Nigeria, deux projets de loi liberticides

Le Sénat nigérian examine actuellement deux projets de loi draconiens concernant la liberté d’expression sur Internet, dont un qui propose de rendre les discours de haine passibles de la peine de mort. Ces textes, soutenus par le gouvernement, sont le signe d’une escalade inquiétante des autorités dans leur tentative de censurer et de punir les utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux qui expriment librement leurs opinions.

Le projet de loi sur la Commission nationale pour l’interdiction des discours de haine et le projet de loi sur la protection contre les fausses informations et la manipulation en ligne et d’autres infractions connexes confèrent aux autorités le pouvoir arbitraire de bloquer Internet et de limiter l’accès aux réseaux sociaux et rend les critiques à l’égard du gouvernement passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.

« Les réseaux sociaux sont l’un des derniers endroits où les Nigérian·e·s peuvent exprimer leurs opinions librement. Le harcèlement de journalistes et de blogueurs et blogueuses, ainsi que l’instauration de la Loi relative à la cybercriminalité, ont déjà restreint l’espace civique et créé un climat de peur, a déclaré Seun Bakare, responsable des programmes à Amnesty International Nigeria.

« Nous exhortons les autorités nigérianes à renoncer à ces projets de loi, qui sont sujets à des interprétations larges et floues et prévoient des châtiments extrêmement sévères pour des personnes qui ont simplement critiqué les autorités. »

Ils contiennent de nombreuses dispositions qui ne respectent pas les normes internationales relatives aux droits humains. La section 4 du projet de loi sur les discours de haine, par exemple, interdit tout comportement violent, menaçant ou insultant, ce qui peut être interprété de très diverses manières. Elle représenterait un danger pour les opinions critiques, la satire, le dialogue public et les commentaires publics.

Le projet de loi sur les réseaux sociaux contient, quant à lui, des dispositions excessivement larges qui restreignent indûment l’accès à ces réseaux et leur utilisation, et semble destiné à étouffer la liberté d’expression. La section 3, par exemple, qui porte sur la transmission de fausses déclarations, contient des dispositions interdisant la diffusion de déclarations « susceptibles de porter atteinte à la sécurité du Nigeria, à la sûreté et à la tranquillité publiques, aux finances publiques et aux relations amicales avec d’autres pays ». Ces dispositions pourraient aisément être détournées pour punir les détracteurs des politiques et de l’action publiques, et quiconque poserait des questions délicates pourrait se trouver accusé de « saper la confiance de la population à l’égard du gouvernement ».

Les deux textes visent à punir, au moyen d’amendes ou de peines d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans, les personnes qui n’ont fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression. Aux termes du projet sur les discours de haine, les personnes en infraction encourraient la réclusion à perpétuité ou la peine de mort.

Complément d’information

Deux sénateurs portent le projet de loi sur la Commission nationale pour l’interdiction des discours de haine et le projet de loi sur la protection contre les fausses informations et la manipulation en ligne et d’autres infractions connexes. Le gouvernement a déclaré récemment qu’il était déterminé à réglementer le fonctionnement des réseaux sociaux et les informations diffusées par leur intermédiaire.

La Loi relative à la cybercriminalité et la Loi contre le terrorisme, qui couvrent déjà beaucoup des infractions que les projets de loi sont censés traiter, sont utilisées pour étouffer la liberté d’expression au Nigeria.

Au regard du droit international et des normes connexes, les États sont tenus d’interdire l’apologie de la haine, qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence (communément appelée « discours de haine »). De telles interdictions doivent être prévues par la loi et formulées de façon précise. Il faut également que la loi et son application apportent les garanties requises quant au droit à la liberté d’expression et, plus particulièrement, qu’elles respectent les exigences de nécessité et de proportionnalité, conformément à l’article 19(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

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