Écrire Un nouveau projet de loi menace la société civile

Le 1er mars, le gouvernement du Zimbabwe a publié au Journal officiel un projet de loi de 2024 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, et à interdire le travail de pression politique de la part des organisations non gouvernementales (ONG).

Après le refus du président de signer le projet de loi de 2021 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées et la caducité du projet de loi initial en août 2023, on espérait que le président avait pris en compte les contributions des organisations de la société civile soumises en 2023.

Toutefois, le nouveau projet de loi montre que la plupart des questions soulevées n’ont pas été abordées : des dispositions subsistent qui auront un impact négatif sur l’espace civique et menaceront la pérennité et les activités des organisations de la société civile.

Le Zimbabwe a été inscrit au programme de surveillance du Groupe d’action financière (GAFI) en 2018, des lacunes ayant été relevées au niveau de son cadre politique et juridique. En 2022, le pays a été retiré de la « liste grise » du GAFI. Toutefois, le gouvernement zimbabwéen continue de faire pression pour que le projet de loi portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées soit adopté.

Le 31 août 2021, le gouvernement du Zimbabwe a, par le biais de son Conseil des ministres, approuvé des amendements à ce projet de loi qui ont été proposés par le ministre de la Justice, des Affaires juridiques et des Questions parlementaires. Le projet de modification de cette loi a été accueilli avec beaucoup de scepticisme compte tenu du contexte national actuel et du passé du pays. Les dispositions du projet de loi doivent être interprétées à la lumière du contexte actuel. Globalement, les querelles postélectorales, l’effondrement de l’économie et les difficultés économiques généralisées engendrées par de mauvaises politiques économiques et par les mesures d’austérité ont accru les tensions dans le pays. Les ONG sont accusées à tort d’interférer dans les affaires politiques et d’inciter la population à voter contre le parti au pouvoir.

Le projet de loi de 2021 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées plaçait toutes les organisations enregistrées au titre de diverses lois sous l’autorité d’une seule et même loi ; les dispositions de ce texte montrent qu’il s’agit d’une tentative visant à contrôler et fermer les organisations de la société civile considérées comme « opposées au gouvernement ».

Ce projet de loi visait à limiter les activités des organisations de la société civile et à restreindre leurs droits civils et politiques garantis par la Constitution. Il comporte des dispositions vagues interdisant de soutenir un parti politique ou un·e candidat·e, ou de s’y opposer, mais on ignore ce que signifie exactement soutenir un parti politique ou s’y opposer. La société civile a soumis des propositions par écrit et oralement, notamment une Analyse consolidée réalisée par les organisations de la société civile du projet de la loi sur les organisations bénévoles privées, exposant ses préoccupations à la Commission parlementaire sur les questions juridiques et à la Commission ministérielle sur les services publics, le travail et les services sociaux auprès du Parlement.

Le 11 avril 2022, la société civile a rencontré le ministre de la Justice dans le cadre d’une réunion consultative, et celui-ci s’est adressé au Parlement et a accepté plusieurs amendements. Les amendements proposés, que le ministre du Service public, du Travail et de la Protection sociale a soumis au Parlement sont plus répressifs que les premiers, car ils prévoient de nouvelles sanctions civiles et pénales excessives en cas de non-respect des dispositions de cette loi, ainsi que l’engagement de la responsabilité individuelle des administrateurs·trices, des employé·e·s, des dirigeant·e·s des organisations bénévoles privées, et de toute autre personne participant au contrôle d’une telle organisation, y compris les simples citoyen·ne·s.

En 2022, des organisations de la société civile se sont adressées au président Emmerson Mnangagwa et l’ont interpellé, faisant valoir que ce projet de loi contenait des dispositions non conformes aux normes internationales relatives aux droits humains et à la Constitution, et qu’il entraverait leur travail. Elles ont ajouté que le Zimbabwe disposait d’un régime réglementaire adéquat permettant de veiller à ce que les organisations de la société civile ne servent pas à financer le terrorisme ni à blanchir des capitaux.

En février 2023, le projet de loi a été adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, avant d’être présenté au président pour ratification. Cependant, il ne l’a pas signé et l’a renvoyé au Parlement en exprimant des réserves. En août, il a expiré lorsque le Parlement a été dissout en amont des élections de 2023. En octobre 2023, la proposition de modification de la loi sur les organisations bénévoles privées a été ajoutée à la liste des projets de loi lorsque le président a annoncé l’agenda législatif.

Le projet de loi de 2024 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées a été publié au Journal officiel en mars et a été immédiatement soumis au Parlement pour une première lecture. Le nouveau projet de loi demeure répressif et ne prend pas en compte les préoccupations soulevées par des organisations de la société civile ni les contributions de la population lors des audiences parlementaires publiques organisées dans le cadre du précédent projet de loi de 2021.

J'agis

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Monsieur le Président du Parlement,

Le 1er mars, le gouvernement du Zimbabwe a publié au Journal officiel un projet de loi de 2024 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées, et il a été immédiatement soumis au Parlement pour une première lecture. Aussi je vous écris afin de vous faire part de mon inquiétude quant à ce projet de loi et à ses répercussions sur le travail des organisations non gouvernementales (ONG) et sur les droits à la liberté d’expression et d’association au Zimbabwe.

En novembre 2021, les autorités ont publié pour la première fois au Journal officiel le projet de loi HB 10 de 2021 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées, faisant valoir qu’il avait pour objectif de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, et de veiller à ce que les ONG ne mènent pas de travail de pression politique. Le gouvernement a justifié les modifications apportées à la loi existante relative aux organisations bénévoles privées en expliquant qu’elles mettaient en application les demandes du Groupe d’action financière (GAFI) en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Il est préoccupant que le Parlement ne tienne pas compte des contributions du public lors des auditions publiques parlementaires de 2022, qui ont révélé que beaucoup s’opposaient à l’adoption du projet de loi. En février 2023, le texte a été adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, avant d’être soumis au président pour ratification. Cependant, en septembre 2023, le président aurait refusé de le signer et l’aurait renvoyé devant le Parlement avec des réserves.

S’il est promulgué, le projet de loi de 2024 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées imposera de fortes restrictions au travail essentiel des organisations de la société civile au Zimbabwe. Actuellement, certaines dispositions confèrent des pouvoirs importants au ministre et au Bureau d’enregistrement des ONG, susceptibles d’entraver l’indépendance et les activités des ONG. Ce projet de loi doit être abandonné ou modifié dans le but de le rendre conforme aux obligations du Zimbabwe en matière de droits humains.

Je vous demande de mener une véritable consultation publique et de retirer toutes les dispositions du projet de loi de 2024 portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées qui sapent les droits à la liberté d’association et d’expression, ainsi que le travail des organisations de la société civile.

Je vous demande également de prendre pleinement en considération les recommandations formulées par les organisations de la société civile pendant le processus de consultation. Enfin, les autorités doivent mener une évaluation approfondie des lois promulguées ces cinq dernières années, en vue d’abroger ou de modifier les dispositions qui entrent en contradiction avec la Constitution du Zimbabwe et avec les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels le pays est partie.

Veuillez agréer, Monsieur le Président du Parlement, l’expression de ma haute considération.

VOS APPELS : anglais. Vous pouvez également écrire dans votre propre langue.


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