement, les personnes qui l’interrogeaient l’insultaient et le menaçaient, en lui disant notamment qu’elles l’enverraient dans la prison de Rajai Shahr, à Karaj, pour qu’il soit incarcéré avec les condamnés à mort dans des conditions très difficiles.

Amnesty International a déjà fait état des conditions de détention inhumaines de la prison de Rajai Shahr. Les doléances qui reviennent le plus souvent de la part des prisonniers concernent notamment l’indifférence délibérée des autorités pénitentiaires aux besoins médicaux des prisonniers, leur refus de transférer les prisonniers gravement malades vers des hôpitaux extérieurs à la prison, les longues périodes sans eau chaude pour se laver, le manque d’espace, la mauvaise ventilation, les conditions insalubres, les coins cuisine infestés d’insectes, les produits de nettoyage insuffisants et les maigres rations de nourriture (de mauvaise qualité).

On estime que ces conditions rendent les prisonniers vulnérables aux infections et à diverses maladies respiratoires et de la peau. Les informations recueillies sur la prison révèlent également une pratique bien établie de la part des gardes qui frappent, insultent ou harcèlent sexuellement les prisonniers politiques, en particulier lors des transferts entre la prison et l’hôpital ou le tribunal.

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