Accord d’association UE-Israël : lettre ouverte au gouvernement belge

Le 15 juillet, le respect par Israël de l’article 2 de l’Accord d’association UE-Israël, soit sa clause des droits humains, sera à nouveau discutée au Conseil des Affaires étrangères de l’UE. À cette occasion, 32 ONG, syndicats et organisations de solidarité demandent à la Belgique de soutenir la suspension de l’Accord d’association, seule conséquence possible au vu des violations massives du droit international humanitaire et des droits humains commises par Israël. Elles insistent également sur le fait que la Belgique ne peut se cacher derrière l’absence de consensus européen et doit elle-même prendre des mesures pour respecter le droit international.

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le ministre des Affaires étrangères,

Messieurs les Vice-Premiers ministres,

En Palestine, toutes les lignes rouges sont dépassées depuis longtemps.

La Belgique et l’Union européenne doivent prendre des mesures concrètes pour retracer une ligne rouge catégorique face aux violations massives du droit international par Israël.

Au Conseil des Affaires étrangères du 20 mai, la Belgique a soutenu l’examen du respect par Israël de l’article 2 de l’Accord d’association. Les résultats de cet examen ont été fuité dans la presse et sont sans appel : Israël viole massivement le droit international en imposant un blocus illégal sur la bande de Gaza, en y tuant les civils de manière indiscriminée, en y attaquant les hôpitaux et les infrastructures de santé, en y déplaçant la population de force, en y attaquant les journalistes. En Cisjordanie, l’expansion de la colonisation israélienne et de la violence des colons qui l’accompagne, ainsi que la politique de détention de masse accompagnée de traitement inhumains et dégradants et d’actes de torture sont d’autres violations massives du droit international humanitaire et des droits humains commises par Israël.

Face à ce constat limpide, une seule suite est possible, l’UE doit suspendre son Accord d’association avec Israël.

Les résultats du Conseil des Affaires étrangères du 23 juin ne sont pas acceptables. La Haute représentante a annoncé qu’elle adresserait à Israël les résultats de l’examen. Elle a précisé que le débat sur le sujet ne faisait que commencer.

Vu l’urgence de la situation, il n’est plus acceptable de se limiter au dialogue avec Israël. Le Conseil d’association du 24 février dernier a montré les limites de ce dialogue. Israël n’a en effet apporté de réponses à aucun des points soulevés par l’UE lors de cette rencontre (cessez-le-feu, respect du droit international, protection des populations civiles, accès humanitaire, arrêt de l’expansion de la colonisation en Cisjordanie et Jérusalem-Est e.a). Au contraire, Israël a depuis lors fait exactement l’inverse de ce que l’Union européenne demandait (y compris l’imposition d’un blocus total le 2 mars 2025 et la rupture unilatérale du cessez-le-feu le 18 mars 2025). La principale leçon du Conseil d’association UE-Israël est donc claire : seules des mesures concrètes comme la suspension de l’Accord d’association peuvent amener Israël à respecter le droit international.

Le prochain Conseil des Affaires étrangères de l’UE aura lieu le 15 juillet. Nous appelons le gouvernement belge à y défendre la suspension de l’Accord d’association, et à convaincre les autres Etats membres de la suivre dans ce sens.

Si même une majorité qualifiée nécessaire à la suspension du volet commercial de l’Accord d’association ne peut être atteinte, la Belgique ne peut rester sans rien faire.

La Belgique est elle-même responsable du respect de ses obligations en vertu du droit international, qui ne sont pas diminuées par son appartenance à l’Union européenne ni par les procédures de vote internes des institutions de l’UE. Ces obligations imposent notamment à la Belgique de faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas contribuer aux graves violations du droit international commises par Israël, y compris l’occupation illégale et la colonisation du territoire palestinien. Comme l’ont souligné de nombreux experts juridiques internationaux, dont la Société belge de droit international, la poursuite de l’inaction pourrait également exposer l’État belge à une responsabilité juridique.

