Pakistan, les autorités doivent mettre fin à l’escalade des attaques visant la minorité ahmadie


Les autorités pakistanaises doivent mettre un terme aux attaques visant la communauté ahmadie, et faire respecter son droit à la liberté de croyance et de religion avant, pendant et après les fêtes religieuses musulmanes telles que l’Aïd el Kebir

L’organisation de défense des droits humains a dénombré 36 cas d’arrestation et de détention arbitraire, ainsi que des dizaines de cas de harcèlement policier ciblant des Ahmadis, et a noté la publication d’ordonnances interdisant aux membres de ce groupe minoritaire de pratiquer des rites religieux, du 10 au 19 juin. Plusieurs attaques contre des lieux de culte ahmadis ont également été recensées, les autorités n’ayant pas assuré la sûreté et la sécurité des membres de la communauté.

« Ces violations des droits humains imputables aux administrations de district à travers le Pakistan illustrent le fait que les Ahmadis demeurent l’une des communautés les plus systématiquement visées par les discriminations au Pakistan. Les autorités doivent faire barrage à la multiplication des attaques contre les Ahmadis et doivent respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits fondamentaux de tous les membres de cette communauté », a déclaré Livia Saccardi, directrice régionale adjointe d’Amnesty International.

Multiplication des arrestations et détentions arbitraires

Dans la province du Pendjab, ont été signalés au moins 36 cas d’arrestation et de détention arbitraire d’Ahmadis dans le but de les empêcher d’accomplir des rites religieux de sacrifice d’animaux.

S’adressant à Amnesty International, un homme de 60 ans membre de la communauté ahmadie dans la province du Pendjab a déclaré que des policiers sont entrés chez lui sans autorisation légale en escaladant les murs alors que sa famille sacrifiait une chèvre au premier jour de l’Aïd : « La communauté ahmadie fait face à des menaces chaque année, mais cette année s’avère sans précédent. Ils ont placé huit membres de ma famille en détention, y compris mes fils, mes neveux et mon beau-frère, simplement parce que nous pratiquions notre foi entre les quatre murs de notre maison. Un sentiment de peur imprègne [la vie] de tous les Ahmadis de ma localité, beaucoup ont été arrêtés. »

L’administration du district de Sialkot a émis des ordonnances similaires visant à arrêter 16 Ahmadis et à les empêcher d’observer des rites religieux pendant l’Aïd sous prétexte de maintenir l’ordre public

Amnesty International a examiné 11 procès-verbaux introductifs déposés contre au moins 14 membres de la communauté ahmadie les 17 et 18 juin dans les villes de Toba Tek Singh, Gujranwala, Sheikhupura, Sargodha, Khushab et Gojra, dans la province du Pendjab. Ces procès-verbaux contiennent des accusations en vertu des lois draconiennes relatives au blasphème inscrites dans le Code pénal pakistanais qu’Amnesty International préconise d’abroger. Plusieurs se fondent sur des plaintes déposées par des partisans du Tehreek-e-Labbaik Pakistan (Mouvement de dévotion au prophète), un parti connu pour alimenter [1] les discours de haine et la violence à l’égard des minorités religieuses au Pakistan.

Le 10 juin, le commissaire adjoint de Chakwal a émis des ordonnances [2] autorisant la détention provisoire de trois hommes ahmadis pendant 30 jours au motif qu’ils pourraient effectuer le rituel du sacrifice d’un animal à l’occasion de l’Aïd. Ces hommes ont été libérés deux jours plus tard après avoir accepté de signer une déclaration sous serment, communiquée à Amnesty International par leurs avocats, selon laquelle ils s’engageaient à ne pas accomplir ce rituel. L’administration du district de Sialkot a émis des ordonnances similaires visant à arrêter 16 Ahmadis et à les empêcher d’observer des rites religieux pendant l’Aïd sous prétexte de maintenir l’ordre public.

Attaques contre des sites religieux ahmadis

Aux premières heures de la journée de l’Aïd, le 17 juin, une foule violente d’environ 150 personnes a attaqué [3] un lieu de culte ahmadi à Kotli, au Jammu-et-Cachemire administré par le Pakistan. Les assaillants ont ouvert le feu, avant de détruire les minarets et l’arche du bâtiment.

« Il est clair qu’il y a un manque de reconnaissance des Ahmadis en tant que citoyens pakistanais »

Le 12 juin, 17 tombes ahmadies ont été profanées [4] à Basti Shukrani, dans le district de Bahawalpur, au Pendjab. Selon des membres de la communauté, la section locale du parti Tehreek-e-Labbaik Pakistan était responsable de cette profanation. Ces attaques violentes sont survenues à la suite de l’homicide [5] à caractère religieux de deux Ahmadis à Saad Ullah Pur, Mandi Bahauddin, le 8 juin, par un adolescent élève d’une école coranique locale.

« Les groupes religieux ont proféré des menaces ouvertes pendant des semaines avant l’Aïd et malgré une note adressée par le ministère de l’Intérieur aux inspecteurs généraux et aux secrétaires généraux provinciaux demandant de renforcer la sécurité des lieux de culte ahmadis, force est de constater que la police et les gouvernements provinciaux ont agi de manière extrajudiciaire à travers le pays. Il est clair qu’il y a un manque de reconnaissance des Ahmadis en tant que citoyens pakistanais », a déclaré Mahmood Iftikhar, défenseur des droits humains et avocat pakistanais.

Dans une lettre ouverte [6] au Premier ministre Shahbaz Sharif le 10 juin, la Commission des droits humains du Pakistan (HRCP) a appelé le gouvernement à assurer la protection des minorités « pendant les périodes de vulnérabilité comme les prochaines fêtes religieuses ». Malgré cette requête, les autorités judiciaires et de district à Quaidabad au Pendjab (15 juin), et à Mirpur (15 juin) et Kotli (7 juin) au Jammu-et-Cachemire administré par le Pakistan, ont choisi d’émettre des ordonnances, qu’Amnesty International a pu consulter, qui interdisent le sacrifice de tout animal par les Ahmadis. À Kotli, des restrictions supplémentaires leur ont été imposées concernant la distribution de viande pendant les jours de l’Aïd el Kebir.

« Le rôle actif que jouent les organes de l’État, tels que la police et les autorités de district, dans la privation du droit de la communauté à la liberté de croyance et de religion constitue une grave violation des obligations internationales du Pakistan en matière de droits humains et de l’article 20 de la Constitution du pays. Le gouvernement pakistanais et les autorités provinciales doivent mettre en place des garanties à même d’assurer la sécurité de la communauté ahmadie. Tous ceux qui sont arrêtés et détenus arbitrairement doivent être libérés sans délai. Amnesty International engage les autorités à abroger d’urgence les lois pernicieuses relatives au blasphème qui sont couramment invoquées pour cibler et discriminer les minorités au Pakistan », a déclaré Livia Saccardi.

Complément d’information

La communauté ahmadie au Pakistan, forte de 500 000 membres, est une minorité religieuse qui se considère comme musulmane, mais qui n’a pas le droit de se définir comme telle et de pratiquer certains aspects de sa foi en vertu des lois pakistanaises strictes relatives au blasphème. À l’occasion de l’Aïd el Kebir, fêté cette année le 17 juin, les Ahmadis se sont même vus refuser le droit de participer au sacrifice rituel d’animaux pratiqué par les musulmans dans le monde entier.

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