Amnesty International a publié le 25 janvier 2024 un document intitulé The Cost of Doing Business ? The Petrochemical Industry’s Toxic Pollution in the USA, qui expose les terribles préjudices liés à la pollution toxique émanant des centaines d’usines de combustibles fossiles et de pétrochimie installées le long du chenal maritime de Houston, au Texas. Ce rapport examine de près les bilans en termes d’émissions et de sécurité de quatre usines appartenant à des multinationales.
Human Rights Watch a publié un document intitulé “We’re Dying Here” : The Fight For Life in a Louisiana Fossil Fuel Sacrifice [1], qui traite de la crise sanitaire à « Cancer Alley » (l’« Allée du cancer ») en Louisiane : conséquence de la négligence du gouvernement et de la pollution environnementale, les habitant·e·s sont exposés à des risques élevés de cancer et de maladies respiratoires, tandis que la santé en matière de procréation et la santé des mères et des nouveau-nés sont mises en péril.
« La vie des gens et l’environnement sont dévastés par ces grandes entreprises. La grande majorité des populations touchées sont à faible revenu et racisées, ont peu accès aux soins de santé dont elles ont besoin et se heurtent à des obstacles quasi insurmontables pour obtenir justice. Il s’agit de racisme environnemental », a déclaré Alysha Khambay, chercheuse au sein de l’équipe Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International.
« Nous sommes touchés, ma famille et moi, tous les jours. Il y a toujours des odeurs dans l’air, chaque fois que vous sortez un peu dehors »
Selon le témoignage de la plupart des personnes interrogées, ont été diagnostiquées chez elles, ou chez un de leurs proches, une maladie respiratoire – cancer du poumon et asthme notamment – ou des difficultés respiratoires fréquentes. Ces résultats concordent avec les recherches universitaires portant sur les effets sur la santé de la proximité d’industries pétrochimiques. L’espérance de vie moyenne des populations vivant le long du chenal maritime de Houston, au Texas, est jusqu’à 20 ans inférieure à celle des quartiers à majorité blanche situés à seulement 25 kilomètres de là.
« Nous sommes touchés, ma famille et moi, tous les jours. Il y a toujours des odeurs dans l’air, chaque fois que vous sortez un peu dehors », a raconté Alondra Torres, une habitante.
Au Texas, les entreprises peuvent échapper aux amendes réglementaires si elles déclarent qu’une fuite était « imprévue et inévitable ». Lorsqu’amende il y a, l’argent récolté est parfois redirigé vers des programmes en faveur de l’industrie. En outre, il est légal pour l’autorité publique de régulation d’ignorer les plaintes pour pollution déposées par des membres de la population s’ils ont déjà déclaré avoir été impactés par la pollution. En raison de la forte concentration des installations, il est difficile de déterminer précisément quelle usine est à l’origine d’une fuite ou la cause d’une maladie.
« Les violations des droits humains liées à l’industrie pétrochimique dans le monde sont souvent d’une nocivité extrême. Il faut que cela change – et c’est possible. »
Dans le pire des scénarios, une fuite de produits toxiques pourrait toucher des dizaines de milliers de personnes. Pourtant, malgré les fuites et les incendies majeurs survenus ces dernières années, aucun système d’alerte d’urgence efficace n’est en place pour prévenir les habitant·e·s.
« Les réglementations sont rarement appliquées, et de nombreuses entreprises concernées semblent considérer les amendes imposées par les autorités de régulation, lorsqu’elles en reçoivent, comme un simple coût supplémentaire de l’activité. Certaines usines exposent de manière répétée les populations locales à des produits chimiques dangereux sans les avertir dûment, voire sans les avertir du tout, a déclaré Alysha Khambay.
« Il n’existe pas de réglementation dissuasive efficace pour empêcher ces entreprises de nuire aux habitant·e·s, ce qu’elles font en quasi-impunité. Le système actuel penche en faveur des entreprises et non des personnes auxquelles elles portent préjudice. Les violations des droits humains liées à l’industrie pétrochimique dans le monde sont souvent d’une nocivité extrême. Il faut que cela change – et c’est possible. »
Dans son rapport, Amnesty International préconise d’améliorer fortement la surveillance de la pollution au niveau des bordures, de multiplier les inspections réglementaires et les mesures d’application, et de demander à l’agence fédérale de protection de l’environnement d’exercer plus fréquemment ses pouvoirs en vue de faire appliquer les lois nationales au Texas et de sanctionner les pollueurs. Enfin, les populations locales doivent bénéficier de voies de recours et de réparations pour les préjudices subis, y compris de fonds pour les soins de santé.