Torture et mort : le lot des détenus syriens
Le rapport d’Amnesty International dénonce les crimes contre l’humanité commis par les forces gouvernementales. Il témoigne du quotidien de milliers de détenus en s’appuyant sur les cas de 65 victimes de torture qui ont décrit les mauvais traitements qui sont infligés et les conditions inhumaines qui règnent dans les locaux gérés par les services de renseignement syriens et dans la prison militaire de Saidnaya, en périphérie de Damas. La majorité d’entre eux ont vu leurs compagnons de cellule mourir en détention, et certaines ont affirmé s’être retrouvées avec des
cadavres dans leur cellule.
À l’occasion du lancement de ce rapport, Amnesty International a noué un partenariat avec une équipe de spécialistes de Forensic Architecture afin de créer une reconstruction 3D virtuelle de Saidnaya (vidéo courte en français ou visite virtuelle complète), prison syrienne de très sinistre réputation. Créée à partir d’outils de modélisation acoustique et architecturale ainsi que des descriptions faites par d’anciens détenus, cette reconstruction vise à illustrer la terreur dans laquelle ils ont vécu au quotidien et leurs conditions de détention impitoyables.
Traités comme des animaux
La plupart des victimes ont confié à Amnesty International qu’elles avaient subi des mauvais traitements dès leur arrestation et pendant les transferts, avant même qu’elles aient mis le pied dans un centre de détention.
À leur arrivée dans un centre de détention, elles ont décrit le rituel de la « fête de bienvenue », passage obligé pour tous les nouveaux détenus qui sont roués de coups, au moyen souvent de barres de fer ou en plastique, ou de câbles électriques.
La torture est une pratique inhérente des forces du gouvernement syrien depuis des décennies. Cependant depuis mars 2011, l’emploi de la torture est devenu massif. Il est estimé qu’environ 17,000 personnes sont mortes lors de leur détention en Syrie (soit, en moyenne, plus de 300 décès par mois depuis mars 2011). Ces chiffres illustrent la barbarie du traitement réservé aux détenus.
Les conditions de détention déplorables dans les locaux des services de renseignement, notamment la surpopulation, la nourriture insuffisante, les soins médicaux limités et l’absence d’installations sanitaires adaptées, constituent un traitement cruel, inhumain et dégradant et sont interdites par le droit international. Comme la plupart des détenus se voyaient refuser l’accès aux soins médicaux, ils n’avaient très souvent d’autre choix que de se soigner les uns les autres, avec du matériel extrêmement rudimentaire, ce qui a contribué à la forte hausse des décès en détention depuis 2011.
La prison militaire de Saidnaya
La torture et les autres mauvais traitements infligés aux prisonniers de Saidnaya semblent s’inscrire dans un effort constant de déshumanisation, de sanction et d’humiliation de ceux-ci. Les personnes qu’a rencontrées Amnesty International ont raconté que les détenus étaient régulièrement battus à mort dans la prison.
Les personnes incarcérées à Saidnaya sont d’abord maintenues pendant plusieurs semaines d’affilée dans des cellules souterraines, sans couverture, alors qu’il y fait très froid en hiver. Elles sont ensuite transférées dans des cellules en surface, où leurs souffrances continuent.
Ces pratiques violent clairement le droit international, ainsi que les dispositions de la résolution 2139 du Conseil de sécurité de l’ONU et constituent souvent des crimes de guerre. Par ailleurs, dans la mesure où elles se déroulent dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique à l’encontre la population civile, ces méthodes s’apparentent également à des crimes contre l’humanité .
Les personnes qui ont survécu à la torture et aux autres mauvais traitements sont, dans leur immense majorité, marquées physiquement et psychologiquement par ce qu’elles ont vécu. La plupart ont fui après leur remise en liberté et sont venues rejoindre les plus de 11 millions de Syriens déplacés dans le monde.
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