Malaisie, Il faut renoncer à infliger la peine de bastonnade à des réfugiés rohingyas

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Les autorités malaisiennes doivent immédiatement renoncer à infliger une peine de bastonnade à une vingtaine d’hommes rohingyas, punis uniquement pour avoir tenté de se mettre en lieu sûr. Le gouvernement doit aussi libérer tous les autres réfugié·e·s rohingyas incarcérés – y compris les femmes et les enfants – qui sont illégalement pris pour cibles, déclarés coupables et emprisonnés pour des « infractions à la législation sur l’immigration », ce qui va à l’encontre du droit international.

Un tribunal malaisien aura la possibilité d’annuler la peine de bastonnade prononcée contre ces Rohingyas dans les prochains jours. Ces hommes, autorisés à débarquer en avril en compagnie de centaines de personnes se trouvant à bord d’un navire au large des côtes de la Malaisie, comptent parmi 31 Rohingyas déclarés coupables en juin d’« infractions » au titre de la Loi de 1959/63 sur l’immigration. Les 31 hommes ont été condamnés à sept mois de prison, et une vingtaine d’entre eux à trois coups de canne également.

« Cette punition consistant à frapper violemment des réfugiés rohingyas est cruelle et inhumaine, mais aussi illégale au regard des normes internationales. Infliger un châtiment aussi violent que la bastonnade s’apparente à de la torture, a déclaré Rachel Chhoa-Howard, chercheuse sur la Malaisie à Amnesty International.

« Ces hommes encourent de violentes flagellations et des peines de prison, alors qu’ils ont fui les persécutions et les crimes contre l’humanité perpétrés au Myanmar, et survécu à un dangereux périple en mer pour se réfugier en Malaisie. Cette mesure est totalement inhumaine. »

« Le gouvernement devrait protéger les droits de tous les réfugié·e·s en quête de sécurité : il s’agit d’une obligation qui incombe à tous les États en vertu du droit international »

En outre, neuf femmes ont été condamnées à sept mois de prison pour des charges analogues d’entrée et de séjour en Malaisie sans permis de travail valide. Quatorze mineur·e·s ont été inculpés et encourent eux aussi des peines de prison. La loi malaisienne sur l’immigration prévoit six coups de bâton, des amendes et une peine maximale de cinq ans de prison pour les personnes dont on considère qu’elles séjournent clandestinement dans le pays. D’après ce que sait Amnesty International, les centaines de personnes qui ont débarqué du navire en question sont actuellement détenues dans des centres pour migrants.

Entrer ou séjourner dans un pays illégalement – en d’autres termes, sans la permission du gouvernement – ne devrait jamais être considéré comme une infraction pénale. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, le fait d’ériger en infraction l’entrée illégale dans un pays va au-delà de l’intérêt légitime qu’ont les États à réguler les flux migratoires sur leurs territoires. En outre, chacun·e, quelle que soit sa situation au regard de la législation sur l’immigration, jouit du droit à la liberté et nul·le ne doit être soumis à une arrestation ou une détention arbitraire. En particulier, les mineur·e·s ne doivent en aucune circonstance être détenus pour des motifs liés uniquement à l’immigration, car on ne peut invoquer leur intérêt supérieur à cet égard.

« Les autorités malaisiennes semblent déterminées à faire un exemple de ces réfugiés. Elles doivent annuler ces châtiments odieux, notamment la bastonnade, et les libérer immédiatement, a déclaré Rachel Chhoa-Howard.

« Le gouvernement devrait protéger les droits de tous les réfugié·e·s en quête de sécurité : il s’agit d’une obligation qui incombe à tous les États en vertu du droit international. S’il s’abstient, la communauté internationale, et en premier lieu l’ONU, doit le réprimander pour le traitement auquel il soumet les Rohingyas. »

La Malaisie se vante d’avoir repoussé des embarcations de réfugié·e·s lors d’opérations très militarisées. En juin, Amnesty International et d’autres ont reçu des informations selon lesquelles le gouvernement envisageait de renvoyer vers le large un autre navire transportant des réfugiés rohingyas, en les faisant remonter à bord du vaisseau dans lequel ils étaient arrivés. Le 14 juillet 2020, répondant à une question parlementaire, le Premier ministre Muhyiddin Yassin a déclaré que ce plan ne serait pas mis à execution.

« Le gouvernement de Malaisie doit cesser de maltraiter les réfugié·e·s rohingyas, doit leur offrir une protection en ces temps difficiles et les traiter avec un minimum d’humanité, a déclaré Rachel Chhoa-Howard.

« Les gouvernements des autres États de l’ANASE (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) doivent intervenir et adopter le partage des responsabilités afin de sauver des vies en mer – d’autant que des centaines de réfugié·e·s rohingyas se trouveraient en pleine mer, risquant la famine et la mort après plusieurs mois passés à chercher un lieu sûr. »

Complément d’information

Depuis le début de l’année 2020, on dénombre jusqu’à 1 400 Rohingyas bloqués sur des navires en mer d’Andaman et dans le Golfe du Bengale. Ils ont entrepris un périple extrêmement dangereux pour fuir les persécutions au Myanmar et la dure vie dans les camps de réfugiés au Bangladesh.

En avril, les autorités malaisiennes ont autorisé 202 Rohingyas à débarquer d’un bateau dérivant au large de l’île de Langkawi. D’autres navires ont été repoussés au large par les garde-côtes et l’armée, et sont retournés au Bangladesh. Là, les passagers ont débarqué et ont pour la plupart été placés en détention sur l’île de Bhashan Char, dans le Golfe du Bengale, avec des possibilités restreintes de communiquer avec leur famille et un accès restreint aux services humanitaires et de protection. De telles conditions s’apparentent à une détention arbitraire.

Début juin, les autorités malaisiennes ont autorisé un second bateau transportant 269 Rohingyas à accoster, son moteur étant endommagé. De nombreuses personnes seraient mortes lors de cette traversée, notamment une femme dont le corps a été retrouvé à bord. Reuters a alors relaté que, selon deux responsables malaisiens anonymes, il était envisagé de faire monter ces survivants – hommes, femmes et enfants – à bord d’un bateau et de les renvoyer au large. Le chef de l’agence maritime de Malaisie a par la suite refusé de démentir ces propos, tout en reconnaissant que des dizaines de passagers n’avaient pas survécu. Le Premier ministre Muhyiddin Yassin a ensuite déclaré que le gouvernement ne mettrait pas un tel plan à exécution, en réponse à la question d’un député.

Amnesty International a déjà noté que le châtiment judiciaire corporel de la bastonnade en Malaisie s’apparente à de la torture. Les condamnés se voient infliger des coups de baguettes en rotin (rotan) à une vitesse pouvant atteindre 160 km/heure, ce qui leur déchire la chair. La douleur est si intense que les victimes perdent souvent connaissance. La souffrance peut durer des semaines, voire des années, à la fois en termes de handicaps physiques et de traumatismes psychologiques. Au titre du droit international relatif aux droits humains, toutes les formes de châtiments corporels sont interdites, car elles violent l’interdiction absolue de la torture et de toute autre peine cruelle, inhumaine ou dégradante, et s’apparentent bien souvent à de la torture.

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