Libye, Le nouveau gouvernement doit accorder la priorité aux droits humains

Libye Impunité

Le gouvernement d’union nationale nouvellement mis en place en Libye doit faire face à la crise des droits humains en cours dans le pays, mettre fin au cycle de l’impunité et rétablir l’état de droit.

Depuis son entrée en fonction à la mi-mars, le gouvernement d’union nationale a dû relever d’immenses défis en vue de réunifier les institutions d’un pays profondément divisé et déchiré par les conflits. Amnesty International lui a adressé un courrier [1] en soulignant les domaines clés auxquels ce nouveau gouvernement doit s’attaquer de toute urgence. Parmi les priorités figure le contrôle des milices et des groupes armés, qui sont responsables d’enlèvements, de détentions arbitraires, d’actes de torture, de disparitions forcées, de déplacements forcés, de pillages ainsi que d’autres crimes.

« Cela fait dix ans, depuis la chute en 2011 du régime répressif de Mouammar Kadhafi, qui a été au pouvoir pendant 42 ans, que la population civile est en proie aux conflits armés et à l’anarchie en Libye. Le quotidien des populations a été ravagé par les agissements de milices et de groupes armés rivaux qui se livrent à des crimes de guerre et à des exactions en toute impunité. La mise en place du gouvernement d’union nationale est l’occasion de redéfinir l’agenda politique du gouvernement et de placer les droits humains au cœur de son programme, afin de commencer à panser les plaies d’un pays marqué par une décennie de bain de sang, de chaos et d’atteintes aux droits humains », a déclaré Diana Eltahawy, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

Le gouvernement d’union nationale a du mal à exercer un contrôle total sur le pays, qui est dirigé depuis de nombreuses années par des groupes armés et des milices qui n’ont pas à rendre de comptes, et dans lesquels des combattants étrangers soutenus par la Turquie, la Russie et les Émirats arabes unis continuent d’opérer. Les Forces armées arabes libyennes (FAAL), un groupe armé contrôlant la majeure partie de l’est de la Libye, ont affirmé dans une déclaration [2] le 27 avril qu’elles n’étaient pas tenues de répondre au gouvernement d’union nationale, après l’annulation d’un voyage prévu du Premier ministre à Benghazi.

Il est très inquiétant d’apprendre que le ministre libyen des Affaires étrangères a déclaré à des parlementaires italiens réunis à Rome le 23 avril que le gouvernement libyen réfléchissait à accorder des amnisties à des chefs de milices et de groupes armés.

« Cela fait dix ans, depuis la chute en 2011 du régime répressif de Mouammar Kadhafi, qui a été au pouvoir pendant 42 ans, que la population civile est en proie aux conflits armés et à l’anarchie en Libye »

« Les gouvernements successifs ont cherché à amadouer les milices qui sont puissantes et incontrôlées, et à s’assurer de leur loyauté en les couvrant de louanges et en leur offrant des postes de haut niveau et une légitimité. La même erreur ne doit pas se répéter. L’amnistie pour des crimes de guerre et d’autres crimes de droit international est contraire au droit international et ne ferait que renforcer de tels protagonistes et consolider leur emprise sur le pays », a ajouté Diana Eltahawy.

« Toute tentative d’intégration de membres de milices ou de groupes armés doit s’accompagner d’un processus de vérification des individus qui soit rigoureux et approfondi. Les personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre ou des atteintes graves aux droits humains doivent être écartées des postes de pouvoir ou de responsabilité, dans l’attente d’une enquête judiciaire et de poursuites pénales. »

Dans son courrier, Amnesty International a également demandé au gouvernement d’union nationale, qui est chargé de préparer le terrain pour les élections présidentielles et parlementaires prévues pour le 24 décembre 2021, de garantir la non-discrimination et l’égalité des droits de participation à la vie politique et publique pour toute la population libyenne et de défendre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

« Le gouvernement d’union nationale doit veiller à ce que les groupes qui ont longtemps souffert de marginalisation et de discrimination profonde, notamment les femmes, les minorités ethniques et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, puissent participer de manière significative à la vie politique et publique et soient protégés de la violence, de la contrainte et de l’intimidation des groupes armés et des milices », a déclaré Diana Eltahawy.

Dans son programme de défense des droits humains pour la Libye composé de neuf points, Amnesty International a appelé le gouvernement d’union nationale à :

  • mettre au pas les milices et les groupes armés, et lutter contre l’impunité ;
  • coopérer avec des mécanismes des Nations unies, tels que la mission d’établissement des faits chargée d’enquêter sur les violations des droits humains ;
  • mettre fin aux détentions arbitraires, aux disparitions forcées, aux actes de torture et aux procès inéquitables ;
  • respecter et protéger le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ;
  • protéger les droits des migrants et des réfugiés ;
  • prendre des mesures pour faciliter le retour chez elles des personnes déplacées à l’intérieur du pays ;
  • combattre toutes les formes de violence sexuelle et les autres violences et discriminations liées au genre ;
  • prendre des mesures pour assurer une égalité d’accès à des soins de santé satisfaisants ;
  • prendre des mesures pour abolir la peine de mort.

La communauté internationale a également un rôle essentiel à jouer en respectant et en appliquant l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies, en veillant au retrait de tous les combattants étrangers de Libye et en soutenant les efforts visant à instaurer l’obligation de rendre des comptes, notamment par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale et de la mission d’établissement des faits des Nations unies.

Au moment de la publication de ce communiqué, Amnesty International n’avait pas reçu de réponse au courrier adressé au gouvernement d’union nationale.

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