Élections - Entreprises et droits humains

Amnesty International rend compte des effets dévastateurs des activités des entreprises sur les droits humains depuis plus de 20 ans, de la pollution catastrophique causée par le pétrole dans le Delta du Niger, au travail forcé dans les plantations de palmiers à huile en Indonésie. Onze ans après l’adoption des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme [1], il apparaît clairement que les mesures sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains fondées sur le seul volontariat ne sont pas suffisantes et que les États doivent adopter une législation imposant aux entreprises d’agir pour remédier aux répercussions de leurs activités sur les droits humains et l’environnement.

S’il incombe aux États de respecter et de faire respecter les traités internationaux relatifs aux droits humains, il importe aussi que le monde de l’entreprise puisse développer ses activités tout en respectant les droits humains, sociaux et environnementaux.
La création d’un cadre juridiquement contraignant sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains se discute actuellement à trois niveaux : aux Nations unies, à l’Union européenne et en Belgique.

Projet de traité en discussion aux Nations unies

Il s’agit d’un projet d’instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits humains [2]. Ce projet de traité s’inspire des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Recommandation d’Amnesty International sur le projet de traité relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme

La Belgique doit se montrer active et ambitieuse pour que le traité soit en adéquation avec les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (directive CSDD)

La proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de droits humains et de durabilité est l’occasion pour les responsables de l’élaboration des politiques de l’Union européenne d’adopter des obligations contraignantes novatrices obligeant les entreprises opérant dans l’Union européenne à prendre en compte les risques et les impacts en matière de droits humains et d’environnement [3].
Si elle est adoptée, cette directive pourrait ouvrir des voies de recours pour les victimes qui ont du mal à obtenir justice pour les préjudices qu’elles ont subis suite aux activités d’une entreprise. Les victimes pourraient empêcher les entreprises de tirer profit des atteintes aux droits humains causées par leurs activités ou leurs relations commerciales et elles pourraient empêcher les entreprises de vendre des produits qui sont ensuite utilisés d’une manière préjudiciable aux personnes et à la planète.

Au mois de mai 2023, Amnesty International rendait public un rapport consacré au projet de directive de l’Union européenne [4]. Ce rapport présente les lacunes à combler et les recommandations à mettre en œuvre pour que la directive soit réellement un outil utile et ambitieux.

Après le vote au Parlement européen au mois de juin 2023, Amnesty International et d’autres organisations de la société civile ont pris une part active autour du processus de trilogue pour faire entendre leurs voix et obtenir une directive suffisamment ambitieuse.

Si la directive est adoptée, Amnesty International demande que sa transposition dans le droit belge se fasse en suivant les critères les plus exigeants.

Recommandations d’Amnesty International sur la proposition de directive CSDD

  • Sur le champ d’application : les entreprises doivent évaluer les risques et les impacts en matière de droits humains en utilisant une approche basée sur le risque. Le principe de diligence raisonnable doit s’appliquer au regard de l’ensemble des traités des Nations unies relatifs aux droits humains, aux instruments de l’OIT et au droit international humanitaire. La définition de "l’impact négatif sur les droits humains" et l’annexe limitée du texte final réduisent la portée des droits humains que les entreprises devront évaluer et traiter. Lors de la transposition, les États devraient supprimer les conditions problématiques et exiger des entreprises qu’elles examinent toutes les incidences négatives potentielles et réelles sur les droits humains.
  • Climat et environnement : les impacts environnementaux doivent être définis de manière large et inclure les impacts sur le climat et la biodiversité.
  • Champ d’application de la chaîne de valeur : les entreprises doivent examiner leurs propres opérations et l’ensemble de la chaîne de valeur dans le développement, la distribution et l’utilisation d’un produit ou d’un service. L’ensemble de la chaîne de valeur, y compris la partie en aval, doit être incluse lors de la transposition.
  • Programmes sectoriels et audits par des tiers : ils peuvent constituer des outils utiles pour les entreprises lorsqu’elles procèdent à des contrôles préalables en matière de droits humains et de l’environnement. Mais les entreprises doivent rester individuellement responsables de leur devoir de diligence.
  • Champ d’application de l’entreprise et du secteur : toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, sont concernées par le devoir de vigilance. Le secteur financier et les produits soumis à un contrôle des exportations (tels que les armements) ne peuvent pas y échapper.
  • Inclusion des armes et des articles à double usage : supprimer l’exemption pour les produits soumis au contrôle des exportations une fois que l’exportation a été approuvée.
  • Augmentation du nombre d’entreprises et de secteurs concernés : le champ d’application final couvre les entreprises de plus de 500 employés et de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires mondial. Il faut réduire ces chiffres afin d’élargir le champ d’application à un plus grand nombre d’entreprises.
  • Inclusion du secteur financier : dans la directive finale, les institutions financières ne devront faire preuve de diligence raisonnable que pour la partie amont de leur chaîne d’approvisionnement, mais pas pour leurs investissements. Mais lors de la transposition, les pays pourraient être en mesure d’étendre l’obligation de sorte que les acteurs financiers soient également tenus de faire preuve de diligence raisonnable en aval.
  • Engagement des parties prenantes et consentement libre, préalable et éclairé : les entreprises doivent s’engager de manière significative avec les détenteurs et détentrices de droits réellement et potentiellement affecté·es et respecter les droits des peuples autochtones.
  • Justice raciale, de genre et intersectionnelle : les entreprises doivent prendre en compte le contexte historique et intersectionnel des impacts potentiels ou réels sur les droits humains et adopter une perspective intersectionnelle, y compris la justice raciale et la justice de genre. Les références au genre dans le texte final sont minimes. Lors de la transposition, il conviendrait d’inclure une référence à la diligence raisonnable sensible au genre, conformément aux "Dimensions de genre des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains", ainsi qu’une référence à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW).
  • Accès à la justice : les États doivent veiller à ce que les voies de recours soient accessibles aux victimes de préjudices causés par les entreprises. Les États doivent s’attaquer aux obstacles comme, par exemple, le manque d’accès à l’information ou aux moyens financiers nécessaires pour établir les faits et les recours aux expert·es.
  • L’organisme public qui sera chargé de vérifier si les entreprises respectent leurs obligations doit être doté de moyens appropriés.

Proposition de loi en Belgique

La Belgique dispose, depuis 2017, d’un Plan d’action national (PAN) “Entreprises et Droits de l’homme” [5]. Depuis lors, tout en soulignant de nombreux aspects positifs de ce plan, la société civile a regretté l’absence d’engagement de la Belgique pour créer un cadre juridique légal sur la responsabilité des entreprises.
Au début de l’année 2022, l’Institut fédéral pour le Développement durable et le SPF Affaires étrangères ont débuté les travaux portant sur l’élaboration du deuxième PAN.

En octobre 2020, une coalition d’organisations de la société civile belge a publié un mémorandum appelant à l’instauration de cet instrument et proposant des fondements pour une loi belge sur le devoir de vigilance [6].

Sous la législature actuelle, des député·es ont déposé une proposition de loi à la Chambre des représentants [7]. Elle a fait l’objet de diverses auditions mais ne semble pas bénéficier de l’appui politique lui permettant d’être adoptée.

Recommandation d’Amnesty International pour une proposition de loi en Belgique sur les entreprises et les Droits de l’homme

Une proposition de loi ambitieuse doit être votée, sauf si la directive européenne est adoptée et que la loi de mise en œuvre dans le droit belge est suffisamment ambitieuse et conforme aux recommandations énoncées ci-dessus.

Fiche revue à la date du 2 février 2024

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