Journaliste, Salah Attia est le fondateur et rédacteur en chef du média en ligne arabe Al Ray Al Jadid (Nouvelle opinion). Ce site Internet publie des informations tunisiennes et internationales. De temps en temps, Salah Attia est interviewé par d’autres médias à titre d’analyste politique sur la Tunisie.
Dans la soirée du 11 juin, des policiers en civil se sont présentés au domicile de Salah Attia, à Hay Ettahrir à Tunis, où se trouvaient son épouse et deux de ses trois enfants. Les policiers voulaient perquisitionner le domicile, sans présenter de mandat, mais l’épouse de Salah Attia a refusé, d’après sa fille Sondes Attia, qui n’était pas présente mais a relayé à Amnesty International ce que sa famille lui a raconté. Les policiers ont demandé à parler à Salah Attia au téléphone, qui leur a dit qu’il se trouvait dans un café, dans le quartier d’Ibn Khaldoun. Ils s’y sont rendus et l’ont interpellé.
Les policiers ont escorté Salah Attia chez lui, où il a changé de vêtements, puis l’ont emmené à bord de leur véhicule à la base militaire d’El Aouina pour l’interroger. Ils l’ont questionné sur la source de ses allégations concernant l’armée, et sur l’objectif qu’il visait en évoquant ces faits publiquement.
Après l’avoir interrogé dans la soirée du 11 juin, les policiers ont amené Salah Attia à Bouchoucha, un centre de détention à Tunis, dans l’attente de sa comparution devant un tribunal militaire lundi 13 juin. Selon Samir Dilou, l’un de ses avocats, l’enquête visant Salah Attia a été ouverte par le tribunal militaire de première instance de Tunis.
Le 13 juin, la police a conduit Salah Attia pour une audience devant un juge d’instruction au tribunal militaire de première instance, à Tunis. L’un de ses avocats, Malek Ben Amor, a indiqué que l’investigation se fonde uniquement sur les propos qu’il a tenus sur la chaîne de télévision Al Jazeera le 10 juin. Le juge d’instruction a demandé à Salah Attia de citer sa source, mais il a refusé, selon le même avocat, qui a assisté à l’audience.
Amnesty International a recensé une pratique inquiétante depuis la prise de pouvoir du président Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, qui consiste à recourir à la justice militaire pour poursuivre des civils, notamment des journalistes, des parlementaires, un avocat et un utilisateur de réseaux sociaux.
Les tribunaux militaires tunisiens ne satisfont pas à l’exigence d’indépendance, car lors de la nomination des juges et des procureurs de ces juridictions, la décision finale revient au président de la République. De plus, tant le procureur général, qui dirige la justice militaire, que les procureurs des tribunaux militaires, qui jouent un rôle essentiel dans l’ouverture de poursuites, sont membres de l’armée et soumis à la discipline militaire. Cela les place sous l’influence de l’exécutif, puisque le président, en vertu de la Constitution tunisienne, a également pour attribution le haut commandement des forces armées.
En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie est partie, chacun a le droit de s’exprimer librement, ce qui englobe la « liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce ». Le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’opinion et d’expression a estimé que « les peines privatives de liberté pour diffamation ne sont pas justifiables ; toutes les lois qui prévoient des sanctions pénales pour la diffamation devraient être abolies et remplacées, si nécessaire, par des lois civiles appropriées sur la diffamation ».
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe de suivi des traités chargé d’interpréter les obligations des États au titre du PIDCP, a estimé qu’il n’est pas légitime de leur part de « supprimer ou dissimuler des informations sur des questions d’intérêt public légitime qui ne portent pas atteinte à la sécurité nationale ou d’engager des poursuites contre des journalistes, des chercheurs, des militants écologistes, des défenseurs des droits de l’homme ou d’autres personnes, parce qu’ils ont diffusé ces informations ».
En outre, dans son rapport du 20 avril 2010, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a précisé :
« Les lois qui pénalisent la diffamation ne doivent pas être invoquées pour protéger des notions ou des concepts abstraits ou subjectifs, tels que l’État, les symboles nationaux, l’identité nationale, les cultures, les écoles de pensée, les religions, les idéologies ou les doctrines politiques. »