Le 26 mars 2018, Alan Cayetano, le ministre des Affaires étrangères, a déclaré que des organisations de défense des droits humains « étaient utilisées par des barons de la drogue », « à leur insu ». Le lendemain, Harry Roque, le porte-parole de la présidence, est allé plus loin, insinuant que des groupes de défense des droits humains pourraient être impliqués dans des « complots de déstabilisation » montés par des barons de la drogue contre le gouvernement. Le 28 mars 2018, un porte-parole de l’Agence nationale de lutte contre les stupéfiants a déclaré que l’agence « examinait », conjointement avec la police nationale, les liens entre des réseaux de trafic de drogue et des groupes de défense des droits humains.
Amnesty International pense que le seul but de ces graves allégations est d’intimider les défenseur-e-s des droits humains qui travaillent sans relâche pour protéger les droits des hommes, des femmes et des enfants aux Philippines, en particulier parmi les populations pauvres et marginalisées qui ont été victimes de la campagne d’homicides illégaux menée par le gouvernement.
Associée aux déclarations des représentants du gouvernement, l’ouverture d’enquêtes de l’Agence nationale de lutte contre les stupéfiants et de la police nationale visant les défenseur-e-s des droits humains pacifiques marquerait une nouvelle dégradation de la situation dans le pays, qui entamerait encore davantage la crédibilité et la réputation internationale des Philippines.
La dernière attaque du gouvernement contre les défenseur-e-s des droits humains fait suite à l’annonce du président Rodrigo Duterte que les Philippines se retiraient du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Ce retrait intervient quelques semaines à peine après que le bureau du procureur de la Cour pénale internationale a annoncé qu’il engageait un examen préliminaire de la situation dans le pays. Le Statut de Rome prévoit que le retrait d’un État ne le dégage pas des obligations mises à sa charge par le Statut alors qu’il y était partie. Amnesty International pense que le retrait du Statut de Rome n’affecterait que la compétence ratione temporis de la CPI. En d’autres termes, la CPI a compétence jusqu’à la date effective du retrait, c’est-à-dire un an après la remise de la notification officielle de retrait aux Nations unies. Le retrait ne peut par conséquent pas empêcher le bureau du procureur de la CPI d’ouvrir une enquête, et les Philippines restent dans l’obligation de coopérer avec la Cour. Par ailleurs, le retrait du Statut de Rome ne dispense pas le gouvernement philippin de ses obligations juridiques internationales de protéger les défenseur-e-s des droits humains, de mettre fin aux atteintes aux droits humains et d’adopter des mesures permettant de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les crimes de droit international commis par des représentants de l’État, quels que soient leur rang ou leur poste.