Le Centre El Nadeem pour le traitement et la réadaptation des victimes de violence est enregistré depuis 1993 et il a apporté à des centaines de victimes de torture des services essentiels, notamment des services de conseil et d’assistance juridiques. Les autorités égyptiennes ont tenté de fermer ce centre pour la deuxième fois cette année le 5 avril. Les forces de sécurité avaient pénétré dans ses locaux le 17 février et présenté à son personnel un ordre de fermeture émanant du ministère de la Santé. Le Centre a poursuivi ses activités, malgré cette décision. Le 24 février, le ministère de la Santé égyptien a déclaré que le Centre avait violé les termes de sa licence en menant des activités de défense des droits humains. Le Centre a répondu que les déclarations du ministère étaient inexactes car il était enregistré de façon adéquate et car la décision du gouvernement était intervenue après la publication d’un rapport accusant les forces de sécurité d’actes de torture et d’autres mauvais traitements.
L’enquête pénale visant des associations de défense des droits humains est en cours depuis mi-2011 ; le gouvernement égyptien avait alors ouvert une enquête sur l’enregistrement et le financement d’ONG menant des activités dans le pays. En décembre 2011, des procureurs accompagnés d’agents des forces de sécurité ont effectué des descentes dans les locaux de cinq ONG internationales et de deux organisations égyptiennes de défense des droits humains. En juin 2013, un tribunal a condamné 43 membres du personnel d’ONG internationales à des peines allant d’un à cinq ans d’emprisonnement pour avoir travaillé pour des ONG non enregistrées et pour avoir reçu un financement illégal. Ces peines d’emprisonnement ont toutes été soit suspendues soit prononcées par contumace.
Les juges d’instruction ont poursuivi leurs investigations, en se concentrant sur les organisations égyptiennes de défense des droits humains. Le gouvernement a également accentué la pression exercée sur les ONG. Au milieu du mois de juillet 2014, le ministère de la Solidarité nationale a ordonné à toutes les ONG de s’enregistrer au titre de la Loi relative aux associations (Loi 84 de 2002). Cette loi confère au gouvernement le pouvoir de fermer une association quasiment au gré de sa volonté, de geler ses avoirs, de saisir ses biens et de refuser des candidats à son conseil d’administration.
La répression s’est intensifiée au cours des dernières semaines. Le 3 mars, un juge d’instruction a interrogé le directeur de United Group, l’avocat Negad al Borei. Ce cabinet d’avocats défend des victimes de violations des droits humains et il a publié des rapports sur la torture. Entre le 13 et le 15 mars, trois employés de Nazra pour les études féministes, deux employés de l’Institut d’études sur les droits humains du Caire, et un employé de United Group, cabinet d’avocats qui publie des informations sur la torture, ont été convoqués pour un interrogatoire par les juges d’instruction. Mozn Hassan, fondatrice et directrice de Nazra pour les études féministes, a également été convoquée pour un interrogatoire.
Un certain nombre de défenseurs des droits humains ont en outre été soumis à une interdiction de voyager ordonnée par des tribunaux, des procureurs et des services de sécurité. Parmi eux figurent Hossam Baghat et Gamal Eid, qui ont tous deux reçu une interdiction de voyager en février, ainsi que Mohamed Lotfy, directeur de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés, qui n’a pas été autorisé à se rendre en Allemagne où il devait s’adresser au Parlement, en juin 2015. En janvier 2015, la militante Esraa Abdel Fattah, qui travaillait pour l’Académie égyptienne pour la démocratie (EDA), a reçu l’interdiction de se rendre en Allemagne. Plusieurs autres personnes membres du personnel de l’EDA ont également reçu l’interdiction de se rendre à l’étranger.
La Loi relative aux associations et le Code pénal répriment pénalement le fait d’accepter des fonds provenant de sources internationales sans y avoir été autorisé par le gouvernement. L’article 78 du Code pénal sanctionne d’une peine de 25 ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 livres égyptiennes (soit près de 56 300 USD) le fait de recevoir de l’argent ou du matériel destinés à des actes qui porteraient atteinte aux « intérêts nationaux » de l’Égypte ou à l’« intégrité territoriale » du pays, ou qui troubleraient l’« ordre public ». En mars 2016, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme s’est dit « gravement préoccupé » au sujet de la répression exercée contre des associations égyptiennes de défense des droits humains.
Il a également souligné : « Tout le monde a le droit de recevoir des fonds pour promouvoir les droits de l’homme par des moyens pacifiques. » Les dispositions de la législation égyptienne qui restreignent l’accès au financement étranger ont aussi été critiquées à plusieurs reprises par des organes de l’ONU chargés de contrôler le respect par l’Égypte de traités internationaux relatifs aux droits humains. Le droit à la liberté d’association est garanti par l’article 75 de la Constitution égyptienne et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Égypte est partie.