L’investiture du président Muhammadu Buhari pour un deuxième mandat est l’occasion de mettre fin à l’impunité croissante dont jouissent les responsables d’atteintes aux droits humains, a déclaré Amnesty International Nigeria le 31 mai 2019. Dans une nouvelle note d’information intitulée Nigeria : Human Rights Agenda, l’organisation décrit dans les grandes lignes les graves violations des droits humains auxquelles le nouveau gouvernement doit s’attaquer de toute urgence.
« Plus de 350 membres de la minorité chiite auraient été tués illégalement par des militaires en décembre 2015, pendant le premier mandat du président Muhammadu Buhari, à Zaria. Depuis 2015-2016, au moins 150 sympathisant·e·s des Peuples indigènes du Biafra (IPOB) ont été tués. Par ailleurs, les forces de sécurité ont perturbé violemment de nombreuses manifestations pacifiques, a déclaré Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria.
« Plus de 350 membres de la minorité chiite auraient été tués illégalement par des militaires en décembre 2015, pendant le premier mandat du président Muhammadu Buhari, à Zaria »
« Alors que le président Muhammadu Buhari s’apprête à diriger le pays quatre années de plus, nous appelons le gouvernement à saisir cette occasion pour mettre fin aux violations et à l’impunité qui continue de les favoriser, en plaçant la protection des droits humains en tête de son programme pour les quatre prochaines années. Il faut que le gouvernement s’engage publiquement à promouvoir, protéger, respecter et concrétiser les droits humains de tou·te·s. »
Le nouveau gouvernement doit renforcer les mécanismes qui permettent de rendre justice pour les atteintes passées et de respecter les obligations en matière de droits humains qui sont inscrites dans la Constitution nigériane et les traités relatifs aux droits humains auxquels le Nigeria est partie.
Dans la nouvelle note d’information, Amnesty International évalue la terrible situation des droits humains au Nigeria. L’organisation a recueilli des informations faisant état de centaines d’homicides perpétrés par des acteurs étatiques et non étatiques, d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations et de détentions arbitraires, de violences faites aux femmes, de restrictions de la liberté d’expression, d’arrestations et de détentions de journalistes, d’expulsions forcées de grande ampleur et d’une pollution environnementale.
Des violations sur l’ensemble du territoire
Les personnes habitant le delta du Niger n’ont pas accès à des soins médicaux suffisants et vivent dans de mauvaises conditions imputables à des fuites d’hydrocarbures car les autorités n’obligent pas les compagnies pétrolières à rendre des comptes. Des décennies de contamination ont fait du delta du Niger l’une des régions les plus polluées au monde.
Dans le nord-est du Nigeria, Boko Haram continue de commettre des atrocités qui s’apparentent à des crimes de guerre : le groupe tue et enlève de nombreuses personnes, en particulier des femmes et des filles, faisant ainsi fuir des centaines de milliers de personnes
Trois ans après le lancement officiel d’un programme de nettoyage du pays Ogoni par le gouvernement nigérian, ni le secteur pétrolier ni les pouvoirs publics n’ont pu stopper les fuites d’hydrocarbures et ils n’ont procédé à aucun nettoyage.
Dans le nord-est du Nigeria, Boko Haram continue de commettre des atrocités qui s’apparentent à des crimes de guerre : le groupe tue et enlève de nombreuses personnes, en particulier des femmes et des filles, faisant ainsi fuir des centaines de milliers de personnes. Beaucoup de personnes en fuite ont été regroupées de force par l’armée nigériane dans des « camps satellites », où Amnesty International a recensé des viols perpétrés par des militaires et des membres de la Force d’intervention civile conjointe.
Le droit à une alimentation suffisante et le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint sont menacés dans le nord-est du Nigeria.
Par ailleurs, le pays connaît des violations répétées des droits économiques, sociaux et culturels, outre le déni de justice et l’absence de recours efficaces pour les victimes sur l’ensemble du territoire.
De plus, selon les recherches d’Amnesty International, la Brigade spéciale de répression des vols (SARS) infligerait couramment des actes de torture et d’autres mauvais traitements à des détenus : coups extrêmement violents, positions suspendues, privation de nourriture et simulacres d’exécution, entre autres.
Depuis 2015, la situation générale du Nigeria en matière de sécurité se dégrade. Dans l’État de Zamfara, des centaines de villageois ont été tués par des hommes armés. Dans le cadre d’une étude portant sur trois ans, Amnesty International a établi que les conflits entre agriculteurs et pasteurs avaient fait près de 4 000 morts, et ce chiffre est peut-être en deçà de la réalité.
Le Nigeria est un État membre de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations unies. Il a ratifié plusieurs traités régionaux et internationaux relatifs aux droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.