Si la Belgique décidait de respecter ses obligations malgré la paralysie de l’UE, elle ne serait pas seule. Plusieurs États membres de l’UE ont déjà fait part de leur volonté d’agir indépendamment du consensus européen sur cette question. En particulier, le ministre irlandais des affaires étrangères, Simon Harris, a annoncé que l’Irlande proposait une interdiction nationale des produits provenant des colonies israéliennes, exprimant l’espoir que cette mesure encouragerait d’autres pays à faire de même.

Les organisations listées ci-dessous saluent l’initiative belge d’écrire à la Haute Représentante Kallas pour lui demander d’aligner la politique commerciale de l’UE sur ses obligations en matière de droit international, comme indiqué dans l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (19 juillet 2024). Cette initiative doit toutefois déboucher sur des résultats concrets à court terme. Et, parallèlement à cette action au niveau européen, la Belgique doit elle-même respecter l’avis de la CIJ, en mettant en œuvre une interdiction nationale du commerce avec les colonies israéliennes, obligation a minima qui en découle.

Si 110.000 Belges ont marché dans les rues de Bruxelles le 15 juin dernier c’est pour dénoncer le génocide en cours à Gaza, le nettoyage ethnique à grande échelle en Cisjordanie et Jérusalem-Est, ainsi que l’absence d’action internationale décisive.

Outre le peuple palestinien, c’est aujourd’hui le droit international qui est en danger. La Belgique a aujourd’hui l’obligation de réaffirmer ce cadre de manière claire pour protéger les Palestiniens et les Palestiniennes, mais aussi pour nous protéger nous, citoyens et citoyennes belges. Un monde sans lignes rouges, est un monde dangereux pour toutes et tous.

Signataires

1. Arnaud Zacharie, secrétaire général CNCD-11.11.11
2. Els Hertogen, directrice 11.11.11
3. Axelle Fisher, secrétaire générale Entraide & Fraternité
4. Pierre Galand, président Association Belgo-Palestinienne
5. Lieve Herijgers, directrice Broederlijk Delen
6. Veronique Wemaere, directrice ONG Solsoc
7. Thierry Bodson, président FGTB
8. Bert Engelaar, secrétaire général FGTB
9. Eitan Bronstein, directeur De-Colonizer
10. Monia Gandibleux, coordinatrice générale Ambassadeurs
11. Sarah de Liamchine, co-directrice Mouvement Présence et Action Culturelles
12. Fanny Polet, directrice Viva Salud
13. Carmen Claessen, porte-parole Antwerp for Palestine
14. Annuschka Vandewalle - Secrétaire générale FOS
15. Louay Odeh, membre du conseil d’administration Beitna
16. Orry Van de Wauwer, directeur Pax Christi Flanders,
17. Marie-Helène Ska, secrétaire générale CSC
18. Ann Vermorgen, présidente CSC
19. Mohamed Iqtifan, secrétaire Gaza Group - GCDG
20. Werner Van Heetvelde, président La Centrale Générale-FGTB
21. Henri Goldman, membre du conseil d’administration Union des progressistes juifs de Belgique
22. Ludo De Brabander, porte-parole Vrede vzw
23. Ansje Vanbeselaere, présidente Intal
24. Myriam Vandecan, présidente Palestina Solidariteit
25. Claire Delstanche, co-coordinatrice de DiEM25 Belgique
26. Louma Albik, directrice SB Overseas
27. Nozomi Takahashi, présidente BA4P/BACBI
28. Julie Hendrickx Devos, présidente générale Beweging
29. Ariane Estenne, présidente MOC
30. Lichen Ullmann, coordinateurice Vredesactie
31. Eva Smets, directrice Oxfam Belgium
32. Luc Van Haute, directeur général Caritas International
33. Carine Thibaut, directrice Amnesty International Belgique francophone
34. Wies De Graeve, directeur Amnesty International Vlaanderen

Cette lettre a été publiée le 8 juillet sur le site du Soir [1]

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