Zaman Sultani, spécialiste de l’Asie du Sud à Amnesty International, a déclaré :
« Amnesty International demande une enquête efficace et transparente sur les accusations portées contre les Forces spéciales du Royaume-Uni en Afghanistan, qui permette de rendre justice aux victimes et amène les responsables présumés à rendre des comptes. »
« Les conclusions de la BBC sont très choquantes, et rendent clairement compte d’un degré alarmant d’impunité et d’absence d’obligation de rendre des comptes parmi les soldats déployés par le Royaume-Uni en Afghanistan. Le reportage de la BBC décrit des homicides illégaux, et notamment l’homicide délibéré de personnes après leur arrestation, le ciblage de civil·e·s et la fabrication de preuves dans le but de justifier le meurtre d’hommes non armés, qui semblent indiquer que des crimes de guerre ont pu être commis. La suggestion selon laquelle une tentative d’étouffer l’affaire au plus haut niveau a eu lieu ne fait qu’exacerber le sentiment d’indignation qu’elle suscite, et semble dénoter une certaine réticence de la part du Royaume-Uni à diligenter des enquêtes indépendantes et efficaces sur ces allégations. »
« Le Royaume-Uni est tenu d’ouvrir en urgence des enquêtes sur toutes les allégations de crimes de guerre impliquant ses forces spéciales, et tous les ressortissants du Royaume-Uni qui sont soupçonnés d’avoir une responsabilité pénale individuelle dans ces affaires doivent être traduits en justice devant les tribunaux de leur pays. Si le Royaume-Uni n’est pas disposé à saisir les tribunaux concernant les agissements de sa propre armée, comme il l’a montré de manière déshonorante au sujet des crimes de guerre commis par ses forces en Irak, la Cour pénale internationale doit le faire. »
« La CPI a également ouvert une enquête en Afghanistan, et le procureur doit se pencher en urgence, sans crainte ni parti pris, sur les allégations selon lesquelles des crimes de guerre ont été commis par toutes les parties au conflit. Cependant, malgré des récits déchirants de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés en Afghanistan par des soldats occidentaux, notamment des États-Unis, la CPI n’a ouvert aucune enquête autre que sur les talibans - ce qui lui a valu des accusations de partialité dans sa démarche. »
Cette affaire souligne à quel point il serait préjudiciable de tenter de supprimer les protections des droits humains et de soustraire les soldats déployés à l’étranger à l’obligation de rendre des comptes. Le gouvernement du Royaume-Uni doit tourner le dos à la proposition répréhensible envisageant le remplacement de la Loi relative aux droits humains, avant que des dégâts supplémentaires ne se produisent.
Complément d’information
Le 12 juillet 2022, la BBC a publié un reportage sur une enquête relative au rôle joué par des membres des Services spéciaux de l’armée de l’air (SAS) en Afghanistan, qui auraient tué à plusieurs reprises des détenus et des hommes non armés dans des circonstances suspectes. Les reportages indiquent qu’il est possible que l’unité en question ait illégalement tué 54 personnes sur une période de service de six mois.
L’armée du Royaume-Uni ainsi que d’autres forces internationales se trouvaient en Afghanistan depuis 2001, et ont mené des opérations contre les talibans pendant plus de 10 ans. Les talibans ont pris Kaboul le 15 août 2021, le président afghan a fui le pays et les dernières forces internationales avaient quitté l’Afghanistan à la fin août. Les talibans contrôlent désormais l’Afghanistan.
Depuis 2003, l’Afghanistan est un État membre de la Cour pénale internationale, ce qui confère à la Cour la compétence requise pour enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, et les génocides commis sur le territoire afghan ou par des Afghans. Le Royaume-Uni a ratifié en 2001 le Statut de Rome, en vertu duquel à la CPI est compétente depuis 2002 à l’égard des ressortissants du Royaume-Uni et sur le territoire de ce pays.