Muhammet et Orhan, deux jeunes abattus par la police
En juillet 2015, un attentat suicide faisait 33 morts et une centaine de blessés à Suruç dans le sud-est de la province d’A ?nl ?urfa. Apparemment l’attentat visait le centre culturel d’Amara devant lequel des militants de la Fédération des associations de jeunes socialistes tenaient une conférence de presse. Ces jeunes militants se sont arrêtés à Suruç avant de se rendre à Kobané, une région kurde du nord de la Syrie. Sept jours plus tard, deux policiers étaient assassinés à leur domicile à Ceylanp ?nar, dans la même province. Le PKK a immédiatement revendiqué cet assassinat.
Ces évènements ont marqué la fin du processus de paix et depuis les affrontements entre le PKK et les forces de l’ordre se sont intensifiés. Le nombre de morts dans le conflit ne fait que croître.
Ainsi, le 12 août 2015, deux jeunes, Muhammet Aydemir (16 ans) et Orhan Arslan (19 ans) ont été abattus par la police à Diyadin, une ville de la province d’A ?r ?, dans le magasin de la boulangerie où ils travaillaient.
Aux dires de leurs familles, Muhammet et Orhan étaient des amis proches et aidaient financièrement leur famille en travaillant à la boulangerie. Muhammet Aydemir, étudiant du secondaire en congé scolaire, travaillait depuis 10 jours dans la boulangerie. Les familles ont signalé à Amnesty International que la nuit où les deux garçons furent tués, ils préparaient le bois pour le four de la boulangerie. Dans la soirée, vers 21 h, le PKK attaquait le siège de la police de Diyadin, situé à quelques centaines de mètres de la boulangerie, dans le centre ville, et un membre armé du PKK fut tué lors d’affrontements avec la police. Les images de video surveillance montrent que Muhammet Aydemir et Orhan Arslan sont arrivés à la boulangerie à 20 h 45. A 21 h, heure à laquelle les affrontements ont commencé, on peut voir que les jeunes gens, assis à l’extérieur de la boulangerie, prennent la fuite. Le père de Muhammet, Mehmet Hanifi Aydemir, a déclaré à Amnesty International qu’il a appelé son fils à trois reprises en entendant les coups de feu parce qu’il s’inquiétait pour Muhammet. Il a également déclaré que son fils lui a dit être en lieu sûr dans le magasin en face de la boulangerie et qu’il ne s’aventurerait pas dans la rue.
Les autorités affirment qu’un ou plusieurs coups de feu ont été tirés sur la scène de la tuerie et en conséquence se sont rendues sur les lieux où elles ont ensuite retrouvé une arme. Les images de la video surveillance de la boulangerie montrent que vers 23 h un véhicule armé de la police est arrivé à la boulangerie pour repartir un peu plus tard. La video surveillance ne montre pas le magasin en face de la boulangerie, à quelque 20 mètres de celle-ci, où les deux garçons furent tués. Deux témoins, qui se trouvaient à l’extérieur dans la même rue, à quelques maisons du magasin, ont déclaré à Amnesty International que la police est arrivée dans la rue vers 23 h. Ils ont déclaré que la police leur a ordonné de se coucher à terre où ils furent menottés, mains derrière le dos, tout en étant roués de coups. Quand Amnesty International a rencontré ces témoins le 19 août 2015, l’un deux avait un œil meurtri et a signalé qu’il avait deux côtes cassées. Un des témoins a également déclaré qu’un policier avait pointé une arme contre sa tête tandis qu’il était au sol en demandant « dois-je tirer ? ». Un autre policier lui a répondu « tire ! ». Les témoins ont expliqué que bien qu’ils n’aient pas vu la police tirer, parce qu’ils étaient face à terre, ils ont d’abord entendu une explosion, qu’ils ont interprétée comme étant une grenade assourdissante jetée dans le magasin à quelques mètres de là, suivie immédiatement par des coups de feu provenant d’une ou plusieurs armes automatiques. Quand Amnesty International s’est rendue sur les lieux une semaine plus tard, elle a pu constater que le magasin était criblé de trous provenant de balles compatibles avec ce genre d’armes.
Les deux témoins affirment que la police les a conduits au siège de la police de Diyadin ainsi qu’un des fils qui les accompagnait au moment des faits et deux autres fils arrêtés à la maison. Ils ont déclaré que la police les a interrogés sur leurs liens présumés avec le PKK, ce qu’ils ont rejeté, et qu’ils ont été battus à plusieurs reprises par les policiers en dehors du commissariat et pendant la garde à vue. Ils sont restés en détention préventive pendant trois jours et ont raconté qu’ils étaient menottés, mains derrière le dos, pendant les 36 premières heures, forcés de chanter l’hymne national et battus parce qu’ils ne le connaissaient pas. Une enquête criminelle contre ces cinq personnes pour « aide à une organisation terroriste » est en cours depuis octobre 2015. Ces hommes ont dit avoir porté plainte contre les policiers pour mauvais traitements.
Un membre de la famille, qui ne fut pas détenu par la police, a raconté à Amnesty International, qu’il a vu des policiers retourner sur la scène de la tuerie après minuit, et qu’ils ont enlevé des objets du magasin. Le procureur a déclaré à Amnesty International que la police a prélevé des éléments de preuve, en son absence, mais sur ses instructions. Les autorités ont expliqué qu’un pistolet Glock a été trouvé sur les lieux. Amnesty International a constaté en octobre 2015 que les résultats de tests balistiques sur l’arme retrouvée par la police dans le magasin n’étaient toujours pas connus.
Les familles de Muhammet Aydemir et d’Orhan Arslan réfutent l’idée que leurs fils aient eu une arme ou des liens avec le PKK. Ils accusent les autorités d’avoir exécuté Muhammet Aydemir et Orhan Arslan.
Action terminée