Ce texte ajoute que le non-respect de la loi entraînerait des « sanctions pénales et/ou administratives », mais ne précise pas quelle instance étatique serait chargée de son application, ni quelles sanctions spécifiques seraient imposées en cas d’infractions.
« Ce projet de loi est un affront total aux droits humains. Non seulement l’adoption d’une perspective de genre dans l’enseignement ne devrait pas être interdite, mais elle constitue en outre une obligation pour l’État paraguayen du fait de ses engagements internationaux en matière de droits humains », a déclaré Ana Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.
Dans les observations soumises au Sénat, Amnesty International souligne que ce projet de loi est contraire aux normes internationales relatives aux droits humains que l’État paraguayen est tenu de respecter, et qui reconnaissent clairement le droit fondamental à une éducation sexuelle complète intégrant les questions de genre, qui est indissociable du droit à l’éducation et essentiel à l’exercice des droits à la vie, à la santé, à l’information et à la non-discrimination, entre autres.
« Il est très préoccupant que les législateurs et les autorités, lorsqu’ils expliquent le projet de loi, utilisent des expressions vides et imprécises telles qu’"idéologie du genre" et "endoctrinement" pour faire référence à une éducation sensible au genre »
Le document d’Amnesty International souligne aussi que la proposition d’interdire la prise en compte de la dimension de genre dans le moindre domaine de la politique publique ne tient pas compte des taux élevés d’inégalités de genre, de violence et de discrimination dont sont victimes de manière disproportionnée les femmes, les filles et les personnes LGBTIQ+.
« Il est très préoccupant que les législateurs et les autorités, lorsqu’ils expliquent le projet de loi, utilisent des expressions vides et imprécises telles qu’"idéologie du genre" et "endoctrinement" pour faire référence à une éducation sensible au genre », a déclaré Ana Piquer. « Non seulement ces expressions déforment le sens et l’objectif réels d’une éducation sexuelle complète, mais elles cherchent également à manipuler l’opinion publique, en exploitant les craintes et les angoisses de la société et en encourageant la stigmatisation et la persécution des personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre différentes. »
Ce n’est qu’à travers cette perspective que l’on peut reconnaître que la discrimination et les inégalités fondées sur le genre sont profondément enracinées dans les sociétés et qu’elles ont un impact considérable sur les expériences et les opportunités des personnes, ainsi que sur leur capacité à exercer leurs droits fondamentaux.
L’organisation souligne également que le texte juridique proposé ne prévoit pas de mécanismes permettant véritablement une participation sociale diversifiée et inclusive, et qu’il souffre d’un manque de clarté quant à son champ d’application et à sa mise en œuvre, ce qui constitue une violation du principe de légalité et génère une énorme incertitude juridique.
C’est pour ces raisons qu’Amnesty International a exhorté le Congrès paraguayen à rejeter ce projet de loi et a réitéré la nécessité pour le Congrès de promouvoir un débat large, diversifié, inclusif et tolérant, faisant participer tous les secteurs de la société, afin de discuter de l’importance d’une éducation sexuelle complète tenant compte de la dimension de genre.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Ce n’est pas la première initiative visant à restreindre par la voie réglementaire l’adoption d’une perspective de genre dans la politique éducative du Paraguay. Par le biais de sa résolution 29.664 du 5 octobre 2017, le ministère de l’Éducation et des Sciences a interdit « la diffusion et l’utilisation de matériel imprimé et numérique faisant référence à la théorie et/ou à l’idéologie du genre dans les établissements scolaires ». Cette initiative a été vivement critiquée par des organisations internationales de défense des droits humains [1] et des organisations de la société civile, notamment Amnesty International.
Toutes ces critiques ont cependant été ignorées par l’État. Non seulement la résolution est toujours en vigueur, mais le ministère de l’Éducation et des Sciences a publiquement appelé le corps enseignant et les directeurs et directrices d’école à continuer à l’observer, et a exhorté les professionnel·le·s de l’éducation et la société dans son ensemble à déposer des plaintes officielles si des ressources pédagogiques de ce type sont découvertes.
Le nouveau projet de loi examiné par le Sénat propose non seulement de convertir cette interdiction en loi, mais aussi d’élargir son champ d’application pour qu’elle s’applique « sans exception à toutes les institutions éducatives du pays, à tous les niveaux, qu’elles soient publiques ou privées, et qu’elles proposent des cours en présentiel, en ligne ou hybrides ».