« Depuis deux ans, notre gouvernement fait le choix de ne pas donner aux personnes demandeuses d’asile les abris et les services de base auxquels elles ont droit. Ces personnes qui sont arrivées en Belgique avec l’espoir d’y trouver une protection sont ainsi contraintes de survivre dans la rue pendant des mois et se retrouvent de fait dans des situations qui portent gravement atteinte à leur dignité et à leurs droits humains. Alors même que l’hiver et ses rudes conditions climatiques se rapprochent, ce sont environ 2 600 personnes, pour la plupart des hommes seuls, qui sont actuellement toujours en attente d’un accueil digne », explique Carine Thibaut, directrice de la section belge francophone d’Amnesty International.
Un mépris de l’État de droit
Plus de 8 000 décisions de justice ont mis en évidence le fait que les autorités belges avaient manqué à leur obligation de fournir une aide nécessaire et adéquate aux personnes demandeuses d’asile.
« Non content de bafouer les droits des personnes demandeuses d’asile, notre gouvernement fait également preuve d’un mépris choquant vis-à-vis de l’État de droit en ne donnant aucune suite significative aux décisions de justice qui le concernent directement. C’est très inquiétant », indique Carine Thibaut.
Bien que le gouvernement ait pris certaines mesures pour augmenter les capacités d’accueil du pays, celles-ci demeurent insuffisantes et leur mise en œuvre est lente. Par ailleurs, l’absence de volonté politique d’apporter des réponses à une situation pourtant prévisible et somme toute gérable a conduit à une crise que les autorités belges ont finalement elles-mêmes produite.
Une « action urgente » internationale
Il est très rare que la Belgique soit la cible d’une « action urgente » menée par Amnesty International, le dernier cas remontant à 2006. Faisant partie intégrante des instruments de l’organisation, une « action urgente » se déploie à l’échelle internationale en cas de problème urgent nécessitant une solution à mettre en œuvre au plus vite.
« La situation à laquelle nous assistons est particulièrement grave et cette crise de l’accueil doit être résolue sans attendre par l’actuel gouvernement fédéral », insiste Carine Thibaut.
Des solutions existent
Amnesty International rappelle que de nombreuses solutions, viables et pragmatiques, ont été proposées à plusieurs reprises par la société civile pour remédier à cette situation dramatique, au minimum à court terme.
Parmi ces solutions, l’activation du plan de répartition, un mécanisme inscrit dans la loi en 2016, apparaît comme particulièrement évident. En effet, lorsque des places viennent à manquer, ce plan impose aux communes de créer la capacité d’accueil nécessaire, et ce, sur base de critères garantissant une répartition équilibrée. Du reste, Amnesty International considère qu’il est essentiel que, dans ce cadre, le gouvernement fédéral apporte aux communes tout le soutien nécessaire.
« C’est justement pour faire face à la situation à laquelle notre pays est confronté, à savoir un nombre de demandeur·euses d’asile excédant nettement les capacités d’accueil, que ce plan a été mis en place. Alors que cette crise dure maintenant depuis plus de deux ans, rien ne peut justifier le fait que l’activation de ce plan demeure “tabou”. Pour résoudre ce problème, il ne faut rien d’autre que du courage politique et un soutien adéquat aux autorités locales », précise Carine Thibaut.
« Par ailleurs, la Belgique assurera bientôt la présidence du Conseil de l’Union européenne ; sa crédibilité en ce qui concerne le respect des valeurs dont l’UE se réclame et des droits humains risque dans ce contexte d’être sérieusement entamée. Il n’est pas trop tard pour redresser la barre, mais, pour cela, notre gouvernement doit agir de manière décisive dès maintenant », conclut Carine Thibaut.
Complément d’information
Amnesty International a publié en octobre dernier une déclaration publique mettant en évidence le fait que l’État belge ne cesse de fouler au pied ses obligations internationales en matière de droits humains et demandant notamment que des mesures urgentes soient prises afin de mettre un terme à la crise de l’accueil générée par les autorités belges elles-mêmes.